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THÉANDRIQUE (OPÉRATION ;


2. Le VIe concile œcuménique (681). — Ce concile n’ajoute rien à la doctrine rappelée par Agathon. Après avoir rappelé en Jésus l’existence de deux volontés non contraires, il conclut à l’existence de deux opérations, l’humaine et la divine, unies dans le même sujet, mais inséparables et sans confusion possible de l’une avec l’autre. C’est la paraphrase de l’assertion de saint Léon : agit utraque forma cum alterius communione quod proprium est, Verbo scilicel opérante quod Verbi est, et carne exequenle quod carnis est. Et, un peu plus loin, il se réfère à Cyrille d’Alexandrie pour affirmer l’unité du sujet auquel, indivisément mais inconfusément, se trouvent rapportées les deux natures et les deux opérations. Une dernière indication est néanmoins ajoutée : c’est dans cette inconfusion et cette distinction des natures et opérations que l’on saisit comment la double opération du Christ a pu concourir à notre salut. Denz.-Bannw., n. 292. L’opération théandrique n’est pas nommée ; mais l’idée qu’on s’en faisait est à la base de toute cette profession de foi.

Doctrines théologiques.

Les théologiens se sont

emparés de ces données dogmatiques et, dans leurs commentaires à la Somme théologique, III », q. xix, a. 1, apportent leurs dernières précisions à la doctrine de l’opération théandrique.

1. Saint Thomas.

Il est utile de voir ce que saint Thomas lui-même a pensé de l’action théandrique. La formule dyonisienne est apportée par lui en objection, pour démontrer qu’il ne peut y avoir en Jésus-Christ qu’une seule opération. Et voici son interprétation :

Denis admet dans le Christ une opération théandrique, c’est-à-dire divino-humaine, non par la confusion des opérations ou des vertus de l’une et de l’autre nature, mais parce que son opération divine se sert de l’opération humaine et que son opération humaine participe à la vertu de l’opération divine. D’où, comme il le dit lui-même dans la lettre à Caîus, dans l’homme le Verbe opérait ce qui est de l’homme : ainsi la Vierge le conçut surnaturellement et l’eau fugitive se solidifia sous ses pieds. Il est évident qu’il appartient a la nature humaine d’être conçue, comme la marche est une opération de l’homme ; mais, dans le Christ, ces deux choses ont existe sut liât urellement. De même encore, la vertu divine opérait humainement, comme quand

elle guérit le lépreux en le touchant. Aussi Denis ajoute-t-il, dans l.i même lettre : Ne faisant pas les choses divines comme i lieu, mais en tanl que Dieu fait homme, il accomplissait ainsi des choses nouvelles par l’opération conjointe de Dieu et île l’homme, i II est prouvé que Denis a compris qu’il avail deux opérations dans le Christ, l’une relevant de la nai ae divine et l’autre de la nature lui mai ne, car dans le De diuinis nominibus, e. ii, il dit que, pour ce qui appartient a l’opération humaine du Christ, le Père et l’Esprlt Saint n " > uni aniline pal I, a moins qu’on ne l’explique en

disant que le l’en-et l’l’.spi i I -Sain t ont voulu dans leur

miséricorde que le Christ fit et souffrît ce qu’effectivement

il a fait et souffert en tanl qu’homme. Et le même Denis ajoute que le l’ère et le Saint-Esprit prennent part à l’opération sublime et ineffable que le Verbe de Dieu, même son incarnation, a accomplie en tant que Dieu immuable, il est donc évident que l’opération humaine, dans

laquelle le l’ère et le Saint-Esprit n’ont d’autre part que

leur acceptation miséricordieuse, est autre « pie l’opération

iplle par le (.hrist, en tant que Verbe de Dieu, et qui

lui est commune avec le Père et le Saint-Esprit, Loc rit., ad 1 « ".

I’corps de l’article contient un excellent exposé

théologique de la question de l’opération théandrique.

ans du monénergisme n’admettant dans le’qu’un seul vouloir sont logiques avec eux-mc ii ne lui reconnaissant également qu’une seule

ilion. Kl saint Thomas indique Immédiatement le

point défectueux du raisonnement par lequel les

veulent justifier leur erreur. Dans un même

irultés sont subordonnées les unes aux

., disent ils. les actions et mouvements des puis

sances inférieures sont dirigées par les puissances supérieures ; elles sont plutôt operala qu’operationes. Ainsi, « dans l’homme, se promener, qui est l’action des pieds, palper, qui est l’action des mains, sont des œuvres de l’homme, dont l’âme opère l’une par le moyen des pieds, l’autre, par le moyen des mains. Mais, du côté du sujet qui opère et qui est unique, Vopération est une et sans différenciation possible ; toute la différenciation se trouve du côté des choses opérées ». Appliquant ce principe au Verbe incarné, dont la nature humaine était régie et réglée par la nature divine, les hérétiques disaient que « l’opération demeurait la même de la part de la divinité qui opère, quoique les choses opérées fussent diverses, en tant que la divinité du Christ agissait, soit par elle-même, portant toutes choses par la puissance de sa parole, soit par l’humanité, par exemple en marchant corporellement ». FA saint Thomas de rappeler ici les paroles de Sévère, récitées au VIe concile général, dans la xe session.

L’erreur des adversaires consiste en ce qu’ils veulent ignorer que, même les principes d’action subordonnés à des agents supérieurs conservent sous cette impulsion la forme propre selon laquelle ils ont leur propre opération. C’est ainsi que l’instrument, entendu au sens le plus strict du mot, possède une double opération : celle qui répond à sa forme propre, celle qui répond à la forme de l’agent supérieur qui l’anime et qu’on appelle pour ce motif opération instrumentale. Et saint Thomas de rappeler l’exemple classique de la hache, dont l’opération propre est de couper et qui, mue instrumentalement, fait des meubles. Ainsi, « partout où le moteur et l’objet mû ont des formes ou des vertus opératives différentes, il faut que l’opération de celui qui meut soit autre que l’opération propre de celui qui est mis en mouvement. Et cependant celui qui est mû participe à l’opération de celui qui le meut et celui qui meut se sert de l’opération propre de son instrument : il y a ainsi de l’un à l’autre une communication réciproque. De même, dans le Christ, la nature humaine a sa forme et sa vertu propre par laquelle elle opère, et il en est de même de la nature divine. Donc, la nature, humaine a une opération propre distincte de l’opération divine et réciproquement. Mais la nature divine se sert de l’opération humaine, comme d’une opération instrumentale, et la nature humaine participe à l’opération de la nature divine, comme l’instrument participe a l’opération de l’agent principal. C’est ce que dit le pape sain I Léon dans l’épîlre à Flavien : « l’une et l’autre forme, c’est-à-dire la nature divine aussi bien que la nature humaine, fail ce qui lui est propre en communication avec l’autre, le Verbe Opérant ce qui est du Verbe et la chair exécutant ce qui est de la chair. » S’il n’y avait qu’une seule opération de la divinité el de l’humanité dans le Christ, il faudrait dire ou bien que la nature humaine n’a jias de forme et de vertu propre (car il est Impos sible de le dire de la nature divine), d’où il suivrait qu’il n’y aurait dans le Christ que l’opération divine, ou bien il faudrait dire que la vertu divine et la vertu humaine sont fusionnées dans le Christ en une seule vertu. Deux hypothèses pareillement impossibles, lin ai cept an1 la première, on ne met dans le Christ qu’une nature imparfaite ; par la seconde, on confond les deux natures. Art. 1, corpus.

Pour bien Comprendre toute la pensée de saint I homas, il ne faut pas s’en tenir à l’art. 1. Au fond, l’importance du débat sur L’opération théandrique est

qu’il faut, avant loul. sauvegarder dans le mystère de l’I loin me Dieu, non seiilement l’inlégril é de la nature humaine et de toutes ses propriétés, tuais encore la

possibilité d’un mérite rédempteur, si toute opération devait èire rapportée a l’unique nature divine, la possibilité du mérite serait sans fondement. La question