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THÉODORE DE MOPSUESTE. HERMÉNEUTIQUE


verba delictorum meorum, on est forcé de reconnaître que ce ne peut être le Christ qui parle en cet endroit. A quel moment la prière cesse-t-elle d’être la supplication d’un pécheur pour devenir celle de la toute pureté ? Bien habile qui le dirait ! Ce « changement de personnes » est inconcevable : èvaXXayr) Se 7rpoaa>7ra>v êa-ri. jjisv xaxà t6 àCktfikç, èv toïç <j ; ocX(i.oTç oùSefxîa. Devreesse, p. 280, I. 9 (toute la suite est à lire) ; cf. aussi l’argument du ps. lxxi : Deus judicium tuum régi da, ibid., p. 469 sq. Comment interpréter, dans ce dernier, « telle partie de Salomon, telle autre du Christ, comment passer de celui-ci à celui-là et inversement, expliquer le psaume comme s’il y était question de deux frères plus ou moins également partagés ? La cause de cet abus, c’est le fait, pour les exégètes, de s’appliquer servilement aux mots et de ne point saisir l’ensemble. » Il suffît de généraliser ces mots de Théodore pour comprendre son attitude à l’égard des divers textes prophétiques qu’il a expliqués. Les « arguments » mis en tête de chacun des petits prophètes confirmeraient à coup sûr cette règle. Appliquée à des textes de médiocre longueur, elle est certainement sage, quoi qu’il en soit de telles ou telles applications qui en ont été faites. Elle revient à dire : la première chose quand il s’agit d’expliquer un morceau scripturaire, c’est d’en saisir l’idée directrice et d’ordonner tous les détails de l’exégèse en fonction de celle-ci.

Il va sans dire que l’exégèse des textes proprement historiques ou d’ordre didactique ne se heurte à aucune difficulté sérieuse. En l’absence de commentaires complets, il est malaisé de dire comment a procédé Théodore en semblable occurrence.

3. Le sens typique.

Mais, si l’essentiel pour un commentateur est de s’assurer avant tout de l’intention de l’écrivain sacré, de se refuser à accepter une signification secondaire et plus subtile quand les mots peuvent porter un sens littéral, l’interprète de l’Écriture ne laisse pas d’avoir, quand il s’agit de l’Ancien Testament, une autre obligation. Aussi bien doit-il se convaincre que le recueil sacré n’a pas en lui-même sa fin ; il ne prend toute sa signification qu’en fonction de la Nouvelle Alliance qu’il est destiné à préparer. Théodore est plus convaincu que personne de cette vérité. Le principe que l’histoire juive — et donc aussi les livres qui la racontent — est ordonnée à la préparation du Christ est pour lui au-dessus de toute contestation. Il a écrit son commentaire des petits prophètes pour s’élever contre la méthode allégorique et c’est pourtant dans les « arguments » de chacun des prophètes qu’on trouve le plus clairement indiquée l’existence d’un sens typique. Voir en particulier l’argument de Jonas, P. G., t. lxvi, col. 317 sq. : Dieu, auteur de l’Ancien et du Nouveau Testament, fait servir l’un et l’autre à l’édification du genre humain ; ainsi les faits de l’Ancienne Alliance se trouvent-ils être les types, les représentations anticipées des réalités de la Nouvelle, s/ovTa fzév riva ii[ir)<7.M 7rpôç Taùxa. Sans doute les livres sacrés apportent-ils quelque utilité aux contemporains, mais leur signification prophétique est bien supérieure à leur utilité présente. Les événements qui accompagnaient la sortie d’Egypte, par exemple, et qui sont rapportés dans l’Exode n’étaient pas sans quelque utilité pour les Hébreux, mais surtout ils figuraient à l’avance, wç èv tutoiç, la délivrance de la mort et du péché que le Christ est venu nous apporter. C’est bien ce qu’enseigne Paul : « Tout cela, dit-il, arrivait aux Hébreux en figure. » Et c’est non moins vrai des institutions qui leur furent données : sans doute elles n’étaient pas sans apporter quelque avantage à ceux qui en usaient, mais surtout elles signifiaient les très grands biens que nous avons reçus par Jésus-Christ. Tout cela est dit pour introduire le commentaire de Jonas, ce prophète dont l’histoire même préfigurait

celle de notre Sauveur. Voir encore In Joël., ii, 28-32, ibid., col. 232-233. Dès le commentaire sur le Psautier, Théodore avait donné un premier crayon de cette doctrine. Voir par exemple ce qui est dit du psaume xv, Conserva me Domine et de son application à Notre-Seigneur. Devreesse, op. cit., p. 99 sq.

Ainsi donc l’ensemble de l’histoire d’Israël se trouve être une préfiguration de l’économie nouvelle ; nombre de ses détails — mais non pas tous — expriment à l’avance, selon la préordioation divine, des événements qui se sont accomplis lors de la manifestation de Dieu parmi les hommes. Ne disons pas, pour autant, qu’il s’agisse là de prophéties au sens propre. Dans la prophétie l’événement futur est annoncé par les mots eux-mêmes, par le texte en provenance de l’écrivain inspiré. Dans le type l’événement est annoncé par les faits, par les personnes que racontent ou que décrivent les textes. Soit, par exemple, le ꝟ. 3 du psaume vin : Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem. Nous avons ici une prophétie au sens propre du mot. David entend, un millénaire à l’avance, l’Hosannah des enfants acclamant le Christ à son entrée au temple ; cf. Matth., xxi, 16. Au contraire, l’aventure de Jonas et du poisson est une figure, une anticipation dans les événements de ce qui devait arriver à Notre-Seigneur enseveli et ressuscité ; cf. Matth., xii, 38-42.

Mais de ce fait qu’il existe dans l’Ancien Testament des « types » d’événements du Nouveau, il découle une conséquence importante : les expressions employées pour décrire les premiers pourront être appliquées par les écrivains du Nouveau Testament à décrire les seconds. Joël prédit, par exemple, ii, 28-32, une effusion, sur Israël restauré, de la vertu divine ; il s’agit là de ce qui doit arriver après le retour de la captivité, c’est l’annonce prophétique de réalités qui se sont accomplies dans l’histoire juive. Mais cette effusion de grâces est le « type », la figure anticipée, d’une autre effusion qui se passera au jour de la Pentecôte. Pierre, dès lors, parlant aux Juifs ce jour-là, avait bien le droit de se servir des paroles de Joël pour parler de la descente du Saint-Esprit, qui réalisait, bien mieux que n’avait pu le prévoir le prophète, l’abondante effusion des dons divins. Act., ii, 16-21. En d’autres termes, Joël n’a pas prédit la Pentecôte mais un événement beaucoup plus rapproché de lui ; Pierre, de son côté, faisait au miracle de l’effusion de l’Esprit une application exacte des paroles de Joël. Dans leur magnificence, celles-ci dépassaient de beaucoup le fait entrevu et signalé par le prophète, elles n’avaient que dans le miracle de la Pentecôte leur signification complète. Voir tout ce développement qui est capital dans P. G., t. lxvi, col. 229 sq. Cf. dans Michée, l’explication de v, 1 sq. : Et tu Bethléem., ibid., col. 372 : la prophétie de Michée s’applique directement à Zorobabel, mais, comme celui-ci est une figure du Christ, elle trouve sa pleine réalisation dans la naissance de Jésus à Bethléem. Dans le commentaire des petits prophètes cette théorie est clairement exprimée, mais elle figure déjà dans l’explication du psautier, voir par exemple l’exégèse du ps. xv, Conserva me, et du ps. xxi, Deus, Deus meus, respice in me.

Il fallait insister sur ce point, car on a parlé, à propos de cette utilisation par les auteurs du Nouveau Testament de textes empruntés à l’Ancien, de « sens accomodatice ». Il est bien vrai que Théodore signale à maintes reprises l’utilisation par des personnages du Nouveau Testament de textes empruntés à l’Ancien, parce que ces textes s’adaptent, plus ou moins exactement, à leur situation ; voir Devreesse, op. cit., table au mot accommodatus sensus. Mais, dans l’application à la Pentecôte de la prophétie de Joël et dans tous les exemples analogues, la pensée de l’Exégète est tout à fait claire : le fait arrivé dans l’économie nouvelle jus-