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    1. THÉOLOGIE##


THÉOLOGIE. CONTINUATION DE LA SCOLASTIQUE

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principes de la théologie. Mais la théologie se définit par ses conclusions : celles-ci en sont proprement l’objet. Or, de l’adhésion aux conclusions, objet de la théologie, l’illumination infuse n’est le motif que medianle consequenlia évidente alio lumine. Et sic acquiritur habitas theologicus et lumen theologicum quod virtualiler est ex dirina revelatione. Quapropler objectum proprie et formalités theologiæ est virlualiler revelatum.De locis, p. 33 ; cf. Corn, in 7/ » m -77°, loc. cit., 3° concl., col. 16. L’objet formel quo de la théologie n’est donc pas celui de la foi, car c’est la lumière de la révélation en tant qu’étendue par le raisonnement, et donc par une intervention de la lumière naturelle de l’esprit, à une conclusion dégagée des vérités de la foi. P. 33, 34.

L’homogénéité entre la théologie et la foi joue évidemment à plein quand les conclusions sont tirées de deux vérités de foi : c’est le cas que Bafiez envisage le plus volontiers. Mais il envisage aussi celui d’une conclusion procédant ex altéra certa secundum fidem callwlicam, et altéra naturaliler cognita lumine naturali vel immédiate vel médiate, sive in philosophia naturali, sivemorali, sive inmelaphijsica. A. 3, p. 33 ; cf. a. 2, p. 21.

L’intervention de Jean de Saint-Thomas dans la détermination définitive de la notion scolastique de la théologie se fait sentir surtout en deux points : la définition de la révélation virtuelle et la valeur de la conclusion théologique tirée d’une prémisse de foi et d’une de raison. Le premier point est abordé In / » m partem, q. r, disp. II, a. 1, n. r et m ; a. 4, n. xvi, éd. de Solesmes, Paris-Tournai, t. r, 1931, p. 347, 348, 361-362, et surtout a. 7, n. vr sq., et x-xrr, p. 376-380 ; le second point l’est en de multiples passages ; il répond évidemment, pour l’auteur, à une découverte personnelle spécialement chère : ibid., a. 6, n. r, x-xvrr, xxiixxiv, p. 369-374 ; a 7, n. xvrrr sq., p. 381 ; a. 9, n. vi, xi-xirr, p. 391, 393 ; cf. aussi Logica, II » pars, q. xxv, a. 1, ad 3, éd. Reiser, p. 777.

La ratio sub qua de la théologie est la révélation virtuelle, c’est-à-dire la lumière de la révélation dérivée à une conclusion par un raisonnement proprement dit. La conclusion théologique tient de cette lumière une certaine qualité scientifique, scibilitas, qui permet de la situer dans le cadre des sciences hiérarchisées selon le degré d’abstraction. Ce virlualiler revelalum est défini exclusivement comme une vérité non formellement révélée, mais déduite de la Révélation par un raisonnement véritable. Il y a donc, à l’égard de saint Thomas et des commentateurs plus anciens, non certes une infidélité, mais une certaine spécialisation, une précision, au sens où ce mot implique une certaine élimination. La théologie est définie non plus simplement, comme chez saint. Thomas, par le fait d’ordonner et de construire l’enseignement chrétien en principes et conclusions, mais par la déduction de conclusions nouvelles.

Deuxième point, corrélatif au précédent : tandis que, pour Bafiez, les conclusions obtenues à partir d’une prémisse de foi et d’une prémisse de raison n’étaient pas éclairées par une lumière aussi purement théologique que les conclusions rattachées à deux prémisses de foi, Jean de Saint-Thomas met les deux cas rigoureusement sur le même plan et l’on a le sentiment que, pour lui, le plus purement théologique est peut-être le premier. Son effort pour maintenir d’une part l’unité d’un même lumen sub quo dans les deux cas, et d’autre part la qualité pleinement théologique de ce lumen, est très beau. Il recourt, pour cela, à l’idée d’instrumentalité et montre que les vérités de raison employées dans l’argument théologique n’y sont plus de pures vérités de raison. Car, bien qu’elles ne soient pas intrinsèquement transformées, elles sont, dans l’usage actuel qu’on en fait, assumées, corrigées, mesurées, approuvées par le principe de foi avec lequel on

les construit ; avec lui, elles font un seul médium de démonstration qui n’est pas une chose de foi et qui n’est plus une chose de pure raison, mais très proprement un médium théologique, engendrant une scibilitas théologique. Par là Jean de Saint-Thomas se rattache à la ligne suivie par Bafiez, selon laquelle la théologie la plus scientifique se construit dans la foi et, malgré l’intervention désormais très accusée des principes philosophiques dans sa construction, n’ajoute objectivement rien au donné de la foi.

La position de Jean de Saint-Thomas est celle qui est passée chez les thomistes postérieurs : Gonet, Clijpeus theologiæ thomisticæ. Disp. proœmialis ; Billuart, Summa S. Thomœ…, I » pars, dissert, proœmialis, qui définit la théologie : Doctrina rerum divinarum ex principiis fidei immédiate revelalis conclusiones deducens.

Ni Suarez, ni les carmes de Salamanque n’ont commenté la l re question de la Somme. Leur pensée sur la théologie est à chercher partie dans les écrits philosophiques auxquels ils se réfèrent, partie dans leur traité de la foi. À cet endroit sont envisagées en particulier la notion de révélé formel et de révélé virtuel et la question de la délinibi.ité de l’un et de l’autre. Voici comment le P. Charlier, op. cit., p. 24, en note, résume leur pensée :

Suarez distingue nettement Vassensus theologicus de Vassensus fidei. Celui-ci a pour objet le révélé formel, celui-là, le révélé virtuel. Le révélé virtuil, au sens strict, s’entend d’une conclusion déduite d’une proposition de foi virtute et adminiculo alicujus principii naturalis, ut quando colligitur una proprietas naturalis ex altéra revelata. De fide, disp. VI, sect. 4, n. x. La révélation virtuelle se dit respectu proprictatis quæ nullo modo conlinetur formnliler in re dicta, sed tantum in radiée, ut est in exemplo de risibililate et similibus. De fide, disp. III, sect. 11, n. v. Dans ce cas, Vassensus theologicus s’appuie sur le raisonnement proprement dit comme sur sa cause propre et formelle. La conclusion théologique stricte n’est pas, de soi, objet de foi ; car elle s’appuie sur un motif formel distinct du motif formel de la foi. Elle ne devient objet de foi que dans le cas d’une définition de l’Église, qui la propose alors, non comme virtuellement révélée, mais comme révélée formellement, immédiatement et en soi. Ibid., n. xr.

Les Salmanticenses diront, à leur tour, qu’une conclusion déduite d’un principe de foi et d’un principe de raison par voie de démonstration n’est pas une proposition de foi, mais une conclusion théologique. De fide, disp. I, dub. 4, n. 124. Quant à la vérité déduite rigoureusement de deux prémisses formellement révélées, il y a.lieu de distinguer : cette vérité peut être considérée : 1. sous sa modalité de vérité déduite et, comme telle, elle est conclusion théologique ; 2. eJe peut être envisagée en elle-même, au point de vue spécifique, en tant que vérité et, comme telle, elle est proposition de foi. Ibid., n. 127.

Il est inutile de poursuivre plus loin cette enquête sur les commentateurs de saint Thomas qui, aux XVIe et xvri 6 siècles, prolongent la ligne de la scolastique médiévale.

Produit des activités d’école, création, le plus souvent, de religieux défendant la tradition de leur ordre, représentant enfin la spécialité d’un monde à part, cette scolastique est, beaucoup plus que celle du xiiie siècle, polémique. La division et le développement des questions y sont, infiniment plus que chez saint Thomas ou saint Bonaventure, commandés par la controverse d’école. Cette scolastique est aussi appliquée exclusivement à développer le côté systématique de la tradition théologique où elle s’insère. Elle se définit elle-même comme « scolastique », par un traitement dialectique et métaphysique des problèmes