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THÉOLOGIE. LES SPÉCIALISATIONS


nouvelle ? À deux besoins : celui de l’humanisme et celui des hérésies.

Nous avons évoqué plus haut les nouvelles exigences en fait de textes et d’histoire. Certes, leur cause sera difficile à gagner. Si Cano déclarait en f560 que tous les gens instruits considéraient comme omnino rudes les théologiens dans les œuvres de qui l’histoire était muette, De locis, t. XI, c. ii, l’histoire n’en demeura pas moins étrangère aux programmes de formation intellectuelle du xvie siècle ; cf. P. Polman.L’e’Wme. nl historique, p. 500. Le xvii c siècle fut plus heureux : non seulement il vit paraître des œuvres très remarquables de théologie positive, celles, en particulier, de Petau († 1047) et de Thomassin († 1695), mais il vit l’histoire s’introduire, en plus d’un endroit, dans le régime pédagogique des clercs. Bien des traités de méthodologie théologique feront alors une place considérable aux études historiques et scripturaires : Noël Alexandre, Préface à son Histoire ecclésiastique, 1676 (cf. en particulier, t. i, p. liv) ; Bonaventure d’Argonne, Traité de la lecture des Pères de l’Église, 1688 ; Mabillon, Traité des études monastiques, 1691 ; Ellies du Pin, Méthode pour étudier la théologie, 1716, etc.

La théologie positive n’est pas née seulement de l’humanisme, mais de la nécessité de répondre aux hérésies. Cela entraînait l’obligation de prouver la conformité du dogme ecclésiastique à ses sources premières. Aussi les toutes premières recherches de théologie positive, dans l’Église, ont-elles été des recueils de textes et de témoignages que l’on a opposés aux novateurs. Les hérésies modernes devaient d’autant plus susciter une activité de ce genre qu’elles se présentaient comme une réforme radicale de l’Église et mettaient en question sa fidélité à ses origines. Ainsi d’abord dans la polémique avec Wiclef, comme on le voit, par exemple, dans le Doctrinale antiquitalum fidei Ecelesiæ cutholicæ de Thomas Netter, dit Waldensis († 1 131), et dans celle avec Jean Hus. Ainsi surtout dans l’effort énorme que firent les catholiques pour répondre au protestantisme. Les activités du catholicisme moderne ont été conditionnées en glande partie par la mise en question de la Réforme. Jusqu’alors la théologie avait été en possession paisible de ses sources ; elle en recevait l’apport dans l’Église. C’est en pleine tranquillité cju’- les théologiens seolastiques non seulement puisaient leur donné dans la vie actuelle de l’Église, sans s’inquiéter de critique historique, mais qu’ils référaient à l’Église vivante ce qu’ils pouvaient remarquer de nouveau à un moment donné de son développement : c’est très net, par exemple, dans la question, qui deviendra cruciale pour la nouvelle théologiepositive, de l’institution des sacrements.

Maintenant. l’autorité de l’Église, réduite par les Réformaleui i à un niveau tout humain, ne suffirait plus pour justifier la moindre tradition et l’on était Obligé, pour suivie les novateurs sur leur terrain, de se référer À l’Église ancienne, voire parfois au texte de la ule Écriture. D’où la création par les théologiens catholiques de la théologie positive, d’une part, du traité de la Tradition, d’autre part : double création par laquelle la manière de se référer aux sources sera changée pour la théologie, pour celle du moins qui ne croira pas pouvoir continuer purement et simplement [ne médiévale.

Les II essités que nous venons d’évoquer ont en gendié, au xvir sic. e, les innombrables traités qui

trfentés vers la démonstration de la « Perpétuité

t il. Avant le livre fameux de Nicole. Perpétuité

d’la foi de l’Église louchant VeucharMie, 3 vol., 1609

In ; même modèle de beaucoup d’autres, nous

aurons nombre de démonstrations de même esprit

et d ii (ours du xvie siècle,

C’est ainsi que l’effort de la théologie positive 1

d’abord orienté vers la preuve de la conformité de l’enseignement actuel de l’Église avec le témoignages bibliques ou patristiques de la foi de l’Église apostolique ou ancienne. C’est ce que certains auteurs appellent « positive des sources », ainsi R. Craguct, art. cité, p. 15-16 ; L. Charlier, Essai sur le problème théologique, p. 35-50.

A. Rébelliau, Bossuet historien du protestantisme, 3° éd., Paiis, 1909 ; J. Tunnel, Histoire de la théologie positiue du concile de Trente au concile du Vatican, Paris, 1906 ; Ph. Torreilles. Le mouvement théologique en France depuis ses origines jusqu’à nos jours, Paris, s. d., c. vi, ix, xi et xii (ce sont les meilleurs) ; P. Polman, L’élément historique dans la controverse religieuse du XVIe siècle, Gembloux, 1932 ; Mgr Grabmann, Geschichte der katliolischen Théologie seit dem Ausgangder Vàterzeit, Fribourg-en-li., 1933, p. 185 sq. ; A. Stolz, Positive und spekulalive Théologie, dans Divus Thomas (Fribourg), 1931, p. 327-343 ; R. Draguet, M< ?(/io</es théologiques d’hier et d’aujourd’hui, dans Revue cathol. des idées et des faits, 10 janv., 7 et 14 févr. 1936 ; L. Charlier, Essai sur le problème théologique, Thuillies, 1938.

d) L’apologétique. — Nous sommes maintenant à l’époque des dissociations. Le monde naturel tend à reprendre son indépendance et à se oncevoir comme étranger à la foi, se posant en face d’elle comme un vis-à-vis, et comme se suffisant à lui-même : en politique, deux pouvoirs qui peuvent, comme d’égal à égal, passer un concordat ; en matière de connaissance, deux lumières extérieures l’une à l’autre et gouvernant chacune un monde à part. L’apologétique, qui représente un usage de la taison extérieur à la foi, bien que relatif à elle, est née de cette situation et du besoin de refaire l’unité perdue. Il s’agit en effet, en usant de la lumière naturelle d’amener à la f oi en établissant qne l’enseignement de l’Église catholique représente la révélation de Dieu. Peu de décades avant l’époque dont nous parlons, la mise en question de la Réforme avait fait naître une activité nouvelle de défense qui, sous le nom de « polémique » ou de i controverse », s’était vite constituée en branche spéciale de la théologie et de l’enseignement ecclésiastique. Nous n’en ferons qu’une simple mention : cf. K. Werner, Geschichte der kalholischen Théologie seit dem Trienle.r Concil zur Gegemvart, Munich, 1866, p. 34 sq. ; Geschichte der apoloqetischen und polemischen Litcratur der christlichen Théologie, Schaffouse, 1861 sq., 5 vol. Nous n’avons à nous occuper ici de l’apologétique que sous l’aspect où elle intéresse la notion de théologie, en tant qu’elle est devenue une spécialité de la théologie et en tant que sa création et son développement ont pu influer sur la conception même de la théologie.

L’apologétique ne se constituera guère en traité séparé de la théologie dogmatique avant le milieu du xviie siècle : F. de B. Yizmanos, La apologetica de los escolaslicos postridentinos, dans Estud. eclesiast., 1934, p. 422 ; H. Busson, La pensée religieuse française de Charron à Pascal, Paris, 1933, c. xi et XII, Mais elle se prépare dans les traités seolastiques de la foi et en deux questions de ce traité : celle de la crédibilité et celle de la certitude subjective de la foi.

Le souci d’établir le bien fondé du dogme catholique détermine une nouvelle activité de la raison relativement aux principes de la théologie, qui sont précisément les dogmes : il n’est plus question d’élaborer

le contenu objectif des dogmes (théologie scolastique), ni même de prouver la conformité du dogme a ses sonnes premières (théologie positive), mais d’établir aux yeux de la raison leur crédibilité, objet de la démonstration chrétienne ». Ainsi, d’une part, les traités apologétiques se gonflent-ils d’une ma théologique qu’ils n’avaient pas à aborder, d’autre part, la théologie elle-même prend-elle souvent, en de ses objets, une altitude et des préoccupai ions

apologétique*. D’autant que la controverse a mis son