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THOMISME. SOURCES : LES COMMENTATEURS


plus la matière qu’il a étudiée en détail dans les ouvrages précédents. Il voit de plus en plus les conclusions dans les principes. Gomme dans la contemplât ion circulaire dont il parle II » - II", q. clxxx, a. 6, sa pensée revient toujours à la même vérité éminenle pour en mieux saisir toutes les virtualités et le rayonnement. Il ramène tout à quelques principes très peu nombreux mais très universels, qui éclairent d’en haut un grand nombre de questions. La perfection de la connaissance intellectuelle vient précisément de cette unité, de cette simplicité éminente et de cette universalité, qui la rapprochent de la connaissance que Dieu a, en lui-même, de toutes choses par un seul regard. Il y a ainsi dans la Somme théologique une cinquantaine d’articles qui éclairent tous les autres et donnent à cette synthèse son caractère propre. Aussi, croyons-nous, que le vrai commentaire de la Somme théologique doit éviter les longueurs, et consiste surtout à souligner les principes supérieurs qui éclairent tout le reste. La vraie science théologique est une sagesse ; elle n’est pas tant préoccupée de déduire des conclusions nouvelles, que de rattacher toutes les conclusions plus ou moins nombreuses aux mêmes principes supérieurs, comme les divers côtés d’une pyramide au même sommet. Alors le fait de rappeler à propos de tout le principe le plus élevé de la synthèse n’est pas une répétition matérielle, mais une façon supérieure de se rapprocher de la connaissance divine, dont la théologie est une participation.

Sur la méthode de saint Thomas, son génie personnel analytique et synthétique et la valeur permanente de son œuvre, voir ici l’art. Frères prêcheurs, t. vi, col. 876-884.

Cette valeur permanente de la doctrine de saint Thomas a trouvé son expression la plus autorisée dans l’encyclique JElerni Patris (1879). Léon XIII y relève les mérites de saint Thomas en affirmant qu’il a « fait la synthèse de ce qu’avaient enseigné ses prédécesseurs, et qu’il a grandement augmenté cette synthèse, en remontant en philosophie aux principes les plus universels fondés sur la nature des choses, en distinguant nettement la raison et la foi pour mieux les unir, en conservant les droits et la dignité de chacune, de telle sorte que la raison peut difficilement s’élever plus haut, et la foi ne peut guère recevoir de la raison de plus grands secours. » Ce sont les expressions mêmes de Léon XIII.

L’autorité de saint Thomas est finalement reconnue en ces termes dans le Code de droit canonique, can. 1366, n. 2 : Philosophise rationalis ac theologise studia et alumnorum in his disciplinis institutionem professores omnino pertractent ad Angelici Doctoris rationem, doclrinam et principia, eaque sancte teneant.

Les commentateurs thomistes.

Nous ne considérons

ici que les commentateurs qui appartiennent à l’école thomiste proprement dite ; nous ne parlons pas des éclectiques, qui font de larges emprunts à saint Thomas, mais cherchent une voie moyenne entre lui et Duns Scot, les réfutent parfois l’un par l’autre, au risque d’osciller presque toujours entre les deux, sans pouvoir prendre une position stable.

On peut distinguer dans l’histoire des commentateurs de saint Thomas trois périodes. La première est celle des De/ensiones contre les divers adversaires de la doctrine thomiste, fin du xiiie, xiv c et xv c siècles. Puis viennent les Commentaires proprement dits sur la Somme théologique de saint Thomas ; ils en expliquent le texte article par article ; c’est la méthode classique, généralement suivie jusqu’au concile de Trente. Après ce concile, pour répondre à une nouvelle manière de poser plusieurs questions, les commentateurs n’expliquent généralement plus la lettre de saint Thomas, article par article, mais instituent

des Disputationes sur les problèmes débattus de leur temps. Ces trois méthodes ont manifestement leur raison d’être ; elles ont permis d’étudier la synthèse thomiste à des points de vue divers en la comparant aux autres conceptions théologiques. Un coup d’oeil sur chacune de ces trois périodes permet de s’en rendre compte.

A la fin du xiiie siècle et au début du xiv c, la doctrine de saint Thomas est défendue par les premiers thomistes contre certains augustiniens de l’ancienne école, contre les nominalistes et les scotistes. Il faut citer en particulier les travaux de Hervé de Nédellec contre Henri de Gand, de Thomas de Sutton ou Thomas Anglicus ( ?) contre Scot, de Durand d’Aurillac contre Durand de Saint-Pourçain et les premiers nominalistes. Ensuite furent composés des travaux de plus grande envergure. De ce nombre sont les De/ensiones de Jean Gapréolus († 1444), appelé princeps thomistarum (dernière édition, Tours, 1900-1908). Il suit l’ordre des questions des Sentences de Pierre Lombard et rapproche constamment du Commentaire de saint Thomas sur cet ouvrage les textes de la Somme théologique et des Questions disputées, en les défendant contre les nominalistes et les scotistes. Pierre Niger († 1481) en Hongrie et Diego de Deza, le protecteur de Christophe Colomb en Espagne († 1523), écrivent des travaux du même genre.

Avec l’introduction dans l’enseignement de la Somme théologique commencent les commentaires proprement dits sur cet ouvrage : ceux de Thomas de Vio (Cajétan), composés de 1507 à 1522, considérés comme l’interprétation classique de saint Thomas ; ceux de Conrad Kôllin, sur la I » -II", Cologne, 1512 ; ceux de Silvestre de Ferrare sur le Contra Génies, Venise, 1534 ; ceux de François de Vittoria sur la II » -II " († 1546), demeurés longtemps manuscrits et dernièrement imprimés à Salamanque, 1932-1935 ; ses Relectiones theologicse, 3 vol., ont été aussi publiées à Madrid, 1933-1935.

Au concile de Trente, de nombreux théologiens thomistes prirent part aux travaux préparatoires, notamment Barthélémy de Carranza, Dominique de Soto, Melchior Cano, Pierre de Soto. Le texte du décret sur le mode de la préparation à la justification, sess. vi, c. vi reproduit la substance d’un article de saint Thomas, III », q. lxxxv, a. 5. De même, dans le chapitre suivant du même décret, où sont assignées les causes de la justification, les Pères reproduisent la doctrine de saint Thomas dans sa Somme théologique, I » -II », q. cxii, a. 4 ; II » -II", q. xxiv, a. 3. — Quatre ans après la fin du concile, Il avril 1567, Pie V proclame saint Thomas d’Aquin docteur de l’Église en faisant valoir que sa doctrine a réduit les hérésies survenues depuis le xiiie siècle et que cela a apparu plus clairement par les décrets du concile de Trente : et liquido nuper in sacris concilii Tridentini decretis apparuit. Bull, ord. prsed., t. v, p. 155.

Après le concile de Trente, les commentateurs de saint Thomas écrivent généralement sur la Somme théologique des Disputationes, quoique certains, comme Dominique Banez, l’expliquent encore article par article. Parmi les commentaires de cette époque, il faut citer ceux de Barthélémy de Médina sur la I » -II", Salamanque, 1577, et la III », Salamanque, 1578 ; ceux de Dominique Banez sur la I », Salamanque, 1584-1588 (récemment réimprimés à Valentia, 1934) et la II » -1I", Salamanque, 1584-1594, et la III » demeurés en manuscrit. Il faut citer aussi les ouvrages de Thomas de Lemos († 1629), Diègue Alvarez († 1635), Jean de Saint-Thomas († 1644), Pierre de Godoy († 1677), en Espagne ; de Vincent Gotti († 1742), Daniel Concilia († 1756), Vincent Patuzzi († 1762), Salvatore Roselli († 1785), en Italie ; de Jean Nicolaï († 1663), Vincent