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    1. THÉODORE DE MOPSUESTE##


THÉODORE DE MOPSUESTE. LES CATÉCHÈSES

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Théodore a là-dessus fortement appuyé, non seulement dans la présente catéchèse, mais encore dans les deux homélies préparatoires au baptême.

En Jésus, la résurrection introduit un changement radical, pour ce qui est du corps, soustrait désormais à la corruption et à la mort, plus encore pour ce qui est de l’âme mise dorénavant à l’abri des luttes que Satan, en diverses circonstances, a pu déchaîner en elle. Parlant à des catéchumènes tout proches de la régénération baptismale, Théodore est naturellement entraîné à insister sur cette confirmation absolue et définitive dans le bien dont la résurrection de Jésus est le point de départ, de même que la résurrection des néophytes dans le baptême en sera, pour eux, le gage.

Ascension du Christ, prise de séance à la droite du Père, sont pareillement l’image et la promesse de ce qui nous arrivera à nous-mêmes, les régénérés. Quant au retour du Sauveur pour le jugement général, il donne occasion à l’orateur de s’exprimer une fois de plus sur les conséquences de l’union. Celui qui, sur les nuées, apparaîtra en gloire, c’est, à n’en pas douter, l’homo assumptus, étroitement uni au Verbe divin ; honneur sans pareil décerné au « temple » du Dieu-Verbe, à l’homme assumé pour notre salut. Et néanmoins, par un petit mot que l’on serait tenté d’oublier : iterum venturus est, le symbole invite à rapporter finalement tout ceci au Monogène qui habite le temple animé. Parce que les Pères de Nicée se référaient à la nature divine présente à l’homo assumptus, ils ont compté cette venue du Christ pour le jugement comme une seconde venue, la première étant celle du Monogène descendant en Vhomo assumptus (en l’appelant à l’être), la seconde s’effectuant dans et par Vhomo assumptus, à cause de l’ineffable union qui liait depuis sa conception cet homme à Dieu.

Cette présentation est, à coup sûr, plus heureuse que telle autre qui se lit dans le De incarnatione : « Après la résurrection et l’ascension, comme il s’était montré digne de l’union (pendant sa carrière terrestre) et comme il l’avait déjà reçue dans sa formation même, par l’acte de bienveillance du Souverain Seigneur, il nous donne dorénavant une parfaite démonstration de l’existence de cette union, n’y ayant plus en lui absolument aucune énergie qui soit séparée de celle du Verbe divin, car c’est ce même Verbe divin qui exécute tout chez lui à cause de son union avec lui. » L. VII, col. 977 C. Pour embrouillée et un peu inquiétante que soit la phrase, elle ne laisse pas d’être susceptible d’une interprétation orthodoxe. Elle exprime simplement cette idée que l’union du Verbe avec l’homo assumptus, réalisée dès le sein de la Vierge (èv aÙTfj tꝟ. 81a.TzXii.aei), n’empêchait, durant la carrière terrestre de Jésus, ni les souffrances physiques, ni les luttes morales, tandis que, dans son état de ressuscité, l’humanité du Sauveur ne connaît plus ces difficultés ni ces troubles. Il n’empêche que le développement est peu clair et laisserait l’impression d’un resserrement de l’ëvwcriç dans le nouvel état de l’homo assumptus. Ceci nous paraît, d’ailleurs, ne pas correspondre à la vraie pensée de Théodore.

6. La doctrine théologique de l’incarnation (hom. vin).

— Ayant terminé l’explication des articles du symbole relatifs à Jésus-Christ, le catéchiste, avant de passer aux derniers mots du Credo, s’attarde à donner un exposé plus didactique, plus technique aussi du mystère de l’incarnation. II semblerait même que l’on découvre, à l’arrière-plan, une préoccupation de défense contre des attaques qui lui auraient été adressées.

Qui donc est Jésus-Christ ? Il n’est ni Dieu exclusivement, ni homme seulement, il est l’Homme-Dieu, ou plus exactement le Dieu-homme : Deus assumens, hoino assumptus. Celui-là même qui était « en forme de Dieu » a pris « la forme de l’esclave ». Il s’agit donc

bien ici d’une apparition de Dieu lui-même en terre par assomption d’un homme et c’est de l’hypostase même du Verbe qu’il faut d’abord partir, c’est à elle que revient le rôle actif et principal.

Mais, ceci posé, il faut aussitôt marquer la différence de nature entre l’assumens et l’assumptus, l’un Dieu par nature, consubstantiel au Père, l’autre consubstantiel (le mot n’est pas prononcé, mais c’est bien l’idée) à ses ancêtres : à David, à Abraham dont il est vraiment le fils. Cf. Matth., i, 1 ; xxii, 42. Cette doctrine du double aspect de l’être de Jésus-Christ s’exprime de diverses manières et d’abord par le concept de l’inhabitation, fondé sur les mots du Christ dans Joa., ii, 19 sq. : Solvite templum hoc, où le Seigneur montrait suffisamment la différence entre lui-même, le constructeur du temple, et celui qui était destructible. Ajoutons, d’ailleurs, que cette inhabitation n’était pas transitoire, mais permanente ; elle a subsisté même pendant la passion et elle a permis la résurrection qui a rendu l’humanité parfaite. Le rapport entre les deux natures s’exprime aussi par les deux mots assumens et assumptus. Théodore avait trouvé l’expression dans Phil., ii, 7 : ii, opçY)v SoûXou Xaêcôv ; la retrouvant dans Heb., ii, 16. CT7TÉp[i.aTOç’A6paàp. È7uXapi.6dcv£Tai., il fait de toute la péricope Heb., ii, 5-18, un commentaire fort curieux : « Ce n’est pas aux anges, explique l’apôtre, que Dieu a soumis la terre entière, mais à ce fils de l’homme dont il est dit qu’il a été honoré de la visite de Dieu (cf. Ps., viii, 5-6)… Dieu, en effet, n’a pas assumé quelqu’un des anges, mais c’est bien un descendant d’Abraham qu’il a assumé. Cet assumptus nous le voyons d’abord mis à un degré inférieur aux anges (Ps., viii, 7), passible et mortel, mais, après cela et à cause de cela, couronné de gloire et d’honneur, devenu maître et seigneur de toute la création (Ps., ibid.). » Et, pour nous enseigner comment il a pu souffrir, Paul ajoute : « Ainsi donc nous voyons Jésus couronné à cause de sa passion, car, sans Dieu, il a goûté la mort pour tous. » [Au lieu du texte reçu : ôtooç xâpiTt 0eoù ûrcèp toxvtÔç yeûa^Tai Oocvoctou, Théodore lit : X&piç yàp 0soG ÛTrèp toxvtôç èyeùaaTO OocvoctouJ. En quoi Paul montre bien que la nature divine voulait qu’il goûtât la mort pour tous, mais montre aussi que sa divinité était séparée de celui qui souffrait (allusion vraisemblable aux mots Deus meus ut quid dereliquisti me, prononcés par le Sauveur sur la croix), parce qu’il lui était impossible de goûter la mort si la divinité ne s’était pas soigneusement éloignée de lui, mais en demeurant toutefois assez proche pour faire le nécessaire à l’endroit de la nature assumée par elle. Au fait la divinité ne fut pas soumise à l’épreuve, mais elle était près de lui et faisait pour lui les choses qui convenaient à sa nature à elle, qui est la puissance créatrice, elle le conduisait à la perfection par la souffrance et se préparait à le faire pour toujours immorte), impassible, incorruptible. (Le Ve concile a cité cette phrase, sess. iv, n. 37, cf. P. G., col. 1013, mais en supprimant la finale, qui seule permet un sens acceptable).

Ayant ainsi établi l’existence des deux natures, Théodore consacre le reste de son exposé à l’ineffable union qui s’est faite de l’une avec l’autre, en cherchant dans les Livres saints divers passages où les attributs d’une des natures sont référés à l’autre, en d’autres termes les passages où s’affirme ce que nous appelons la communication des idiomes. Et de citer les textes suivants : « Les Juifs, de qui est, selon la chair, le Christ qui est Dieu béni par dessus tout. » Rom., ix, 5, où l’on voit qu’au Christ selon la chair (disons à la nature humaine) est attribuée une propriété de la nature divine. Et encore : « Quand vous verrez le Fils de l’homme monter où il était d’abord. » Joa., vi, 62 ; cf. Joa., iii, 13. En ces deux textes il semblerait être question de l’homo assumptus (du Mis de l’homme),