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THOMAS D’AQUIN : DOCUMENTATION SCRIPTURAIRE

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cependant beaucoup en possèdent un exemplaire. » Proœm. in Ps., éd. Vives, t. xviii, p. 20.

/II. LA DOCUMENTATION DE SAINT THOMAS. — En

possession du texte de la Vulgate latine, contenant tous les livres canoniques et eux seuls, rangés dans un ordre convenable et divisés en chapitres réguliers, pouvant au besoin consulter les versions, de quelles ressources bibliographiques saint Thomas disposait-il pour étudier la Bible ?

On ne peut le déterminer avec précision, et ces ressources varièrent selon les lieux et les époques de sa carrière professorale. Mais la déclaration expresse de la lettre dédicatoire de la Calena aurea à Urbain IV en 1264 confirme que notre Docteur était soucieux de se constituer un bon fonds de patrologie :

Sollicite ex diversis doctorum libris prædicti (Matthsei) Evangelii expositionem continuant compilavi, pauca quidem certorum auctorum verbis, ut plurimum ex glossis ndjiciens, quæ ut ab eorum dictis possent discerni, sub glossre titulo pnenotavi. Sed et in sanctorum doctorum dictis hoc adhibui studium, ut singulorum auctorum nomina, nec non in quibus habeantur libris assumpta testim >nia describantur : hoc excepto, quod libros et expositionem supra loca quæ exponebantur, non oportebat specialiler designari, puta sicubi nomen inveniatur Hieronymi, de libro mentione non facta, datur intellegi quod hoc dicat super Mutthœum ; et in aliis ratio similis observetur ; nisi in his qu<e de commentario Chrysostomi super Matthœum sumuntur, oportuit inscrihi in titulo : Super Matthteum, ut per hoc ab aliis qure sumuntur de ipsius Homiliario distinguantur. In assumendis autem sanctorum testimoniis, plerumque oportuit aliqua rescindi de medio ad prolixitat cul vitandam, nec non ad manifestiorem sensum… pnecipue in Homiliario Chrysostomi, propter hoc quod est l ranslàtio vitiosa. Vives, t. xvi, p. 2.

Il résulte d’abord de ce texte que saint Thomas a perfectionné la méthode des citations. Déjà Bède avait imaginé de mettre dans la marge les premières lettres du nom des Pères dont il utilisait les écrits, puis Raban Maur avait indiqué le début et la fin des textes étrangers à sa rédaction. Saint Thomas veut préciser enfin la référence aux ouvrages dont ces passages sont extraits ; encore que ces précisions soient parfois erronées, on peut tenir pour assuré que notre auteur possédait au moins les quatre grands ouvrages scripturaires de saint Augustin : Super Genesim ad litteram, De doctrina christiana, De concordia evartgelistarum, Contra Faustum.

De plus, nous savons que notre docteur possède l’Homiliaire et le commentaire de saint Jean Chrysostome sur saint Matthieu. Lors de son premicrenseignement parisien (1256-1259), il aurait manifesté le désir, M dire de Barthélémy de Capoue, de posséder une bonne traduction de cet homiliaire, trésor plus précieux à ses yeux que la possession de la ville de Paris. Or, il disposait à cette époque de la traduction latine de Hurgoiidio de Pise (seconde moitié du xii c siècle), ment traducteur du De orthodoxa fide du Damascène, et qui correspond à peu près au texte actuel de Migne (P. G., t. lvii et lviii). Mais saint Thomas la juge de si mauvaise qualité qu’il renonce à en reproduire le mot à mot pour y substituer le sens général. Par ailleurs, il possédait comme tous les exégètes du Moyen Age l’Opus imperfection in Malthœum (P. G., t. lvi, (roi. 611-016) qui est un mélange de comnienet de sermons d’origine arienne ( ! i sur le premier évangile, joints aux œuvres de Chrysostome au moins depuis le vur siècle, car Claude de Turin, vers 815, semble être le premier à avoir utilisé cet apocryphe’Inn-son commentaire de Matthieu.

Ce sont à peu près les seuls ouvrages greci utilisés’Expo$itio continua super Matthaum ; parmi les

mi relevé les noms d’Augustin, Jérôme, Am goire, l rosper, Hilaire, Raban Maur, Aimon

et Rémi d’Auxerre. Ces auteurs sont à nouveau cités dans les commentaires des trois évangélistes de la Catena, mais les Pères grecs y sont beaucoup plus nombreux ; c’est que saint Thomas avait fait procéder entre temps à des traductions : Quasdam expositiones doctorum grsecorum in latinum feci transferri ex quibus plura exposilionibus latinorum doctorum interserui. Prol. in Marc, éd. Vives, t. xvi, p. 409. D’après la fréquence de ces citations, dans la glose sur saint Marc, on peut penser que ces traductions furent celles de Jean Chrysostome, de Théophylacte, de Basile et du pseudo-Denys, dont il écrira : Littera hœc est de antiqua translatione qux corrigitur per novam. I », q. lvi, a. 1, ad l unl. Bède est très souvent utilisé. Dans la glose sur saint Luc, on trouve en outre constamment Origène, Cyrille, Grégoire de Nysse, souvent Athanase, Basile, Grégoire de Nazianze, parfois le Damascène, Épiphane, Eusèbe. Sur saint Jean, Alcuin est cité à l’égal des Pères.

Outre les Étymologies de saint Isidore de Séville et VEruditionis didascalia d’Hugues de Saint-Victor, saint Thomas possédait sûrement un exemplaire de l’Ambrosiaster qu’il cite, comme tout le Moyen Age, sous le nom de saint Ambroise. Ad Rom., c. v, lect. 4, ꝟ. 13, Marietti, p. 76.

Peut-être avait-il à sa disposition une vie des Pères, cf. Ad Thess. I, c. v, lect. 2.Marietti, p. 166, le De ecclesiaslicis dogmatibus de Gennade ( ?), cité In Joa., c. xix, lect. 5, v. 30, p. 484 (cf. P. L., t. xlii, col. 1213 sq.), et VHistoria scholastica de Pierre le Mangeur. In Joa., c. xxi, lect. 5, ꝟ. 23, p. 516 ; In 7s., éd. Vives, t. xviii, p. 745. Mais les allusions au « Thalmuth », In I Tim., c. iv, lect. 2, Marietti, p. 208 ; In Tit., c. i, lect. 4, p. 265 ne peuvent venir du texte original brûlé en juin 1242 ; saint Thomas n’a pu connaître cet ouvrage que par les Excerpta talmudica, publiés en 1238 par Donin, juif converti de la Rochelle.

En réalité, comme le Docteur angélique le déclare expressément dans la préface de la Catena aurea, sa documentation lui vient d’abord et avant tout de la Glose ordinaire et de la Glose interlinéaire, celle-ci étant une explication du texte sacré au moyen de courtes notes tirées des Pères et insérées entre les lignes, inlerlinearis, celle-là un commentaire discontinu du texte qui occupait le centre de la page, constitué par une suite d’interprétations empruntées à la tradition ecclésiastique et encadrant le texte, marginalis. Cette Glose, dont le manuscrit le plus ancien remonte au xiie siècle, n’est pas de Walafrid Strabon, mais d’Anselme de Laon († 1117) ; cf. B. Smallcy, Gilbertus universalis, Bishop o London ( 1 128-’::) and Ihr Problem of the » Glossa ordinaria », dans Recherches de théol. anc. el médiêv., 1935, p. 235-262 ; 1036, p. 24-60. Cet ouvrage, dont on a pu dire qu’il « a été le pain quotidien des théologiens du Moyen Age » (S. Berger), d’où le nom de Glossa ordinaria, qu’il recevra en raison de sa diffusion dans les i écoles », était l’instrument de travail, excellent entre tous, dont saint Thomas se servit toute sa vie depuis son enseignement comme Biblicus ordinarius, où il devait enseigner le texte biblique avec glose, jusqu’à celui de maître en théologie, dont il demeurait U manuel. Le texte biblique de la Glose si mble bien avoir été le même que celui de Vexcmplar parisienne ; le but de son exégèse n’était pas tant l’Interprétation littérale de la Bible que la théologie ; elle constituait à elle seule toute une patrologie, servait de dictionnaire, de concordance, de bréviaire, de critique textuelle et littéraire, fournissant mi’doctrine traditionnelle, sûre et quasi encyclopédique. C’Utl donc la Glose ordinaire qui constituait pour saint Thomas ce <|iie nous nommerions de nos

jours la bibliographie d’un sujet, l’avertissanl des

questions débattue., des points délicats, des opinions