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THOMAS D’AQUIN : CANON BIBLIQUE


veritate, hæc est differentia : quia illi qui scripserunt canonicam scripturam, sicut Evangelista ; et Apostoli et alii hujusmodi, ita eonstanter eam asserunt quod nihil dubitandum relinquunt. Et ideo dicit : et scimus quia verum est testimonium ejus ; Si quis vobis evanqclizaverit præter idquod accepistis, anathema sil (Gal., i, 9). Cujus ratio est, quia sola canonica scriptura est régula fidei. Alii autem sic edisserunt de veritate, quod nolunt sibi credi nisi in his qua ; vera dicunt. In Joa., c. xxi, lect. 6, éd. Marietti, p. 517.

Avec toute l’antiquité patristique et médiévale, saint Thomas croit à l’authenticité salomonienne des Proverbes, du Cantique des cantiques et de l’Ecclésiaste, In Canl., éd. Vives, t. xviii, p. 609, et que les titres des Psaumes ont été rédigés par Esdras, partim secundum ea quæ tune agebantur, et partim secundum ea quæ contigerunt. In Ps., ibid., p. 252.

Depuis six siècles, les commentateurs classaient les trois livres de Salomon selon la triple division de la science grecque : physique, morale, contemplative. D’où la distribution d’Etienne Langton. Or, saint Thomas l’ignore, mais il classe ces livres selon les trois degrés de vertu énumérés par Plotin (cf. I a -II", q. lxi, a. 5) et qu’il connaît par Macrobe : les Proverbes traitent des vertus politiques par lesquelles l’homme se sert avec modération des choses de ce monde et vit avec les hommes ; l’Ecclésiaste traite des vertus purifiantes par lesquelles l’homme se détache du monde par le mépris ; le Cantique a pour objet les vertus de l’âme purifiée, par lesquelles l’homme se délecte dans la contemplation de la seule Sagesse. Principium, cf. Fr. Salvatore, op. cit., p. 23-24.

Quant au canon du Nouveau Testament, il ne soulève guère de difficultés. Saint Thomas cite expressément l’épître de Jude comme canonique, In Joa., c. x, lect. 5, ꝟ. 20 ; cf. pseudo-Thomas, éd. Vives, t. xxxi, p. 48. Il estime que l’évangile de saint Jean est le dernier en date des écrits inspirés. Prol. in Joa., Marietti, p. 7.

L’un des principes qui ont présidé à ce classement des livres dans le canon, c’est l’importance doctrinale des ouvrages. Saint Thomas répète ce principe affirmé depuis six siècles : « Les épîtres de Paul ne sont pas rangées selon l’ordre chronologique, caries épîtres aux Corinthiens furent écrites avant l’épître aux Romains, et celle-ci fut antérieure à la dernière épître à Timothée, mais elle a été placée la première à cause de son sujet qui est le plus élevé. » In Philem., c. i, lect. 2, p. 286 ; Prolog, in Epist. Paul., p. 3.

Seule l’authenticité de l’épître aux Hébreux pose un problème. La glose sur Hebr. i expliquait les différences de style entre cette épître et les autres par le fait que celles-ci avaient été écrites en grec, idiome que l’Apôtre connaissait par charisme, et celle-là en hébreu, langue maternelle de Paul. Saint Thomas cite cette solution traditionnelle II a -II 8, q. clxxvi, a. 1, obj. 1 : Non esse mirandum quod Epistola ad Hebrœos majore elucet facundia quam alise, cum naturale sit unicuique plus in sua quam in aliéna lingua valere. Cœteras enim Apostolus peregrino, id est græco, sermone composuit, hanc autem scripsit hebraica lingua. Dans le prologue de son commentaire sur l’épître aux Hébreux, saint Thomas s’explique plus nettement encore :

Sciendum est quod ante synodum Nicœnam, quidam dubitaverunt an ista epistola effet Pauli. Et quod non, probant duobus argumentis. Unum est, quia non tenet hune modum quem in aliis epistolis. Non enim præmittit hic salutationem nec nomen suum. Aliud est, quia non sapit stylum aliarum, imo habet elegantiorem, nec est aliqua Scriptura quæ sic ordinate procédât in ordine verborum et sententiis sicut ista. Unde dicebant ipsam esse vel Lucae evangelista ;, vel Barnabæ, vel Clementis papæ. Ipse enim scripsit Atheniensibus quasi per omnia secundum stylum istum.Sedantiquidoctores.prsecipueDionysius et aliquialii accipiunt verba hujus epistola ; pro testimoniis Pauli. Et Hieronymus illam inter epistolas Pauli recipit. Marietti, p. 288.

Ainsi l’authenticité est affirmée au double titre de la critique externe et de la critique interne. Toutefois seule est examinée la question de la forme littéraire insolite de cette lettre ; les divergences de doctrine avec les autres épîtres pauliniennes ne sont pas envisagées, le Moyen Age — pas même Nicolas de Lyre, Pos/17. in Hebr., Douai, 1617, t. vi, p. 791-792 — n’ayant jamais eu son attention critique attirée sur ces antinomies doctrinales, pour apparentes qu’elles fussent.

Comparativement à ses contemporains, saint Thomas cite fort peu les apocryphes ; pourtant ceux-ci furent largement connus au Moyen Age (cf. la liste établie par Hugues de Saint-Victor, Erudit. didasc., P. L., t. clxxvi, col. 787-788) et leur vogue était grande, comme l’atteste la traduction du Testament des douze patriarches réalisée en 1242 par Robert Grossetête sur une version grecque et surtout leur emploi dans les recueils d’Exempla, comme ceux de Nicolas de Hanaps († 1291) et d’Humbert de Romans († 1277), qui figureront dans la taxation de l’université de Paris en 1304. Saint Thomas cite surtout le IIIe livre d’Esdras, I », q. x, a. 6, obj. 1 ; II » -II », q. cxlv, a. 4, obj. 2 ; q. cxlviii, a. 6, et le qualifie parfois d’apocryphe, In Joa., c. ix, lect. 2, p. 270 ; II’-II », q. xxxiv, a. 1, obj. 2, alors que saint Bonaventure en admettait explicitement la canonicité, Breviloquium, dans Opéra, Quaracchi, t. v, p. 199, et que Hugues de Saint-Cher l’avait amendé dans son correctoire au même titre que les deutérocanoniques. Saint Thomas cite encore comme apocryphes les récits de l’Enfance du Sauveur, III a, q. xxxv, a. 6, ad 3um ; xxxvi, a. 4, ad 3um, i dérivés du Protévangile de Jacques, et dont il relève les erreurs : Ex quo apparet falsitas de infantia Saloatoris, In Joa., c. i, lect. 14, ꝟ. 31, p. 61 ; Ex quo habetur quod (alsa est historia de infantia Salvatoris. Ibid., c. ii, lect. 1, p. 81. De même Y Itinerarium Clementis, ibid., c. i, lect. 15, ꝟ. 10, p. 69 ; c. xiii, lect. 2, ꝟ. 19, p. 356, et la Légende du bienheureux Jean. Ibid., c. xxi, lect. 5, p. 516. Il stigmatise l’imagination inventive de ces écrits : Ex quo etiam potest accipi quod Christus non fecit miracula in pueritia, ut in quibusdam apocryphis habetur. Ibid., c. xv, lect. 5, ꝟ. 27, p. 420.

Comme tous les bons auteurs, mais également avec beaucoup moins de fréquence que ses devanciers, saint Thomas utilise les versions grecques des Septante, d’Aquila, Symmaque et Théodotion, qui n’étaient connues alors que de seconde main, par saint Jérôme, saint Jean Chrysostome et les correctoires. Comme le fera encore Nicolas de Lyre, saint Thomas commente et cite le Psautier gallican. Alors que le haut Moyen Age, à la suite de la Règle de Saint-Benoît, de Cassiodore et surtout de saint Grégoire le Grand, ne connaissait que le Psautier romain, qui est resté dans notre missel, le Psautier gallican est utilisé dans la liturgie. Voici la conception que saint Thomas se fait de ces traductions : « Ces versions sont au nombre de trois. L’une date du début de l’Église terrestre, du temps des apôtres, et elle était corrompue du temps de saint Jérôme. Aussi à la demande du pape Damase, Jérôme corrigea le Psautier ; on le lit en Italie. Mais parce que cette traduction était en désaccord avec le grec, Jérôme fit une nouvelle traduction du grec en latin à la prière de Paule et le pape Damase la fit chanter en France ; elle concorde mot à mot avec le grec. Après quoi, un certain Sophronius discutant avec les Juifs, ceux-ci déclarèrent que certaines choses ne correspondaient pas à celles qui avaient été introduites dans la seconde traduction du Psautier, le susdit Sophronius demanda donc à Jérôme de traduire le Psautier de l’hébreu en latin. Jérôme accéda à cette invitation, cette version concorde absolument avec l’hébreu, mais elle n’est chantée dans aucune église ;