Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée
873
874
THOMISME. VOLONTÉ DIVINE ET AMOUR


tances, par exemple le salut de tous, mais non pas sur le bien considéré hic et nunc ; or, il n’est réalisable et réalisé que hic et nunc. Cette volonté conditionnelle reste inefficace, parce que Dieu permet que tel bien n’arrive pas, que les créatures défectibles défaillent parfois, que tel mal se produise ; il le permet pour un plus grand bien, dont lui seul est juge. Aimi il permet pour une fin plus haute que bien des fruits de la terre n’arrivent pas à maturité, que tel animal devienne la proie d’un autre, que la persécution éprouve les justes, que des pécheurs ne se convertissent pas et meurent dans l’impénitence finale. Il le permet pour un bien supérieur, par exemple pour manifester sa justice contre l’obstination dans le mal.

Tel est pour saint Thomas et son école le sens de la distinction entre la volonté divine antécédente (et inefficace ) et la volonté conséquente (ou efficace). Cette distinction ainsi comprise est. selon les thomistes, le fondemenl suprême de la distinction entre la grâce suffisante (qui dépend de la volonté antécédente ou conditionnelle et inefficace) et de la grâce efficace (qui dépend de la volonté conséquente ou absolue et efficace). race suffisante rend l’accomplissement des préceptes réellement possible, elle donne le pouvoir réel de les accomplir ; la grâce efficace nous donne de les accomplir librement et effectivement hic et nunc. Et il y a plus dans l’accomplissement du précepte que dans le pouvoir réel de l’accomplir, comme il y a plus dans l’acte de vision que dans la faculté de voir. Il faut surtout lire sur ce point I a, q. xix, l’article 8 très longuement commenté par les thomistes.

Par exemple, Dieu de toute éternité a voulu efficacement (volonté conséquente) la conversion de saint Paul ; celle-ci arrive infailliblement mais librement, i volonté divine perte jortiler et suaviler, sans la la volonté de Paul à se convertir. Au contraire Dieu n’a pas voulu efficacement la conversion de Judas après sa faute ; il l’a voulue d’une façon conditionnelle et inefficace (volonté antécédente) et il a permis l’impénitence finale de Judas pour des motifs supérieurs, parmi lesquels il y a la manifestation de la justice divine. Nous avons plus longuement exposé ailleurs cette doctrine : De Deo uno, 1938, p. 410-434. el Rettue thomiste, mai 1937, I.e fondement suprême de la distinction des deux grâces, suffisante et efficace.

De cette doctrine de l’efficacité de la grâce s’éloigne le moliuisme qui refuse d’admettre que la grâce cflioil efficace de soi ou intrinsèquement, parce que Dieu l’a voulu ; elle ne serait efficace que d’une façon extrinsèque, pai notre consentement prévu par Dieu In sdenci moyenne. Cf. Molina. C.oncordia, éd. Paris. 1876, p. 230, 356, 159, 565.

A cela les thomistes répondent par le dilemme : fi Dieu n’ett peu déterminant, il est déterminé : la science moyenne est dépendante de nos déterminations libres. qui formellement comme déterminations, même en ce qu’elles ont de réel et de bon, ne viennent pas de l >ieu.

La volonté de Dieu et sa motion efficace. Loin de violenter la libellé du pécheur au moment de sa cou version, actualisent cette liberté et la portent fortement el suavement à se déterminer dans le bon sens. De toutl éternité Dieu a voulu efficacement que Paul lie heure sur le chemin de Damas et se librement ; la volonté divine est descendue à tout CC détail, el elle s’accomplit infailliblement en actualisant, sans la violente] la liberté créée. De même l.i « fin acem ni de toute éternité qw Mai le, le jour de l’aimoiM iai ion, donnât librement son cou réalisation du mj stère de l’incarna’ion, H cette voiop Infailliblement s’accomplit.

Sur ce point de docl rine les thomistes ont beaucoup

contri le concours simultam di Mclina et de

Soarez et contre une motion divine indifférente qui

pourrait être suivie de fait de l’acte mauvais ou de l’acte bon. Ils ont défendu les décrets divins prédéterminants et la prémotion physique, en insistant sur ceci que cette prédétermination n’est pas nécessitante, puisqu’elle actualise en nous et avec nous le mode libre de notre choix volontaire au lieu de le détruire. Si une créature très aimée peut nous conduire à vouloir librement ce qu’elle veut que nous voulions, à plus forte raison Dieu créateur, qui est plus intime à nous que nous-mêmes. Nous avons longuement exposé sur ce point la manière de voir des thomistes, ici même, articles Prémotion physique, t. xiii, col. 31-77 ; et Prédestination, t. xii.col. 29402958 et 2983-2989.

Nous voudrions seulement noter ici le rapport de la doctrine thomiste sur ce point avec les principes généralement reçus par tous les théologiens. Tous les théologiens admettent que ce qu’il y a de meilleur dans l’âme, des saints ou des justes, qui sont encore sur la terre, vient de Dieu. Or, qu’esi-cc qu’il y a de meilleur en leur âme, tant qu’ils sont encore dans les conditions du mérite ? C’est la détermination libre de leurs actes méritoires, surtout de leurs actes de charité. Il est clair en effet que la grâce sanctifiante, supérieure à la nature même de l’âme qui la reçoit, et les vertus infuses, en particulier la charité, sont ordonnées aux actes libres et méritoires, surtout à l’acte libre d’amour de Dieu et du prochain. Cet acte n’est ce qu’il est que par la détermination libre qui le constitue ; sans elle, il n’y aurait pas de mérite et la vie éternelle doit être méritée.

] : À donc cette détermination comme telle doit venir de Dieu, qui seul peut la susciter en nous par sa grâce. Pensons à ce qu’il y a eu de meilleur dans l’âme de saint Pierre et de saint Paul au moment de leur martyre ; pensons aussi aux mérites de Marie au pied de la croix, et enfin à la détermination libre et méritoire de l’acte d’amou r de la sainte âme de Jésus, surtout lorsqu’il dit sur le calvaire : Consummalum est.

Selon le molinisme, cette détermination libre de l’acte méritoire non est a Deo movente, clic ne vient pas de la motion divine, mais seulement de nous, en présence de l’objet proposé par Dieu, et d’une grâce de lumière et d’attrait objectif qui sollicite aussi bien celui qui ne se convertit pas que celui qui se convertit. Cf. Molina, Concordia, éd. Paris. 1876, p. 51, 565. Le concours simultané est aussi également donné aux deux.

Si l’on soutient que ce qui vient de Dieu, c’est seulement la nature et l’existence de l’âme et de ses facultés, la grflee sanctifiante, la grâce actuelle par manière d’attrait objectif, comme la proposition du bien qui attire, et aussi le concours général ou une motion divine Indifférente sous laquelle l’homme peut vouloir soit le bien, sod le mal ; si l’on soutient cela, il faut dire alors que de deux justes qui ont reçu également tous ces dons naturels et surnaturels, lorsque l’un d’eus se dé termine à un nouvel acte méritoire peut-être héroïque, tandis que l’autre faiblit, commet uiu-faute grava et

perd.la grâce sanct i liant c, ce par quoi le premier est meilleur que l’autre ne vient pas de Dieu, la détermination libre et méritoire qui le rend meilleur (et qui n’est rien, si elle n’est pas déterminée) ne vient pas de Dieu. Alors Dieu n’étant pas déterminant à l’égard de (elle détermination libre et méritoire, est déterminé par elle, au moins dans sa prescience des futurs candi t ion ne ! s ; il a été spc( -iateur et non pas auteur de cette libre détermination, qui est ce qu’il > a de meilleur dans le cœur des saints. Cette doctrine peut elle te concilier avec la souveraine Indépendance de Dieu, auteur de bout bien’Saint Thomas B dit au contraire : (.’/ ; //) iinnir Del sii causa bonilatit rerum, non eteei aliquid alio mêlais.