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THOMAS D’AQUIN : USAGE DES AUCTORITATES


n’a pas voulu incorporer dans ses exposés doctrinaux une source pseudépigraphique précisément parce qu’elle n’avait pas les titres requis par l’usage et la technique de l’école, nous donnera un exposé qui sera plus ou moins différent de l’exposé d’un autre, lequel s’en servait comme d’une source proprement dite, ex propriis sed probabiliter. Ne faut-il pas respecter la lettre et les intentions expresses f)e quelqu’un qui, comme saint Thomas, a voulu établir sa doctrine théologique sur les auctoritates des Écritures canoniques et de ces doctores authenlici officiellement reconnus comme tels ? Le cas du symbole Quicumque, faussement attribué à Athanase, n’infirme en rien ce que nous venons de dire. On n’a qu’à se rappeler que cet exposé, cette doctrina, comme saint Thomas l’appelle, est devenu un symbolum, et une régula fîdei, non de sa propre autorité (évidemment le Moyen Age y reconnaît Vauctoritas d’Athanase) mais uniquement par l’approbation des souverains pontifes. De ce fait le cachet personnel inhérent à une autorité patristique lui était enlevé, et le Moyen Age s’en rapportait ici à l’autorité non point d’Athanase, mais de l’Église. Sam. theol., II’-II », q. i, a. 10.

/II. l’usage des auctoritates. — Comment saint Thomas a-t-il utilisé sa documentation patristique ? Quelle fut l’attitude adoptée par lui à l’égard des auctoritates et quel usage fit-il de ces textes ?

Il faut avoir répondu à cette question pour mesurer l’influence qu’il a gardée de leur contact. La nature de la méthode scolastique en sortira peut-être mieux éclairée et on verra en tout cas en quoi précisément consistaient certains de ses procédés. Quand on a identifié les auctoritates patristiques, on reste frappé de leur grand nombre et, plus encore, des principes multiples selon lesquels on pourrait les classer ; car il est vraisemblable déjà à priori, et les faits le confirment à l’évidence, que l’utilisation de ce matériel abondant et varié ne devait pas se faire d’une manière uniforme pour tous les textes. On peut examiner chaque texte à part, mais il est possible de classer les citations selon des données objectives et de les grouper ainsi en différentes catégories selon les procédés employés. Qu’on se rappelle une distinction à la fois élémentaire, et capitale. On choisit un texte de préférence à un autre parce que la teneur du fragment choisi semble exprimer ce dont on a besoin ; le sens primitif de ce texte et l’interprétation qu’il recevra par le fait qu’il est extrait de son contexte ne sont pas une seule et môme chose. Pour tout ce qui suit nous renvoyons à notre article : L’usage des « Auctoritates ». Voir la bibliographie.

La présentation des textes.

On pourrait à la

rigueur procéder à priori, ainsi que I. Backes l’a fait op. cit., p. 55-56. Il a relevé trois catégories : les citations d’ornement, les citations sic et non, les citations sources de doctrines. Il est préférable toutefois de laisser parler les textes eux-mêmes. Saint Thomas et Ms contemporains ont pris à leurs devancière leurs procédés de travail, tout en les perfectionnant et en les adaptant aux progrès et aux nécessités des temps nouveaux.

1. Citations sources de « di/Jicultales ». — Lorsque toutes les auctoritates ne semblent pas dire la même chose à propos d’un sujet, on peut les opposer les unes aux autres. On ne concédera pas tout ce qui est affirmé par un des textes et l’on ne refusera pas absolument l’autorité d’un autre. L’expression de la vérité exige des nuances et la parole humaine est rarement (l’une exactitude absolue. Saint Thomas était rompu B Ifl méthode abélardienne, et des expressions moins heu MOMi et apparemment contradictoires se trouvaleni

chez les l’ères, lesquels, ehacun en son temps et pour son milieu, avaient enseigné et défendu la doctrine de

la foi avec le vocabulaire dont ils disposaient. Dès le début du xii c siècle on avait trouvé la formule de conciliation : non sunt adversi sed diversi.

2. Citations de pur ornement.

Par ce nom on est convenu d’indiquer les auctoritates qui pourraient être omises sans que l’exposé de la doctrine ou la cohérence du sujet en souffrît ; citations conventionnelles, décoratives, qui illustrent heureusement, par un mot ou une image, ce que l’auteur vient de dire, sans y ajouter quoi que ce soit. G. Bardy, art. cit., p. 502, les appelle des « références d’apparat », pour orner et embellir un exposé doctrinal.

3. Citations sources de doctrine.

On peut prendre aussi un texte patristique comme base pour établir une doctrine. Et, chez saint Thomas, ce sera très souvent dans le sed contra qu’onlira un tel texte. Le rôle du sed contra était précisément de faire entendre le premier son de la doctrine développée dans le corps de l’article et ainsi le texte patristique fait jaillir la première étincelle de la lumière qui va être faite. Cependant la citation source de doctrine, ne se trouve pas uniquement ou nécessairement dans le sed contra. La citationsource était déjà une donnée initiale que l’on devait analyser, expliquer, confirmer et au service de laquelle on mettait les ressources de la philosophie et d’une saine dialectique. Enlever Vauctoritas en question, ce serait faire périr le sens ou la valeur de l’exposé doctrinal. G. von Hertling, art. cit., p. 549, la décrit comme une auctoritas qui donne le ton et la mesure pour comprendre l’explication qui va suivre.

4. Citations preuves de la doctrine.

Élaborant sa théorie des sources, exposée plus haut (col. 738), on a pu constater que saint Thomas regardait les auctoritates patristiques comme des argumenta propria sed probabiliter ; c’est-à-dire que l’argument qu’on en pouvait tirer n’a pas de soi une valeur apodictique et nécessaire. C’est avec cette réserve qu’on doit comprendre ce que nous disons des citations preuves de la doctrine. Ainsi donc il n’est pas question ici de véritables preuves, au sens que nous donnons à ce mot aujourd’hui.

C’est surtout dans la doctrine sacramentaire que saint Thomas fait usage de ce genre. Par la formule citation-preuve, on doit entendre une citation qui vient à point pour appuyer ou expliquer une pratique déjà existante ; une doctrine déjà établie par ailleurs. Ainsi dans la III », q. lxvi, a. 5, à propos de la formule sacramentelle du baptême, on se demande si cette formule est une forma conveniens ? Le sed contra cite le texte bien connu, Matth., xxviii, 19, citation source de la doctrine. Saint Thomas ajoute cependant, dans le corps de l’article, deux autres textes, Eph., v, 2ti. et un texte d’Augustin emprunté au De baptismo contra donatislas, t. IV, c. xv, lequel doit expliquer le texte de saint Paul ; bien plus, ce texte d’Augustin doit servir comme preuve patristique de ce que l’Apôtre venait d’énoncer.

5. Citations confirmalives de la doctrine.

Les citations de cette catégorie se rapprochent tout à la fois des citations-preuves et des citations de pur ornement. Elles se distinguent cependant des unes et des autres. d’une part parce que leur rôle n’est pas de prouver une assertion quelconque, d’autre part parce qu’elles apportent du neuf, et complètent ainsi l’exposé de la doctrine ne filt-ce que par l’invocation d’une autorité bien connue, qui corrobore ce qtte l’on vient de dire, par l’appui d’un grand nom. Elles aident singulièrement à nous donner une intelligence plus profonde et plus circonstanciée de l’idée que l’auteur a voulu Inculquer.

0. Citations cxf)licatives. Beaucoup de difficultés tiennent non pas aux choses mais à notre esprit mal renseigné, qui ne voit pas toujours très rlairement la