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THOMISME. LE TRAITÉ DES ANGES


fait voir que la pensée de saint Thomas domine les deux conceptions opposées de Vasquez et de Suarez.

Selon le Docteur angélique, I », q. xliii, a. 3, contrairement à ce que dit Suarez, la présence spéciale de la sainte Trinité dans les justes suppose la présence générale d’immensité ; mais pourtant (et c’est ce que n’a pas vu Vasquez), par la grâce sanctifiante, les vertus infuses et les dons, Dieu est rendu réellement présent d’une nouvelle manière, comme objet expérimentalement connaissable dont l'âme juste peut jouir, et qu’elle connaît expérimentalement quelquefois de façon actuelle. Il n’y est pas seulement comme une personne absente très aimée, mais il y est réellement et parfois il se fait sentir à nous.

La raison en est, selon saint Thomas, loc. cit., que l'âme en état de grâce, sua operatione (cognitionis et amoris) altingit ad ipsum Deum… « ita ut habeat potestatem fruendi divina persona ».

Pour que les personnes divines habitent en nous, il faut que nous puissions les connaître, non pas seulement de façon abstraite, comme une personne distante, mais de façon quasi expérimentale et aimante fondée sur la charité infuse, qui nous donne une connaturalité ou sympathie avec la vie intime de Dieu. II » - II", q. xlv, a. 2. C’est le propre en effet de la connaissance expérimentale de se terminer à l’objet réellement présent et non pas distant.

Pour que la sainte Trinité habite en nous, il n’est pourtant pas nécessaire que cette connaissance quasi expérimentale soit actuelle, il suffit que nous en ayons le pouvoir par la grâce des vertus et des dons. Ainsi l’habitation de la sainte Trinité dure, dans le juste, même pendant son sommeil, et tant qu’il reste en état de grâce. Mais, de temps en temps, il arrive que Dieu M fait sentir à nous comme l'âme de notre âme, la vie de notre vie. C’est ce. que dit saint Paul : « Vous avez reçu un Esprit d’adoption en qui nous crions : Abba, Père ! Cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rom., viii, 14. Saint Thomas dit dans son commentaire sur cette Épttre : « Le Saint-Esprit rend ce témoignage à notre esprit par l’effet d’amour filial qu’il produit en nous. » Cette connaissance quasi expérimentale de Dieu présent en nous procède de la foi vive éclairée par le don de sagesse ; cf. S. Thomas, II » -II æ. q. xlv, a. 2 : Rectum judicium habere de rébus diuinis, secundum quamdam connaturalitatem ad ipsas, perlinet ad sapientiam, quæestdonumSpiritussancti ; et In / um.ScnL, dist. XIV, q. ii, a. 2, ad 3 uæ : Non qualiscumque cognilio su/ficit ad ralionem missionis (et habitationis divinæ personie), sed solum illa quæ arcipitur ex aliquo dono appropriato personæ, per quod efficitur in nobis conjunctio ad Deum, secundum modum proprium illius personæ, scilicet per amorem, quando Spiritus sanctus datur, unde cognilio ista est quasi experimentalis. Cf. ibid., ad 2 am.

C’est pourquoi le Sauveur a dit : « L’Esprit fie vérité, (que mon Père vous enverra) sera en vous ; il vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit, » Joa., xiv, 26.

La sainte Trinité habite ainsi dans l'âme juste comme dans un temple, I Cor., iii, 16, dans un temple vivant mais encore obscur, qui connaît et aime. Elle habile à plus forte raison dans les âmes bienheureuses qui la contemplent sans oile. Telle est la doctrine thomiste de l’habitation, on peut s’en rendre compte en particulier en lisant Jean de Saint-Thomas, In / » iii, q. xi.iii, a. 3, et les autres commentateurs au même aitic.Ie.

Ainsi s’achève le traité de la Trinité par cette question à laquelle se rattache le traité de la grâee ; < : ir la grâce est le don créé" produit et conservé en nous par le don Incréé qu’est l’Etpril saint (appropriation) et par la sainte Trinité tout entière présente en nous.

Saint Thomas dit en effet, III », q. iii, a. 5, ad 2 ata : Filialio adoptiva est quædam participata similitudo filiationis naturalis ; sed fit in nobis appropriate a Pâtre, qui est principium naturalis filiationis, et per donum Spiritus Sancti, qui est amor Patris et Filii. Et encore : III », q. xxiii, a. 2, ad 3 nm : Adoptalio licet sit rommunis loti Trinilati, appropriatur tamen Patri ut auctori, Filio ut exemplari, Spiritui Sancto ut imprimenti in nobis similitudinem hujus cxemplaris. La grâce, selon sa nature même, dépend de la nature divine commune aux trois personnes et, en tant que méritée à tous les hommes rachetés, elle dépend du Christ rédempteur.

VI. Traité des anoes.

Bases du traité.


On est parfois porté à penser que le traité des anges de saint Thomas est une construction a priori, sans autre fondement que le livre du pseudo-Denys De cselesti hierarchia.

En réalité saint Thomas s’appuie surtout sur ce que l'Écriture dit de l’existence des anges, de leur intelligence, de leur nombre, de la bonté des uns, de la malice des autres, et de leurs rapports avec les hommes. Les textes de l’Ancien Testament sont nombreux dans la Genèse, Job, Tobie, Isaïe, Daniel, les Psaumes. Le Nouveau Testament confirme cet enseignement par ce qui est dit des anges à propos de la naissance du Sauveur, de la passion, de la résurrection. Les épîtres de saint Paul sont plus explicites encore et distinguent « les trônes, les dominations, les principautés, les puissances ». Col., i, 16 ; ii, 10 ; Rom., viii, 38, etc. Telle est la véritable base du traité des anges, beaucoup plus que les écrits de Denys.

De ces témoignages, il résulte que les anges sont des créatures supérieures à l’homme, qui apparaissent parfois sous une forme sensible, mais qui sont généralement appelés spiritus, ce qui permet d’affirmer que ce sont des créatures purement spirituelles, quoique plusieurs Pères des premiers siècles, en aient douté, du fait qu’ils concevaient difficilement une créature réelle sans un corps, au moins éthéré.

Pour la distinction dans les anges de la nature et de la grâce, à la lumière des principes généraux sur la vie intime de Dieu, our le caractère essentiellement surnaturel de la vision béatifique pour toute intelligence inférieure à Dieu, sur la grâce et les vertus infuses, saint Thomas est conduit à préciser de plus en plus ce que dit saint Augustin De civitale Dei, t. XII, c. ix : Jionain voluntatem quis fecit in angelis, nisi ille, qui eos… creavit, si mut in eis condens naturam et largiens gratiam.

Pour donner brièvement une juste idée de la structure de ce traité, nous en soulignerons les principes essentiels, en notant au fur et à mesure l’opposition qil 'ils ont trouvée chez Duns Scot, et en partie chez Suarez, qui ici comme souvent cherche un milieu entre saint Thomas et le Docteur subtil. On peut ainsi se rendre coin pic de la différence de leurs doctrines relativement à la nature des anges, à. leur connaissance, à leur amour, et a la grâce principe du mérite. Cf. Scot, De rerum principio, q. vii, vin ; Op. Oxon., dist. III, q. v, vi, vii, etc. et Suarez, De angelis ; nous n’indiquerons pas le détail des références faciles à trouver en ces ouvrages. Nous insistons un peu sur ces différents points, parce qu’ils éclairent d’en haut, par comparaison, le (railé de l’homme.

Nature des anges.

Saint 'Thomas enseigne clairement

que les anges sont des créât m es purement spirituelles, des formes subsistantes sans aucune matière. I », q.L. a. I et 2. Scot dit qu’ils sont composés de

forme et de matière Incorporelle, sans quantité, car il y a en eux quelque chose de pot en i tel. l >es i lmm i si es répondent : est élément potentiel, c’est leur essence

réellement dist incte de leur exisl enec ; et Ils ajoutent :