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THÉOLOGIE. L’APPORT RATIONNEL


mais bien d’enrichir, par la connaissance de toutes ses expressions, Vauditus du témoignage apostolique qui est déposé, s’explique et se perpétue dans l’Église. C’est la pensée de celle-ci que recherche le théologien positif. Il demande à ceux qui, ayant vécu et pensé en elle, ont su exprimer et parfois expliciter la foi de la Calholica, un témoignage sur ce qu’ils tenaient d’elle, sur ce qu’elle a exprimé en eux et peut nous apprendre par eux. Le théologien, d’ailleurs, peut recourir, en même temps qu’aux indications du magistère à ce contrôle et à cet enrichissement que chacun reçoit dans la communion et dans le commerce de tous les autres. C’est un des éléments de la vie et du progrès scientifique que cette collaboration, cette critique mutuelle de normes de vraisemblance et de renforcements de probabilités. Le théologien est un savant et sa méthode bénéficie de cette collaboration, de cette réduction, de ce contrôle mutuel dont le commerce scientifique est la source. Il est aussi un fidèle et il trouve les mêmes bienfaits dans l’ordre de la foi et de la pensée religieuse, au sein de la communauté catholique, tant qu’il est vivant dans cette communion ; cf. M.-J. Congar, Chrétiens désunis, p. 52 sq.

On voit aussi par là qu’il y aurait quelque étroit esse à limiter les investigations du théologien aux données pour lesquelles il bénéficierait des indications explicites du magistère. En réalité, d’abord, le magistère ordinaire de l’Église a des formes très variées et, comme l’a bien noté Vacant, Le magistère ordinaire de l’Église et ses organes, Paris, 1887, p. 27 et 46 sq.. il va jusqu’à enseigner d’une manière tacite, en laissant penser, dire et faire de telle ou telle manière. Ensuite, dans le silence du magistère hiérarchique, il y a une conservation et une éducation de la foi qui se fait dans tout le corps de l’Église. Enfin, l’enquête historique peut fournir par elle-même des données assez fermes pour donner à la théologie des principes sûrs, même en l’absence de toute « définition » par le magistère, comme c’est le cas, par exemple, pour la notion de la causalité instrumentale de l’humanité du Christ, ainsi que l’a montré le P. Simonin, De la nécessité de certaines conclusions théologigues, dans Angelicum, 1939, p. 72-82. Cf. C. Labeyrie, La science de la foi, p. 531.

Sur la théologie positive et le débat auquel elle a donné lieu au début du xxe siècle : L. de Grandmaison, Théologiens scolastiques et théologiens critiques, dans les Études, t. lxxiv, 1898, p. 26-43 ; Mgr Mignot, La méthode de la lliéologie, dans Reoue du clergé français, t. xxix, décembre 1901, repris dans les Lettres sur les éludes ecclésiastiques, Paris, 1908, p. 291 s<(. ; J. Brucker, La réforme des éludes dans les grands séminaires, dans les Études, t. xcii, 1902, p. 597-615 et 742-754 ; M. -Th. Coconnier, Spéculutive ou positive ? dans Revue thomiste, 1902, p. 629-653 ; A. Lemonnyer, Théologie positive et théologie historique, dans Revue du clergé français, t. xxxiv, 1903, p. 5-18 ; Comment s’organise la théologie catholique ? ibid., t. xxxvi, 1903, p. 225-242 ; P. Bernard, Quelques réflexions sur la méthode en théologie, dans les Études, t. ci, 1904, p. 102-117 ; P. Batilïol, Pour l’histoire des dogmes, dans Bulletin de littérature ecclésiastique, 1905, p. 152-164 ; Évolutionnisme et histoire, ibid., 1906, p. 169179 ; M. Jacquin, Question de mots : histoire des dogmes, histoire des doctrines, théologie positive, dans Revue des sciences philos, et théol., t. i, 1907, p. 99-104 ; B.-M. Schwalm, Les deux théologies : la scolastique et la positive, ibid., t. ii, 1908, p. 674-703 ;  !.. Saltel, Les deux méthodes de la théologie, dans Bull, de liltér. ecclésiast., 1909, p. 382-397 ; F. Cavallera, La théologie historique, ibid., 1910, p. 426-434 ; Ed. Hugon, De la division de la théologie en spéculative, positive, historique, dans Revue thomiste, 1910, p. 652-656 ; H. Hedde, Nécessité de la théologie spéculative ou scolastique, ibid., 1911, p. 709-723 ; A. Gardeil, Le donné révélé et la théologie, Paris, 1910 ; F. Cavallera, La théologie positive, dans Bulletin de littér. ecclésiast., 1925, p. 20-42 ;.M. Scliumpp, Bcdeutung und Behandlung der Heiligen Schriil in der sqstematischen Théologie, dans Théologie und Glaube, t. xxi, 1929,

p. 179-198 ; A. Antweiler, Ueber die Beziehungen zwischen historischen und sijstematischen Théologie, ibid., t. xxix, 1937, p. 489-497.

Parmi ces études, celles de Schwalm, Saltet, Hugon, Coconnier sont spécialement orientées vers une ullirmation de la nécessaire union de la positive et de la spéculative. Voir aussi en ce sens, Bellamy, La théologie catholique au XIX’siècle, p. 182-187, et T. Richard, Étude critique sur le but de la scolastique, dans Revue thomiste, 1904, p. 167-186, 416-436, et Usage et abus de la scolastique, ibid., p. 564-582.

Sur le travail de la théologie positive comme conditionné par le magistère de l’Église : N.-J. Laforèt, Dissertatio hislorico-dogmalica de methodo theologiæ sive de auctoritate Ecclesise catholicæ tanquam régula l’idei christianæ, Louvain, 1849 ; M. Jacquin, Le magistère ecclésiastique source et règle de la théologie, dans Revue des sciences philos, et théol., t. vi, 1912, p. 253-278 ; A. Landgiaf, Les preuves scripluraires et patristiques dans l’argumentation théologique, dans Revue des sciences philos, et théol., t. xx, 1931, p. 287-292 ; J. Hanft, Die Tradilionsmethode, cité supra : H.-D. Simonin, Note sur l’argument de tradition en théologie, dans Angelicum, t. xv, 1938, p. 409-418 ; L. Charlier, Essai sur le problème théologique, Thuillies, 1938, p. 58 sq. ; P. Wyser, Théologie als Wissenschalt, Salzbourg et Leipzig, 1938, p. 112-120, 128 sq., 159. — Et comp. supra, col. 426.

II. LE PROBLÈME DE L’APPORT RATIONNEL ET DV

raisonnement THÊOLOOiQUE. — 1° Le problème. Il

peut se poser ainsi : même en admettant qu’il y ait, entre l’univers de notre connaissance naturelle et l’univers de la foi, une certaine proportion, analogia entis, le monde révélé est proposé à notre foi précisément comme quelque chose d’autre que notre monde naturel, quelque chose de nouveau, dont on ne peut se représenter par la voie de la raison que ce qui est justement le moins lui-même. La Révélation est faite, précisément, pour nous faire connaître des choses inaccessibles à notre savoir et cependant nécessaires à l’accomplissement de notre destinée. Et même lorsqu’elle parle des choses que nous connaissons, au moins par un côté, elle en parle non pour nous en faire connaître la nature, les propriétés ontologiques ou physiques, mais pour nous en enseigner un usage conforme à l’orientation de notre vie vers Dieu. N’est-ce pas, au fond, le problème que posent directement des textes de l’Écriture du genre de ceux-ci : « Nous prêchons une sagesse qui n’est pas de ce siècle (de ce monde)…, des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a pas entendues… Or, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous sachions les choses que Dieu nous a données. Et nous en parlons, non avec des discours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles, » I Cor., ii, 6, 9, 12-13 ? Comment peut-il y avoir une théologie chrétienne qui emploie, pour se constituer, la connaissance philosophique de ce monde ?

Techniquement, la difficulté se présentera ainsi : si l’on emploie, pour constituer la théologie, des notions philosophiques, ou bien l’on syllogisera à quatre termes, ou bien ce qu’on fait ne signifiera rien et n’apportera rien, ou bien on ramènera l’Écriture au sens des catégories philosophiques utilisées. Soit, en effet, un raisonnement de ce genre, dont il n’y a d’ailleurs pas lieu de se demander s’il aboutit à une con clusion théologique nouvelle, contenue ou non dans la Révélation :

Le Christ est roi (révélé : Joa., xviii, 37) ;

Or, tout roi possède le pouvoir de juger et de condamner ses sujets (principe philosophique : saint Thomas, Sum. theol., III*, q. xi ix, a. 4, ad l" iii) ;

Donc le Christ possède le pouvoir etc.

La qualité royale du Christ est révélée dans maint passage de l’Écriture sainte, mais elle est révélée dans son ordre à elle ; sa royauté est expressément pré-