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THÉRÈSE (SAINTE)


de la cire que j’y trouvai ensuite. Mon père était au désespoir de ne m’avoir pas permis de me confesser… Dans mon monastère, la sépulture était ouverte depuis un jour et demi, attendant mon corps, et dans une autre ville les religieux de notre ordre avaient déjà célébré à mon intention un service funèbre, quand le Seigneur permit que je revinsse à moi. » Ibid., p. 84-85. « Au sortir de cette crise de quatre jours, je me trouvais dans un état lamentable. Dieu seul peut savoir les intolérables douleurs auxquelles j’étais en proie. J’avais la langue en lambeaux à force de l’avoir mordue, la gorge tellement resserrée par suite de l’absence d’aliments et de l’extrême faiblesse, que je suffoquais et ne pouvais même avaler une goutte d’eau. Tout mon corps paraissait disloqué, ma tête livrée à un désordre étrange. Mes membres contractés étaient ramassés en peloton, par suite de la torture des jours précédents. À moins d’un secours étranger, j’étais aussi incapable de remuer les bras, les pieds, les mains, la tête, que si j’eusse été morte ; j’avais seulement, me semble-t-il, la faculté de mouvoir un doigt de la main droite. On ne savait comment m’approcher, toutes les parties de mon corps étant tellement endolories que je ne pouvais supporter le moindre contact. Pour me changer de position, il fallait se servir d’un drap que deux personnes tenaient, l’une d’un côté, l’autre de l’autre.

t Cette situation se prolongea jusqu’à Pâquesfleuries (Dimanche des Rameaux] avec cette seule amélioration que souvent, lorsqu’on s’abstenait de me toucher, mes douleurs se calmaient. Un peu de répit, à mes yeux, c’était presque la santé. Je craignais que la patience ne m’échappât : aussi je fus charmée de voir les douleurs devenir moins aiguës et moins continuelles. Pourtant, j’en éprouvais encore d’insupportables lorsque venaient à se produire les frissons d’une fièvre double-quarte très violente, qui m’était demeurée. Mon dégoût de la nourriture restait aussi accentué. « Il me tardait à tel point de retourner à mon monastère, que je m’y fis transporter en cet état. On reçut donc en vie celle qu’on attendait morte, mais le corps en pire état que s’il eût été privé de vie ; sa seule vue inspirait la compassion. Impossible de dépeindre l’excès de mon épuisement : je n’avais que les os. Cette situation, je le répète, dura plus de huit mois. Quant .1 la contraction des membres, malgré une amélioration progressive, elle se prolongea près de trois ans. Quand je commençai à me traîner à l’aide des genoux et des mains, j’en remerciai Dieu avec effusion. » Vie, c. vi, p. 87-88. Sa patience fut admirable : « Dieu aidant, dira-t-ellc, j’endurais très patiemment de cruelles maladies. » Vie, c. xxxii, t. ii, p. 6.

Cette longue citation était nécessaire pour avoir sous les yeux tous les détails, donnés par Thérèse, sur sa maladie. Celle-ci est évidemment à forme nerveuse : Contraction violente des membres du corps, spasmes du cœur, suppression apparente, et une fois prolongée, de la vie par la suspension de la sensibilité extérieure et du mouvement volontaire ou catalepsie. La forte crise fut précédée de défaillances » physiques assez fréquentes et même de pertes de connaissance. Vie, c. iv, p. 69. Sainte Thérèse paraît convaincue de ce caractère nerveux. La cessation progressive de la paræt des autres malaises, sans emploi de remède, eonfirme cette conviction. Thérèse eut ici oins, il est vrai, à la prière pour obtenir sa guérison. Vie, c, vi, p. 01. Thérèse n’obtint cependant pas une guérison subite mais plutôt lente. Voici son témoignage se rapportant aux années de sa vie qui suivirent la grande

Bien remise de la terrible maladie dont j’ai

parlé, J’en avais et j’en ai encore [des Infirmités] de Meil fâ( I. - Depuis peu, il est vrai, elles ont dimi

nué d’intensité ; cependant, j’en souffre de bien des manières. Durant vingt ans, en particulier, j’ai eu tous les matins des vomissements… Il est très rare, ce me semble, que je n’éprouve à la fois des souffrances de diverses natures, et par moment bien intenses, celles du cœur par exemple. Seulement ce mal, qui autrefois était continuel, ne se fait plus sentir que de loin en loin. Quant à ces rhumatismes aigus et à ces fièvres qui m’étaient si ordinaires, j’en suis délivrée depuis huit ans. » Vie, c. vii, p. 106. Sainte Thérèse écrivait ceci en 1565, une trentaine d’années après la grande maladie.

On a cru pouvoir qualifier d’hystérique la grande maladie de Thérèse. Ce mot doit être écarté, car sa signification, même atténuée, reste péjorative. Il est synonyme de déséquilibre foncier, donc durable, à la fois physique et mental. Or, cette maladie qui vient d’être décrite ne tient pas de l’état constitutif de la sainte. Elle fut, dans la vie de Thérèse, un accident passager, bien localisé dans trois années de sa vie et qui ne se reproduisit plus. Nous en avons discerné et énuméré les causes extérieures immédiates. Et d’ailleurs, d’après ce que nous savons du tempérament de la sainte, il n’y avait en lui aucune tare héréditaire chronique. Tous ses biographes font ressortir les qualités naturelles de Thérèse. Il y avait, en elle, écrit Ribera, « un naturel excellent si enclin de soi à [la] vertu, un entendement clair et fort capable, une grande prudence et quiétude, un courage pour entreprendre [de] grandes choses et industrie et manière pour les accomplir, une persévérance et force pour ne s’y lasser point, et une grande force et grande grâce en son parler, que si on l’eût laissée faire des discours de vertu, elle eût pu facilement gagner beaucoup d’âmes à Dieu. » La Vie de la Mère Térèse de Jésus, tr. fr., Paris, 1645, t. I, c. v, p. 42. Son ferme bon sens dans l’appréciation de toutes choses, ses qualités d’écrivain, la sagesse de sa mystique et son œuvre de réformatrice du Carmel et de fondatrice de monastères sont incompatibles avec un tempérament hystérique et une psychologie maladive comme celle des anormaux.

Ce que nous savons de la constitution physique et mentale de la sainte cadre avec le caractère accidentel et passager de sa maladie nerveuse. Névrose, « étal de nervosisme grave », si l’on veut, mais ne provenant pas d’une altération complète de l’être physique et mental, comme le prouve surabondamment la vie de Thérèse postérieure à la crise. On peut comparer cette névrose à celle dont M. Olier souffrit pendant deux années. Le tempérament sanguin du fondateur de Saint-Sulpice ne le prédisposait pas, lui non plus, à cette névrose, bien circonscrite par ailleurs dans la durée et qui n’eut pas de suites Cf. P. Pourrat, Jean-Jacques Olier, Fondateur de Saint-Sulpice (Coll. Les Grands Cœurs), p. 80 sq. Les années postérieures à ces accidents de santé furent, pour sainte Thérèse et pour AI. Olier, les plus actives et les plus fécondes de leurs vies. L’hystérie, lare congénitale, ne saurait rien produire de semblable. Cf. A. l-’arges, Les phénomènes mystiques distingués de leurs contrefaçons humaines et diaboliques, Paris, 1923, t. ii, p. 192 sq. ;.1. de Tonquédei, Les maladies nerveuses ou mentales et les manifestations diaboliques, c. iii, L’hystérie, Paris, 1938. Dans le plan providentiel, ces névroses fortuites sont, sans doute, des moyens dont Dieu se sert pour purifier intensément les saintes âmes. Sainte Thérèse, parlant des purifications préparatoires au mariage spirituel, s’exprime ainsi : Le Seigneur alors envoie d’ordinaire de

très grandes maladies. C’est là un tourment supérieur

au précédent [les critiques et les moqueries], surtout si

lei douleurs qu’on éprouve sont aiguës, À mon avis, quand CCI douleurs se font sentir avec intensité, < est