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THÉOLOGIE. FORMES NOUVELLES


fournis par la tradition de l’École, en s’attachant à les traiter par partes avec les ressources et selon les exigences de la dialectique et de la métaphysique. Mgr Grabmann remarque, à propos de Capréolus que, des trois lignes suivies par saint Thomas, la ligne spéculative, la ligne historico-positive et la ligne mystique, il n’a prolongé que la première. Johannes Capréolus, dans Jahrbuch jûr Philos, u. spekul. Theol., t. xvi, 1902, p. 281. De fait, cette scolastique n’a guère profité des acquisitions nouvelles permises par l’humanisme : l’apport du donné scripturaire et patristique y est souvent médiocre ; même chez un Cajétan, l’effort exégétique est resté, en somme, extrinsèque à l’activité spéculative. Par contre, dans les belles questions spéculatives, abondamment développées, l’interprétation et la construction philosophiques sont poussées extrêmement loin. Chez Jean de Saint-Thomas, plusieurs grandes questions sont précédées de Prænotamintt philosophica fort considérables. De plus, et dans leur exposé même de la notion de théologie, comme déjà Gabriel Biel l’avait fait, ces théologiens renvoient volontiers à des traités de philosophie. C’est que l’effort de la scolastique a abouti à une élaboration très forte des notions philosophiques engagées dans la théologie spéculative ; il s’est constitué ainsi une « philosophie chrétienne » scolastique, dont les notions avaient été, pour ainsi dire, faites sur mesure pour leur usage théologique. Lt maintenant, la théologie n’avait guère qu’à recourir, pour chacun de ses problèmes propres, à cet arsenal qu’elle avait formé. C’est l’existence d’une « philosophie chrétienne » scolastique qui explique et justifie l’allure extrêmement philosophique de bien des traités de la scolastique des xvie etxvii* siè Mais il n’empêche que ce sera toujours une tentation, pour cette scolastique, de ne concevoir le travail de la théologie spéculative que comme une application à un donné spécial, tenu par ailleurs, de catégories philosophiques. Quand Jean de Saint-Thomas, qui était certes un contemplatif de haut vol, exprime la fonction de la théologie-science en ces termes : Kes supernaturales ad modum metaphysicæ scientiæ tractalw, el discursu naltirali collalx… Op. cit., disp. II, a. 8, n. 6, p. 380, il dénonce, au sein d’une fonction magnifique et à coup sûr légitime, une menace de déviation. Le danger existe de ne voir le rôle de la foi dam la théologie que comme un rôle préalable, nécessaiic pour fournir le point de départ, mais en somme liminaire et extrinsèque, le travail théologique se faisant ensuite par la simple application de la métaphysique à ce donné tenu pour vrai. Comment, dès lors, tout en construisant une interprétation rationnelle, garder au donné chrétien sa spécificité, son caractère il-tout et de réalité originale ?

4° Formes nouvelles dans l<i théologie catholique. — 1. Effort d’intégration des exigences modernes. Mclchior Cano. - — Le mouvement humaniste, d’une part, les de la controverse protestante, d’autre part, vont susciter dans l’Église tin ensemble de questions et un effort aboutissant à créer une théologie fonda|| les sources, les conditions, la certitude et la nul 1m. de de. la pensée religieuse geralent étudiées eritiquement. A. Lang, Die Loci theologici…, p. Il iq. ; P. Polman, L’élément historique…, p. 284. Cet effort fut le f.n ! de l’école de Salamanque et singulièrement de Mclchior Cano. Le renouvellement de la scolastique qui s’e t opén à Salamanque au xvr

le iioria, lequel avait, : i Paris, reçu l’influence de l’ii rre Crockært et, par lui, celle du milieu humanl te de Louvaln. Comme le. deux Soto, Cano u maître a son tour, il fut le

Llie Salamanque

i dans toute la

chrétienté la tradition d’une scolastique renouvelée : Tolet à Rome, Grégoire de Valence à Ingolstadt, Rodrigue d’Arriaga à Prague.

L’œuvre de Cano, le De locis theologieis, édition posthume en 1563, a été analysée à l’art. Lieux tiiéologiques, t. ix, col. 712 sq. Cano est un théologien de formation scolastique, mais qui veut tenir compte de l’humanisme et de ses conquêtes : l’histoire, l’édition et l’appréciation des textes, etc. Cano, a, par bien des côtés, une sensibilité et une mentalité humanistes : psychologiquement, il est un moderne, et il veut fonder une théologie tempori aptior. L. XII, c. xi. C’est cette mentalité humaniste qui le porte à mettre au premier plan, dans la théologie elle-même, l’appréciation critique de la valeur d’une position déterminée et à déterminer celle-ci en faisant appel au donné positif. Ce n’est pas que Cano nie la validité du raisonnement ; il apprécie sévèrement toute attitude fidéiste, t. II, c. xviii ; il critique ceux qui voudraient en rester à la lettre de l’Écriture, comme Érasme, et il justifie l’usage de la raison en théologie. L. VIII, c. n ; t. IX, c. iv. Classiquement, il assigne à la théologie scolastique trois buts : déduction de conclusions, défense de la foi, illustration et confirmation du dogme à l’aide des sciences humaines. L. VIII, c. n. Mais, comme tout élève de Vitoria, il sait les abus qui ont discrédité la théologie rationnelle, et il les dénonce. L. VIII, c. I. Il préconise une réforme profonde : la ratio qui déduit les conclusions est bonne, mais on ne peut rien savoir de plus dans les conclusions que ce que donnent les principes, ni rien qui dépasse en certitude et en valeur la certitude et la valeur des principes ; bref, la théologie rationnelle ne tire sa valeur que du donné positif, c’est-à-dire de Vauctoritas. L. XII, c. il. Le théologien ne sera donc un véritable savant, digne de ce nom, que s’il apprécie eritiquement les données desquelles il part : cf. textes dans A. Lang, Die loci, p. 187. Cano réagit contre une théologie qui ne serait que raisonnement, et il affirme très fortement que la théologie, comme toute autre science, vif d’un donné, d’un point de départ positif, qui est tel ou tel, et qu’aucun raisonnement ne peut créer. Cf. De locis, I. II, c. iv, 2e partie du chapitre ; I. XII, c. III. Tout son effort porte donc sur une étude systématique et critique des différentes sources où le théologien doit prendre sa matière de travail et qu’il appelle des « lieux ». C’est à déterminer la valeur propre, les critères, les conditions d’appréciation et d’utilisation de ces lieux qu’il s’attache d’une manière presque exclusive. On le voit bien quand, à la fin du I. XII, il donne lui-même trois exemples de s ;) méthode. Ces exemples vérifient tout à fait ce que dit, après le P. Mandonnet, art. CaMO, ici, t. ii, col. 1539, le P. Jacquin, Melchior Cano et la théologie moderne, dans Revue des sciences philos, et théol., 1920, p. 121-141.

On peut se demander si la théologie spéculative, la theologia scholæ, reste bien chez Cano ce qu’elle était chez saint Thomas. Cano abandonne le procédé de la qUSUtio et la manière dont il parle de la qumstto Iheologica, I. XII. c. v. laisse entendre qu’elle est, pour lui, non plus un instrument de science, mais un procédé de pédagogie et de discussion. Oc même la manière donl il parle soit de la conclusion théologique, soit de la fonction d’explication et d’illustration, l. nui. c. ii, semble ne se référer qu’à l’explication de ce qui se trouve tel quel dans le. lieux principaux, Écriture et

Tradition, travail OÙ l’argumentation ne serait guère qu’un procède d’explication parmi les autres et non

pas cette BSSOmption des ressources aut lient iques de la r.iison dans la construction de l’objet chrétien

qu’elle était pour saint Thomas. Cependant il

Injuste de rendre ( ; iiim responsable <li U des

déviations que son Initiative mirait pu permettre, i ni