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THÉOLOGIE. L’HÉRITAGE DU Vie SIÈCLE
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entendu, ces analogies ne sont pas des preuves, mais des moyens de tendre à l’intelligence, qui ne valent que pour le croyant ; de ce chef, elles ne "sont entendues que des aures populi christiani et l’évêque d’Hippone les présente jidelibus. non infidelibus loquens, L. XV, c. xxvii, n. 48, col. 1095 et 1096. Au reste, on ne soulignera jamais trop que tout cela suppose la foi, que l’intellectus repose essentiellement sur le credere dont il est le fruit, et que ce credere lui-même est principalement réglé et défini par les Écritures.

C’est dans cette perspective qu’Augustin a revendiqué très vivement la légitimité et l’utilité des études profanes pour l’œuvre même de la sagesse chrétienne. Attitude capitale, qui devait déterminer, avec des nuances diverses, celle de tout le Moyen Age et de toute l’Église d’Occident ; avec des nuances diverses, disons-nous, car l’anUintellectualisme extrême en procédera, ou du moins s’en réclamera, tout autant que l’humanisme chrétien d’un saint Anselme ou des Victorins, ou même l’initiative de saint Thomas. Le texte essentiel est ici celui du De doctrina christiana, 1. II. Augustin veut mettre, au service de l’intelligence des Écritures, toutes les ressources aptes àprocurerce service : la connaissance des langues sacrées, celle de la nature des êtres, celle de la dialectique, qui permet de déceler et de réfuter les sophismes et enseigne l’art de la définition et de la division des matières, sans lequel aucune exposition de la vérité n’est possible ; la connaissance de l’éloquence, la science des nombres, l’histoire et le droit. Cf. Gilson, op. cit., p. 151 sq. Programme immense, dont Augustin lui-même, puis le Moyen Age, ne réaliseront en somme qu’une partie, le Moyen Age t héologique se limitant, dans son ensemble, à la culture de la grammaire et de la dialectique ; cf. Marrou, op. cit.. p. 2.Î7-275. Ainsi Augustin a-t-il su, sans rejeter le principe primitif de la suffisance du christianisme et des Écritures, assumer dans l’étude de celles-ci et dans la pratique de celui-là, toutes les ressources viables du monde antique. Le programme et l’esprit encyclopédiques du Moyen Age procéderont tout entiers de cette attitude.

III. L’héritaoi DD vie siècle. — La chrétienté latine, au point de vue de la manière dont elle concevra et pratiquera la théologie pendant près de dix siècles, est déterminée, au VIe siècle, par deux grands facteurs : d’une part, l’héritage des Pères, au sein duquel s’affirme incontestablement l’hégémonie religieuse de saint Augustin, d’autre part l’héritage philosophique reçu de l’antiquité et en particulier de cer tains écrits d’Aristote traduits et transmis par Boèce (+ vers 525).

t L’héritage pairistique. Avant d’aborder l’histoire de la notion de théologie dans la préseolastique, puis dans la scolastique médiévales, il est bon de fixer quelques-uns « les traits de l’époque qui commence, principalement en son attitude à l’égard du donné théologique, telle que cette attitude s’est trouvée déterminée par l’héritage reçu des Pères, el singulièrement de saint Augustin. L’influence de celui ci a été

immense, (.rabmann, Gesch. dtT BChol. Méthode, t. i,

p. 125 sq., caractérise par ces quatre points les principaux aspects de cette influence : l. L’idée de la valeur propédeutique de la dialectique ; 2. I ne idéologie de l’autorité s’appliquanl aux rapports de la raison et de la foi et fondant une manière positive d’envisager ipports ; 3. I.’exemple et l’influence d’une synl hèse

fortement s si c mat ise’-c. formulée dans clés iruvres qui

s’imposeront romme des modèles ; l. L’élaboration de plusieurs grandes questions, la création de la procé dure i luivrc dans les controverses, de manières d’argumenter, de toute une théorie de la connaissance-n li ifln d’une langue dogmatique. Cf. aussi M ii rabmann. AugustitlS l.ehrr von (.luuheii imd i

DICT. m rHBOL.’i UOL.

sen und ihr Einfluss auf das mittelallerliche Denken, dans M ittelallerliches Geistesteben, t. il. Munich, 1936, p. 35-62 ; W. Schulz, Der Einfluss der Gedanken Augustins iïber das Verhàltnis von ratio und fides in der Théologie des 8. und 9. Jahrhunderis, dans Zeitsch. I. Kirchengesch. , t. xxxiv, 1913, p. 323-359 ; …im 11. Jahrhundert. ibid., t. xxxv, 1914, p. 9-39.

Du point de vue qui est le nôtre ici, l’héritage patristique semble comporter particulièrement les points suivants :

1. Utilisation de l’Écriture.

L’activité théologique est un effort pour pénétrer le sens et le contenu de l’Écriture, qui est la parole de Dieu. Le principe de la suffisance de la Bible est le premier legs des Pères. Ce principe sera maintenu et vécu par le Moyen Age sans atténuation : saint Anselme n’introduira des activités de spéculation qu’en disant que l’Écriture les contient, De conc. præsc. Dei cum lib. arb., q. iii, c. vi, P. L., t. clviii, col. 528 C ; Abélard présentera la synthèse théologique qu’il tente pour la première fois comme une « Introduction à l’Écriture sainte » :

Sit tibi, quirso, frequens Scripturæ lectio sacra". Cætera si qua legasomnia propter eam (P. L., t. c.lxxviii, col. 1760).

Jusqu’à la fin du xiie siècle, la théologie sera essentiellement et, on peut dire, exclusivement biblique ; elle s’appellera sacra pagina ou sacra scriplura (voir plus loin).

Le Moyen Age héritera aussi des Pères, et singulièrement de saint Augustin et de saint Grégoire les méthodes d’aborder et de traiter le texte scripluraire. Ces méthodes lui seront transmises tant par les textes originaux que par les florilèges, les Sententise et ultérieurement par les Closes. Cette exégèse est caractérisée en particulier par :

a) Un usage des transpositions allégoriques, devenu, au delà du sens historique, comme une seconde manière de lire ou d’entendre le texte. Exemple : du fait que les proportions assignées par la Genèse à l’arche de Noë sont celles-là mêmes que la tradition attribue au corps humain. Augustin déduit que l’arche est la figure (h ; l’homme par excellence, le Christ Jésus, auquel nous devons le salut comme Noé au vaisseau de bois. De civ. Dei, 1. W, c. xxi. n. 1, P. /… t. xi. i, col. 172 : cf. Marrou, op. cit., p. 418 sq.

b) Un traitement du texte biblique avec les ressources de la grammaire latine beaucoup plus qu’avec celles de l’histoire, de la connaissance des langues bibliques, hébreu et ^ree. et du milieu géographique, historique et culturel dans lequel les faits bibliques se sont déroulés et les récifs bibliques furent rédigés. D’OÙ un effort et une subtilité d’interprétation dépensés pour eles textes dont la connaissance de l’histoire aurait livré le sens exact, sans mystère. Exemple : l’interprétation, par saint Augustin. Enar. in ps. vin, n. 10, P. /… t. xxxvi, col. 113, de cet hébralsrhe : « Qu’est-ce que l’homme pour que lu le souviennes de lui. le fils de l’homme pour que tu en prennes soin ? »

2. Utilisation des (iris libéraux. Le Moyen Age reçoit des Pères, ci surtout de saint Augustin, l’idée

que les sciences on les arts profanes, les arts libéraux, appart lennent de droit au Christ et qu’il faut les rendre a leur vrai maître-en les faisant servir a une intelli

gence plus approfondie eles Écritures. Les anathèmes

du début contre h’savoir humain ne se sont pas gêné ralises et n’ont pas dure. Très tôt on a su. sans rien

abandonner du principe de la suffisance du christla

ni, me et elne aræ 1ère-absolument original et nouveau des faits ehreliens. leur annexer et leur subordonner les ressources élaborées par la raison païenne. On a fris le’il exploite en ce sens l’allégorie eles I IcbreUX

emportant les vases d’or et d’argent êtes Égyptiens,

T.

W — 12.