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THOMISME. CONNAISSANCE ANALOGIQUE DE DIEU


lues ; cf. Cajétan, De analogia nominum, c. v et vi ; N. del Prado, De veritate fundamentali philosophie christianse, 1911, p. 196 sq.

Cette manière de parler de saint Thomas est tout à fait conforme avec ce qu’on enseigne communément en logique sur la distinction de l’analogue et de l’univoque. Ainsi on dit que le genre animal ou l’animalité est univoque, car elle désigne partout un même caractère, ralionem simpliciter eamdem : un corps doué de vie sensitive, bien que le ver n’ait pas les cinq sens extérieurs comme les animaux supérieurs. Au contraire le nom analogique de connaissance exprime une perfection essentiellement variée, simpliciter diversa, qui n’est que proportionnellement semblable dans la sensation et l’intellection, en ce sens que la sensation est au sensible, comme l’intellection à l’intelligible. De môme l’amour n’est que proportionnellement semblable, suivant qu’il est sensitif ou spirituel. C’est pourquoi une perfection analogue, selon les thomistes, à l’opposé d’une perfection univoque, ne peut s’abstraire parfaitement des analogues, car elle exprime une similitude de proportions qui ne se conçoit pas, sans qu’on conçoive aclu implicite les membres de cette proportionalité. Tandis qu’on peut abstraire parfaitement du lion et du ver de terre l’animalité ou le caractère d’un corps doué de vie sensitive, on ne peut abstraire parfaitement de la sensation et de l’intellection la connaissance. C’est pourquoi il est difficile de définir la connaissance en général de façon à ce que cette définition s’applique à la connaissance sensitive, à l’intellection humaine et à l’intellection incréée.

De ce que la perfection analogique est seulement proportionnellement semblable, il suit, comme le note sain’Thomas, De veritate, q. ii, a. 11, qu’il peut y avoir une distance infinie entre deux analogues, bien que la notion analogique se vérifie encore au sens propre, et ron pas seulement au sens métaphorique dans l<s deux : ainsi il y a une distance infinie entre l’être créé et l’être incréé, entre la sagesse humaine et la sagesse divine, bien que l’une et l’autre soit sagesse

ni sens propre du mot. Cela ne doit pas nous surprendre,

car il y a déjà une distance immense, sine mrnsura. entre La sensation et l’intellection, qui, malgré leur différence essentielle, sont connaissance au sens propre de ce mot.

De plus la terminologie de saint Thomas et la définition thomiste de l’analogie, sont pleinement conformes à ces paroles du [Ve concile du Latran : Intcr rrratorcm et crea’.uram non poteet tanta similitudo nolari, quin sil temper major dissimililudo notanda. Denz.-Bannw., a. 4.T2. Ce qui revient à dire que la perfection analogique est simpliciter diversa dans les analogues. 1 1 secundam quid ou proportionaliter cadem, t non lias Inversement.

Ii ni cela montre que, lorsqu’on dit communément : « les perfections absolues sont formellement en Dieu », i la doit s’entendre : formaliter, non univoce, sed anatogice, altamen proprie et non solum metaphorice ; ainsi déjà dans l’ordre créé, la sensation et l’intellection sont dites analogiquement mais proprement connaiss. insi. dans la formule, reçue formaliter eminenter, s’explique le premier adverbe ; reste à voir comment s’explique le second.

d) Que signifie eminenter, dans cette expression

généralement admise formaliter emtnenêer ? - il suit

de ce qui i Ion les t homistes, que le mode tri »

éminent selon lequel les attributs divins sont en Dieu

connu ici baset exprimé que de façon

négative et relative, ainsi nous disons : sagesse non

limit (’'. sagesse suprême, sagesse souveraine. Aussi dit saint i bornas. Cum toc nomen $apieat <ir homine dicitur, quodammodo detcribtt et coaiprehtndit rem tifntflcatam [distinciam < ; /> eseentia hominis, <ih efut

DICT. Dl I llï’1. f.ATHOL.

esse, ab ejus potentia, etc.), non autem cum dicitur de Deo ; sed relinquit rem significalam ut incomprehensam et excedentem nominis significationem. I a, q. xiii, a. 5. Ainsi s’explique déjà l’adverbe eminenter dans l’expression formaliter eminenter, mais il faut préciser encore.

De ce qui a été dit, il suit, contre Scot, que entre les perfections divines il ne peut y avoir une distinction formelle actuelle ex natura rei. Cette distinction, en effet, telle que Scot l’admet, est plus que virtuelle, car elle est antérieure à la considération de notre esprit. Or, une distinction qui précède la considération de notre esprit, si petite qu’elle soit, est déjà réelle, in ipsa re, extra animam ; elle est par suite inconciliable avec la souveraine simplicité de Dieu. Et le concile de Florence affirme : In Deo omnia sunt unum et idem, ubi non obviât relationis oppositio. Denz.-Bannw., n. 703.

On ne peut donc admettre entre les attributs divins, qu’une distinction virtuelle, et même virtuelle mineure, en tant qu’un attribut contient les autres actu implicite, non vero explicite. Il les contient plus qu’un genre ne contient ses espèces, car le genre ne contient pas actu implicite les différences spécifiques qui lui sont extrinsèques, mais seulement virlualiter. Il faut cependant maintenir, contre les nominalistes, que les noms divins ne sont pas synonymes, que la justice et la miséricorde n’ont pas seulement entre elles une distinction quasi verbale comme Tullius et Cicéron.

Alors se pose pour les thomistes, la question difficile : comment les perfections divines s’identifient-elles réellement en Dieu, sans se détruire, mais en restant en lui formellement (c’est-à-dire substantiellement, proprement et sans être synonymes). Il s’agit ici de la difficile conciliation de ces deux adverbes formaliter eminenter. Il peut paraître que le second détruit le premier. On comprend sans doute facilement que les sept couleurs de l’arc-cn-ciel soient éminemment dans la lumière blanche, mais elles n’y sont que virtuellement (eminenter virtualiler) et non pas formellement ; en effet la lumière blanche n’y est pas formellement bleue ni rouge, tandis que Dieu et même la Déité est formellement vraie, bonne, intelligente, miséricordieuse. Dire qu’elle ne l’est que virtuellement (comme elle est virtuellement corporelle, parce qu’elle peut produire les corps), c’est revenir à l’erreur attribuée à Maimonide, et réfutée plus haut.

Comment les perfections divines peuvent-elles être formellement en Dieu, si elles s’identifient en lui ? Scot a répondu ; elles ne peuvent être formellement en Dieu que si en lui-même elles sont formellement distinctes, avant la considération de notre esprit. Cajétan a profondément examiné ce problème : comment les perfections divines peuvent-elles s’identifier, sans se détruire ? et la solution qu’il en a donnée a été admise généralement par les thomistes comme conforme à la doctrine même de saint Thomas. In I* iii, q. XIII, a. 5, n. 7, il dit en substance : la sagesse et la miséricorde se dél luiraient ou disparaîtraient si la première était Identifiée formellement à la seconde ou la seconde à la première ; mais elles ne se détruisent point et ne disparaissent point si elles sont identifiées à la perfection éminente d’ordre supérieur, qu’est la Déité, elles peuvent être en elle formaliter eminenter. Il dit exactement, ibid. :

ShHll rc, i[ii ; e est sapient ia, et rrs qu ; e est justifia in

reaturis, elevantur (n uimm mn lupertorUordlnlSrSoUlcet Deitatem, ci Ideo sunt una res in Deo ; Ita ratio formait* saplentlce ci ratio formdtlt JustitUe elevantur (n anam rationem formakm uipertorts ordlnta, sciltcet ratlonem proprfaun Deitatts, el.nui una numéro ratio tormalts, eminenter tttramque rationem eonttnem, non tantum virtualiter ni

ratio lue ! * OOntinet rai ioneni ealoris, sed formaliter… Inde

subtlllsslme lUvinum sancii Thomn Infantum, ex hoc..

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