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THÉRÈSE (SAINTE)


ses travaux. En moins d’un an (février 1575-janvier 1576), elle donne trois nouveaux couvents de religieuses à la réforme : Béas, Séville et Caravaco. Alors la persécution se déchaîne contre son œuvre et la met à deux doigts de sa ruine. Toute fondation est suspendue jusqu’en 1580. En revanche, les trois dernières années qu’elle passe sur terre (1580-1582) verront s’élever cinq nouveaux monastères : Villanueva de la Jara, Palencia, Soria, Grenade et Burgos. » Œuvres compl. de sainte Térèse, t. iii, p. 17.

Le succès de la réforme de sainte Thérèse fut donc rapide et éclatant. Des personnes appartenant aux plus illustres familles d’Espagne demandaient de fonder des monastères dans les villes où elles habitaient. D’autres fois ces demandes étaient faites par les évêques. Cf. Fondations, c. ix, x, xx, xxvii, xxix, xxx. Des enfants de familles nobles quittaient le monde pour entrer au Carmel, ce qui produisait une grosse impression dans les populations espagnoles. Fondations, c. x, xi, xii, xxii. Enfin la réforme atteignit les carmes eux-mêmes. Fondations, c. xiii, xiv, xvii. Tant de succès devaient amener la persécution.

Elle ne vint cependant pas tout de suite. Au contraire, ce fut un heureux événement, précieux résultat du commencement de la réforme, qui arriva tout d’abord. Le P. Pierre Fernandez, O. P., avait été chargé par une bulle de saint Pie V de travailler à la réforme du Carmel dans la province de Castille. Il dut donc s’occuper du monastère mitigé de l’Incarnation d’Avila. Depuis que Thérèse l’avait quitté, le relâchement n’avait fait qu’y grandir. Pour le réformer, le P. Fernandez décida d’y envoyer sainte Thérèse comme prieure. Le 6 octobre 1571, il conduisit au monastère la nouvelle prieure, qu’il fit accepter non sans peine aux religieuses, pour la plupart hostiles à la réforme. Thérèse triompha des résistances par sa douceur et sa sagesse. Elle fut bien aidée par saint Jean de la Croix qui devint aumônier de l’Incarnation. Enfin les trois années du priorat écoulées, en février 1575, Thérèse reprit ses voyages.

Elle dut les cesser en 1576 jusqu’en 1580. La persécution violente se déchaîna contre la réforme et faillit la ruiner. On connaît cette période douloureuse de l’histoire de l’ordre des carmes. Les supérieurs des couvents espagnols de carmes mitigés, et, à leur tête, le général Tostado, s’assemblèrent en chapitre et tentèrent de détruire la réforme en imposant à tous les carmes réformés l’obligation de vivre dans des couvents mitigés. Libre à eux de suivre d’une manière privée leur règle plus sévère I Le P. Jérôme Gratien, si apprécié de sainte Thérèse, Fondations, c. xxm-xxiv, fut chargé de faire triompher la cause de la réforme. Etait-il à la hauteur de cette difficile tâche ? Heureusement le nonce, Mgr Nicolas Ormaneto, et surtout Philippe II étaient favorables à l’entreprise. Les décisions des cannes mitigés furent cassées et les déchaussés gardèrent la possibilité de faire valoir leurs droits. Mais la mort de Mgr Ormaneto, 18 juin 1577, aggrava la situation. Son successeur à la nonciature d’Espagne, Mgr Philippe Sega « semblait, dit sainte Thérèse, envoyé de Dieu pour nous exercer à la pa-I ience. Il était un peu parent du pape [Grégoire XIII), et nul doute qu’il ne fût serviteur de Dieu. Mais il prit fort à cœur la cause des mitigés et, se basant sur ce que, ces pères lui disaient de nous, arrêta qu’il fallait empêcher les progrès de la réforme. Fondations, c. xxviii, t. iv. p. 96.

Sainte Thérèse suivait avec soin tous ces événements. Elle éirivait aux pères déchaussés, chai défendre les intérêts de la réforme, pour les conseiller el les encourager. Sa correspondance avec le I’. Gralien est particulièrement abondante dans ces années douloureuses. Elle n’hésita pas à s’adresser directe ment, le 18 septembre 1577, à Philippe II pour le supplier de prendre en main la cause des réformés : « Notre catholique monarque, don Philippe, dit-elle, Fondations, c. xxviii, fut instruit de ce qui se passait et comme il connaissait la vie très parfaite des déchaussés, il prit en main notre cause. » Le 4 décembre

1577, elle écrivit de nouveau au roi pour lui demander de faire délivrer saint Jean de la Croix, incarcéré par les mitigés dans leur couvent de Tolède. Elle comprit, dès le début de la persécution, que la solution du conflit était dans la séparation des mitigés et des déchaussés. Elle écrivait au P. Gratien, vers le 20 septembre 1576 : « On m’a dit que vous avez formé le projet d’obtenir une province séparée par la voie de notre T. R. P. Général et d’employer pour cela tous les moyens en votre pouvoir ; de fait, c’est une guerre intolérable que de lutter contre le supérieur de l’ordre. » Elle conseille un voyage à Rome à faire au plus tôt. « Si l’on ne pouvait rien obtenir du P. général, on traiterait avec le pape. » Ce conseil fut approuvé le 9 octobre

1578, au chapitre d’Almodovar, qui nomma le P. Antoine de Jésus provincial et envoya deux religieux à Rome négocier en faveur de la réforme. Le nonce Séga, considérant ce chapitre comme un attentat à son autorité, en cassa les actes, assujélit les réformés aux mitigés et fit emprisonner dans trois couvents de Madrid les PP. Gratien, Antoine de Jésus et Mariano de Saint-Benoît. Thérèse est traitée « de femme inquiète et vagabonde ». Sur la plainte de personnages de marque, Philippe II « ne voulut pas, dit Thérèse, que le nonce fût seul notre juge : il lui adjoignit quatre assesseurs, personnages graves, dont trois appartenaient à des ordres religieux ». Fondations, c. xxviii. Le 1 er avril

1579, le nonce dut retirer aux mitigés tout pouvoir sur les déchaussés. Ceux-ci eurent un vicaire général pour les gouverner et en mai deux pères de la réforme s’embarquèrent pour Rome afin de solliciter la séparation des déchaussés et des mitigés. Cette séparation ne devait être faite qu’en 1593 par un bref du 20 décembre du pape Clément VIII : chacune des deux observances aurait son supérieur général. Le 27 juin 1580, Grégoire XIII décida seulement que les réformés formeraient une province autonome sous l’autorité d’un provincial réformé qui fut le P. Gratien. Sainte Thérèse put continuer ses fondations. Le couvent de Burgos fut le dernier qu’elle créa, déjà bien malade. De Burgos elle se rendit à Albe où elle mourut le 4 octobre 1582.

Malgré les angoisses causées par cette persécution, sainte Thérèse rédigea l’Écrit sur la visite des monastères en août ou septembre 1576. Puis en octobre de la même année, elle reprit la composition du Livre des fondations. Et du 2 juin au 29 novembre 1577 elle écrivit le Château intérieur. En sainte Thérèse, l’écrivain n’est pas inférieur à la fondatrice.

IV. Sainte Thérèse écrivain mystique.

L’analyse complète des états mystiques de sainte Thérèse, leur explication et la solution des problèmes ihéologiques qu’ils pourraient soulever sont réservées au Dictionnaire de spiritualité. Il suffira d’indiquer ici les qualités d’écrivain de la sainte, les circonstances où elle a composé ses ouvrages et d’énumérer, en les caractérisant brièvement, les degrés d’oraison auxquels elle a été élevée.

Qualités de l’écrivain.

Ce qui se remarque tout

d’abord en sainte Thérèse écrivain, c’est sa prodigieuse facilité à écrire : « Elle écrivait ses ouvrages, dit le P. Gratien, sans faire de ratures et avec une extrême vélocité. Son écriture élait très nette et sa rapidité à écrire égalait celle des notaires publies. » Dtlucidario del verdadero sptritu…. I » part., c. i. La promptitude de sa conception et la maîtrise de son style lui permet ! .licul di-composer rapidement ses ouvrages au