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THÉOLOGIE. LES SPÉCIALISATIONS


et réédité en 1512, 1516, 1521. Jean Mair désapprouve ceux qui prolixe in theologia quæsliones inutiles ex artibus inseru.nl ad lonqum, opinione.s jrivolas verborum prodigalitate impuqnant… Quocirca, statui pro viribus matcrias theologicas ferme tolaliler in hoc quarto nunc positive, nunc scholastice prosequi. In I V um Sent., 1509, fol. 1-2, cité dans R.-G. Valloslada, Un teologo ovlidado : Juan Mair, dans Esludios eclesiasticos, t. xv, 1936, p. 97 et 109. Ce texte est remarquable, et il nous met sur la voie d’un sens du mot « posilif « qui pourrait bien être le sens originel. Le mot désigne, chez Jean Mair, à la fois une matière et une méthode. Il indique un exposé bref, un exposé religieux, dépouillé tant des questions inutiles que des questions principalement philosophiques réservées au point de vue n scolastique », un exposé apportant, non des choses problématiques ou controversées, mais des données fermes ; il s’agit enfin d’un exposé portant sur une matière chrétienne, sur des vérités de fait, non déductibles par des raisons.

A partir de là, il semble bien que le même mot ait recouvert deux notions qui, pour se relier à une origine commune, n’en sont pas moins notablement différentes. Il y a une conception littéraire, selon laquelle la théologie positive représente une certaine manière de faire œuvre de théologie, et une conception méthodologique, selon laquelle la positive est une certaine (onction de la théologie. La première conception, qui peut se rattacher au texte de saint Ignace et même à celui de Jean Mair, sera longtemps la plus répandue : il semble bien que ce soit celle que le mot « positif portait alors le plus spontanément avec soi ; la seconde conception représente un développement interne de la notion de théologie qui s’est amorcée chez Cano et qui aurait pu se dérouler ensuite, sans se couvrir du nom de « positive « , mais qui s’est finalement présentée sous cette enseigne.

Dans la ligne de Cano, la théologie positive désignera cette partie ou cette fonction par laquelle la théologie établit ses principes et s’occupe de ses fondements, de son donné. Partie ou fonction qui concerne donc principalement l’Écriture et les Pères et qui vise, non à élaborer le contenu de leurs assertions, mais à le saisir tel quel en sa teneur positive ; par conséquent, partie ou fonction qui suit non une méthode d’argumentation dialectique mais une méthode d’exposition plutôt exégétique et simplement explicative. Par ce biais, la théologie positive ainsi entendue rejoint la théologie positive entendue au sens littéraire que nous allons voir : car elle se distingue de la théologie scolastique par la « manière » et finalement, par le style lui-même. Aussi, comme nous le verrons, un assez grand nombre d’auteurs mêleront ou juxtaposeront les deux notions.

Les auteurs et les textes suivants se rattachent à cette manière d’entendre la distinction entre scolastique et positive :

Secunda (divisio) oritur ex differentia quadam methodi qua utitur in ea fidei explicatione… in positivam et scholasticam. Quibus appellationibus unus eliam et idem habitus signifioatur, proul diverso modo versatur in suo munere explicandi et coufiimandi fidem. Positiva enim theologia dieitur, quatenus occupatur polissimum in explicando ipso Scriptura sacra ; sensu, ad eumque eliciendum, tum aliis admiiiiculis, tum prsecipue auctorilate sanctorum Pamim utitur. Quo ipso quasi principia fuma aliarum conclusionum theologicarum ponit ; et ideo positiva videtur dicta, quia scilicet ponit atque statuit ex Scriptura principia theologiae fuma. Scholastica vero, theologia vocatur prout explicat et confirmai ac défendit uberius et accuratius fidei sententiam, subtiliter iis etiam rébus animadversis, quæ vel ex fide conséquentes sunt vcl fidei répugnant… Grégoire de Valence, Commentarii theol., disp. I, q. i, punct. 1 ; comp. punct. 5.

Tlieologia positiva est Scripturse sacrée cognitio rerumque divinarum explicatio, sine argumentatione operosa. Po nendo sensum Scriptura ; et thèses conclusionesque theologicas sine argumentis convincenlibus. Theologia scotastica est scientia ex principiis fidei educens démonstrative conclusiones de Deo rebusque divinis… J. Polman, Breuiarium theologicum, Lyon, 1CJ6, p. 4.

Positiva illa dicitur quæ conclusiones suas probat tum ex Sacræ Scripturoe auctoritate, tum traditionibus, tum defiaitionibus conciliorum, tum denique sanctæ iicclesi.-e et poiililicum determinationibus, theologorumve unanimi sententia… J.-V. Zambaldi, Disserlaliones théologies ? scholastico-doginalicæ, Padoue, 1728, q. i.

La conception de la théologie positive prise du point de vue littéraire est déjà celle qui est sous-jacente au texte de saint Ignace cité col. 426. Elle fut, et de beaucoup, la plus commune au xvii* et au début du xviii » siècle. Petau lui-même, bien qu’il soit effectivement le père de la théologie positive au sens moderne du mot, lequel reprend la ligne de Cano, ne définit pas la théologie positive autrement.

On trouve cette notion dans les textes suivants : …Non illam (theologiam) conlenliosam ac subtilem, quæ aliquot abhinc orta sœculis jam sola pêne scholas occupavil, a quibus et scholasticæ proprium sibi nomen ascivit ; verum elegantiorem et uberiorem alleram… Dogm. theol., proleg., c. i, n. 1 ; cf. c. iii, n. 1 et surtout c. ix, n. 9, où son nom est donné à cette autre théologie : Alterum genus est theoloqiee quod posilivum vulgo nuncupanl, quod majori parti blanditur hominum eurum qui polilis deleclantur artibus et abhorrere ab omni barbarie prse se ferunt. Voir aussi Billuart, Cursus theologise, diss. proœm., a. 1 : Ex parte modi dividitur in positivam et scholasticam. Positiva est quæ versatur circa S. Scripturas, traditiones, concilia, canones, SS. Pontiftcum décréta, SS. Palrum opéra, antiquitalis facta historica et praxim, ea expendendo, penelrando, vera a falsis discernendo, sensum legilimum explicando, mysteria fidei et veritates revelatas ex eis eruendo, et ex verilatibus revelalis alias deducendo ; et hxc omnia stylo lusiori, elegantiori et quasi oratorio, atque regulis dialecticis minus accomodato… On pourrait enfin citer E. du Pin et ceux qui dépendent de lui : du Pin, Méthode pour étudier la théologie, Paris, 1716, c. n (éd. de 1768, p. 30 sq.) ; de La Chambre († 1753), Introduction à la théologie, diss. I, art. 6, dans Migne, Theol. cursus complcius, t. xxvi, col. 1070. Si étrange que cela puisse paraître, ces différents auteurs définissent la théologie positive comme la forme plus élégante et moins rigoureuse de la théologie tout court, dont la scolastique est la forme exacte et plus sévère. Comme Billuart l’indique nettement, la théologie positive est représentée, en somme, par les auteurs ecclésiastiques antérieurs à saint Jean Damascène pour l’Orient, à Pierre Lombard pour l’Occident. Mais, chez nombre de scolastiques, l’apport historique et textuel demeurera extrinsèque au développement de la pensée ; ils s’y résoudront comme à une exigence du temps, mais sans croire à sa fécondité et à sa valeur. Billuart lui-même ajoutera bien à son commentaire des développements historiques, mais ce sont, selon sa propre terminologie, des digressiones, et il ne les ajoute, dans une Somme qu’il proclame hodiernis moribus accomodata, que parce que usus prævaluit ; cf. la Prsejatio auctoris à sa Summa.

Beaucoup, d’ailleurs, accolent la notion épislémologique héritée de Cano et la notion littéraire ou humaniste. Il y a quelque chose de cela chez Billuart lui-même, et plus encore chez Philippe de la Trinité. C’est au maximum le cas de Tournély († 1729), Prselecliones theologicx de Deo et divinis attribuas…. disp. prœvia, q. i, a. 2, Venise, 1731, p. 4, et de Berli, De theologicis disciplinas, t. i, Venise, 1776, p. 2.

Il n’empêche que c’est bien à l’époque où nous sommes que, avec ou sans l’étiquette, se forma ce que nous appelons la théologie positive. À quels problèmes, à quels besoins répondait cette activité relativement