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THOMAS I/AHUIN, CRITIQUE TEXTUELLE

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supra, x, 10… Quandoque autem tenetur consécutive, et significat eventum futurum, et sic accipitur hic. Ibid., c. xii, lect. 7, ꝟ. 38, p. 341.

C’est également dans la Glose et les glossaires que saint Thomas a puisé les elementa gneca dont il se sert et notamment ses notations sur la portée de l’article dont il fait le plus grand cas ; mais on devine qu’il s’y est spécialement intéressé en tant que commentateur d’Aristote et de Denys. Comme Albert le Grand, il en relève l’emploi dès le premier verset de saint Jean : Grœci, quando volunt significare aliquid segregatum et elevatum ab omnibus aliis, consueverunt apponere articulum nomini, per quod illud significatur, sicut Platonici volentes significare substantias separatas, puta bonum separatum, vel hominem separatum, vocabunt illud lv per se bonum, vel ly per se hominem. Ibid., c. i, lect. 1, ꝟ. 1, p. 12. Dès lors, lorsqu’on demande à Jean-Baptiste s’il est le prophète, la présence de l’article donne une nuance propre. Ibid., lect. 12, ꝟ. 21, p. 55. Ces considérations ne sont pas sans importance doctrinale, car Origène s’est honteusement trompé dans l’exégèse de Joa., i, 1 : « Le Verbe était Dieu », en se basant sur l’emp’oi de l’article devant Verbum et son absence devant « Dieu ». D’où il concluait que le Christ n’était pas Dieu par nature, mais seulement par participation, consuetudo enim est apud grœcos, quod cuilibet nomini apponunt articulum ad designandum discretionem quamdam. Ibid., lect. 1, ꝟ. 1, p. 17. L’attention des contemporains était attirée sur cette valeur de l’article défini. Lorsque l’évangéliste déclare que Jean-Baptiste n’était pas la vraie lumière, l’exégèse est obvie : Quidam dicunt quod Joannes non erat lux cum articulo, quia hoc est solius Dei proprium, sed si lux ponatur sine articulo, erant Joannes et omnes sancti facti lux. Ibid., lect. 4, ꝟ. 8, p. 31.

Sur Joa., iii, 3, saint Thomas observe excellemment que, si le latin a denuo, le grec porte « anothen, id est desuper ». Ibid., p. 95. Il fait souvent des remarques sur le genre et la déclinaison des noms, qui peuvent orienter l’interprétation : Principium in latino est neulri generis, unde dubium est ulrum sit hic nominativi vel accusativi casus, in græco autem est feminini generis, et in hoc loco est accusativi casus. Ibid., c. viii, lect. 3, ꝟ. 25, p. 241. Les génitifs accusantium aut etiam defendentium, de Rom., ii, 15 doivent être compris comme des ablatifs, id est accusantibus vel defendentibus, more grœcorum, qui genitivis loco ablativorum utuntur. Ad Rom., p. 40. Cette remarque se trouve déjà dans Gilbert de la Porrée ; cf. A. Landgraf, Zur Méthode der biblischen Textkritik im 12. Jahrhundert, dans Biblica, 1929, p. 456.

Comme pour l’hébreu, les étymologies grecques sont nombreuses et le plus souvent fort risquées. Si Nicodème veut dire vainqueur ou victoire du peuple, In Joa., c. iii, lect. 1, ꝟ. 1, p. 93, et si archilriclinus vient de clinen qui signifie « lit », ibid., c. ii, lect. 1, ꝟ. 8, p. 80, Cédron est interprété comme un génitif pluriel, ibid., c. xviii, lect. 1, ꝟ. 1, p. 457, et sobrietas est ainsi compris : idem est quod commensuratio, bria in græco idem est quod mensura. In II Cor., c. v, lect. 3, ꝟ. 13, p. 453 ; In TU., c. ii, lect. 3, p. 273.

Ces notations sont pauvres, elles ont le mérite de vouloir expliquer le texte biblique selon les nuances de l’original ; mais elles sont révélatrices, comme on aura à le souligner, de l’orientation théologique de l’exégèse au xiiie siècle, qui accorde moins d’attention aux mots qu’aux idées, et ne s’attache à la lettre que pour en dégager une doctrine. Dès lors c’est à la grammaire de se plier aux exigences de celle-ci. Suggestif est le principe émis dans le commentaire du pluriel ex sanguinibus de Joa., i, 13 : Licet hoc nomen sanguis in latino non habet plurale, quia tamen in græco habet,

ideo translator regulam grammaticæ servare non curavit, ut veritatem perfecte doceret. Unde non dixit : ex sanguine, secundum latinos, sed ex sanguinibus, per quod intelligitur quidquid ex sanguine generatur, concurrens ut materia ad carnalem generationem. In Joa., c. i, lect. 6, ꝟ. 13, p. 38.

Puisque saint Thomas ne dispose que du seul texte de la Vulgate, il en analyse soigneusement la langue, pesant les mots comme s’ils étaient inspirés ; ainsi le temps des verbes, erat dans Deus erat Verbum, ibid., lect. 1, ꝟ. 1, p. 13, sum dans volo ut ubi sum. Ibid., c. xvii, lect. 6, ꝟ. 24, p. 454 ; cf. lect. 1, ꝟ. 5, p. 443. Dans Joa., xiii, 12, scitis n’est pas à prendre comme un impératif (Origène), mais comme un interrogatif (p. 338), ce qui est excellent. Il importe particulièrement de déterminer 1 a valeur des prépositions, de, a, ex, cf. ibid., c. i, lect. 6, ꝟ. 13, p. 38 ; lect. 10, ꝟ. 16, p. 48 ; c. iii, lect. 1, > 5, p. 97 ; c. xvi, lect. 4, ꝟ. 14, p. 428 ; la valeur A’apud, ibid., c. i, lect. 1, ꝟ. 1, p. 14, 15 ; de per, qui désigne l’activité créatrice du Verbe, ibid., c. i, lect. 2, ꝟ. 3, p. 20, 21 ; cf. / Tim., c. ii, lect. 3, p. 198 ; des pronoms : nihil : In Joa., c. I, lect. 2, ꝟ. 3, p. 22 ; des adverbes : Ly sicut quandoque dénotât œqualitatem naturæ, ibid., c. xv, lect. 2, ꝟ. 9, p. 406 ; c. xvii, lect. 5, ꝟ. 21, p. 451 ; des conjonctions : Ly sed accipiatur adversative ; ut indique la cause ou la succession, ibid., c. ix, lect. 1, t. 3, p. 264 ; c. xiii, lect. 1, ꝟ. 1, p. 351, etc. La syntaxe, par contre, est assez négligée, bien qu’elle soit de grande importance pour le sens. Toutefois l’anacoluthe de Rom., ix, 23 est soulignée : Est autem construclio defectiva et suspensiva usque hue, p. 140 ; cf. Ad Rom., c. xvi, lect. 2, ꝟ. 27, p. 219 ; // Tim., c. ii, lect. 4, ꝟ. 23, p. 244 ; In Joa., c. xvi, lect. 5, ꝟ. 16, p. 430.

Ces exemples montrent déjà le souci de saint Thomas de pratiquer une exégèse littérale, attentive aux données de la lettre, grâce aux ressources d’une grammaire précise. Si celle-ci est trop souvent inopérante parce qu’elle n’atteint l’original qu’à travers une version ou une érudition de seconde main et souvent fautive, la méthode elle-même est excellente, et son emploi prouve que notre docteur a eu le sens du document, donc la première qualité de l’esprit critique.

V. SAINT THOMAS ET LA CRITIQUE TEXTUELLE. —

En fait de critique textuelle, comme en philologie — deux disciplines étroitement associées en exégèse — saint Thomas a été inférieur à nombre de ses contemporains. Ceux-ci, en effet, eurent un souci efficace de posséder un texte sûr, scientifiquement contrôlé et constituant une base solide de l’enseignement théologique. Ils s’autorisent de deux sentences de saint Augustin et de saint Jérôme, publiées toutes deux vers 1140, mais sous le nom de ce dernier, et avec de nombreuses fautes, par le Décret de Gratien, pars I, dist. IX, c. v, vi, P. L., t. clxxxvii, col. 49-50. La première est de saint Augustin, Epist., lxxxii, 3 :

Ego enim fateor caritati tuse : solis ois scripturarum libris, qui jam canonici appellantur, didici hune timorem honoremque déferre, ut nullum eorum auctorem scribendo errasse aliquid firmissiuie credam ac, si aliquid in eis offendero litteris, quod videatur contrarium veritati, nihil aliud quam vel mendosura esse codieem vel interpretem non adseeutum esse quod dictum est, vel me minime intellcxisse non ambigam. Alios autem ita lego, ut, quantalibet sancti tate doctrinaquepnepolleant.non ideo verum put ciii, quia ipsi ita senserunt, sed quia mihi vel per illos auctoros canonicos vel probabili ratione, quod a vero non abhorreat, persuadere potuenuit. P. L., t. xxxiii, col. 277.

La seconde est de Jérôme, Epist., lxxi, 5 : Ut enim veterum librorum fides de Hebrœis voluminibus examinanda est, ita novorum græci sermonis normam desiderat. P. L., t. xxii, col. 673.

Or, ces textes ne passèrent pas inaperçus, et suscité-