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    1. THÉOLOGIE##


THÉOLOGIE. SON OBJET

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a) La simple explication du révélé. — C’est une fonction très fréquente de la raison en théologie. Cette explication peut être cherchée intrinsèquement ou extrinsèquement au révélé lui-même.

a. Explication intrinsèque. — Elle consiste surtout à donner, des réalités révélées, une notion plus précise, parfois même une définition répondant aux exigences d’une logique rigoureuse. Exemples : le dogme énonce que le Christ est assis à la droite du Père ; il revient à la théologie d’expliquer, en raisonnant le cas, ce que signifie cette « session à la droite », voir par exemple, Sum. theol., III », q. lviii. Dans des cas de ce genre, le travail théologique est assez proche de la théologie biblique et de la catéchèse ; il est bien cependant dans son rôle de sacra doctrina et nombre de questions, dans la Somme de saint Thomas, répondent à cette fonction. Autre exemple, où l’élaboration scientifique est plus nette : la théologie de la primauté et de l’infaillibilité pontificales, en tant qu’explication des textes bibliques qui les énoncent, Matth., xvi, 15-20 ; Luc, xxii, 31-32 ; Joa., xxi, 15-17, ou des formules du magistère. Dans les cas majeurs, l’explication ira jusqu’à donner de la réalité révélée une définition techniquement rigoureuse.

b. Explications extrinsèques. — Il revient aussi à la théologie, se tenant en cela très près de la catéchèse, de fournir, dans des analogies prises de notre monde, des explications qui sont moins une formule élaborée du révélé qu’une manuductio, un adjuvant pédagogique suggérant au fidèle l’intelligence du dogme. Cet usage pédagogique des analogies naturelles est à distinguer de l’usage précédent et des usages qu’on va dire : dans le premier, en effet, les analogies seront utilisées pour leur contenu intrinsèque de vérité, même si cette vérité n’est pas entièrement adéquate ; les analogies pédagogiques, elles, sont des auxiliaires du dehors et leur rôle est relativement indépendant de leur valeur intrinsèque. C’est pourquoi, d’une part, nous continuons, en théologie, à employer de vieilles manuductiones comme celles qui sont empruntées à la cosmologie ancienne, par exemple à l’idée de lumière comme milieu physique, tandis que, d’autre part, nous pouvons en emprunter de toutes nouvelles qui, n’ayant pas encore fait suffisamment leurs preuves de vérité, ne sauraient être introduites comme élément d’explication dans la science théologique elle-même.

b) Arguments de convenance. — Ils forment, et de beaucoup, la part la plus importante des arguments de la théologie et comme le domaine approprié de cette science. Ils consistent, en effet, à exploiter l’accord qu’un fait chrétien surnaturel connu par révélation, possède avec la marche générale, les lois et les structures de notre monde à nous. Cet accord est susceptible de degrés fort divers, l’élément qui nous est naturellement accessible ne représentant parfois qu’un écho lointain de la réalité ou du fait révélés, mais pouvant représenter aussi une donnée si homogène aux choses chrétiennes qu’on tient presque, dans la loi ou l’essence naturellement connues, une explication véritable de la donnée révélée. De toute façon, la raison ou l’analogie apportées ne sont pas une preuve directe du fait surnaturel ; elles donnent seulement des motifs de penser que ce fait est vrai et, à ce titre, doivent être rangées dans la catégorie du « probable » ; cf. S. Thomas, Conl. Gent., t. I, c. ix ; Sum. theol., II » -II æ, q. i, a. 5, ad 2um ; elles offrent, comme il est dit encore, ibid., et Cont. Gent., 1.1, c. iii, verassimilitudines, raliones verisimiles, qui nous permettent, le fait surnaturel nous étant donné, de le concevoir de quelque façon. On peut noter à ce sujet que le vocabulaire des Pères et des grands scolastiques ne doit pas nous tromper et que souvent ce pour quoi ils parlent de necessarium, necesse est, patet, etc., n’engage que la

convenance. Quand saint Thomas, pour rendre théologiquement compte du fait de l’incarnation rédemptrice, fait appel à la métaphysique du bonum di/Jusivum sui, Sum. theol., III », q. i, a. 1, il n’entend pas prouver le fait de l’incarnation et sait très bien que l’application de ce principe dans le monde surnaturel est soumise à la libre initiative de Dieu, In I II um Sent., dist. XXIV, q. i, a. 3, ad 2um ; mais, dans la mesure où un principe si élevé s’applique à la vie même de Dieu, on peut légitimement lui demander de nous manifester ce que le mystère recèle d’intelligibilité : l’analyse ne rend pas raison du fait ; garantie par la sagesse de Dieu qui accorde toutes choses dans un monde fait par elle à deux étages, elle tend à rendre raison de ce qu’il y a d’intelligible dans le fait.

Le procédé rendra pleinement dans les cas où l’accord entre le fait chrétien et la loi naturellement connue viendra en réalité d’une communauté essentielle de structure et donc d’une réelle unité de loi. Le cas se présente quand on atteint par la raison naturelle à la connaissance d’une forme et de ses lois essentielles, qui resteront telles sous les divers modes où cette forme pourra être réalisée. C’est le cas de notre connaissance de la nature humaine, en sorte qu’il faut nous attendre à trouver de telles explications de structure dans les différentes questions que pose, même en régime chrétien, cette nature : anthropologie, morale, christologie, voire expérience mystique.

c) Raisonnement théologique déductif. — L’explication du révélé prend souvent la forme d’un raisonnement par lequel l’esprit dégage le contenu plus ou moins enveloppé de l’enseignement chrétien : elle devient une exploitation. Il arrive qu’on explicite ainsi des vérités qui étaient réellement, bien que non manifestement, révélées. Il arrive encore, et c’est le cas le plus fréquent, que l’on se donne, par un détour rationnel, une vérité qui était révélée par ailleurs, mais sans que cette révélation fît connaître ses connexions logiques ou sa raison métaphysique. Ainsi dans le syllogisme suivant :

Ce qui est spirituel n’est pas dans un lieu.

Or Dieu est spirituel.

Donc Dieu n’est pas dans un lieu.

Il arrive aussi, surtout quand on introduit dans le raisonnement une prémisse de raison naturelle, qu’on obtienne une vérité nouvelle qu’on ne saurait prétendre révélée. Soit ce raisonnement, inspiré de saint Thomas, Sum. theol., III », q. xvii, a. 2 :

L’être est attribué à la personne.

Or, dans le Christ, il y a unité de personne.

Donc, dans le Christ, il y a unité d’être.

La conclusion est une acquisition nouvelle, qui fait si peu partie du donné de la foi que les théologiens ne s’entendent pas à son sujet. Elle est obtenue non seulement grâce à un raisonnement formel, mais grâce à l’intervention, dans la constitution même de l’objet finalement connu, d’une quantité rationnelle, d’une certaine philosophie de l’esse et de la personne, laquelle est bien assumée pour son contenu et selon son contenu intrinsèque de vérité. Cette fonction déductive de la théologie avec assomption de vérités naturelles entrant dans la constitution d’un scibile propre, pose des questions particulières ; aussi en ferons-nous plus loin un examen spécial.

/II. OBJET « QVOD » ET SUJET DE LA THÉOLOGIE.

— Le sujet d’une science, c’est la réalité dont on traite dans cette discipline, plus exactement encore, d’après Aristote, // Anal., t. I, c. vii, 75 b 1 et c. x, 76 b 15, la réalité dont on démontre des passions ou des propriétés. Si l’on considère le sujet d’une science formellement, c’est-à-dire sous l’aspect selon lequel la réalité est considérée dans cette science, l’unité de