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3135 SYRO-MALABARE (ÉGLISE). RAPPORTS AVEC LA MÉSOPOTAMIE 3136

le catholicos nestorien Siméon, rentrait au Malabar, mais au moment où la conclusion d’un nouveau concordat entre le Portugal et le Saint-Siège venait de mettre fin au schisme goanais : il perdait par le fait même l’appui de ceux qui l’avaient poussé dans la voie de la désobéissance. Après avoir végété au milieu d’un petit groupe de récalcitrants, il finit par demander, au début de 18C5, l’absolution des censures qu’il avait encourues et se retira, vivant comme un simple prêtre, au couvent de Mannanam.

On aurait pu croire que l'ère des interventions mésopotamiennes était terminée. En fait, il n’y eut qu’une trêve. Le patriarche Audo, invité à se rendre à Rome avec tous les évêques du monde, pour le concile du Vatican, se mit en route, bien décidé à revendiquer tous les privilèges anciens de son patriarcat, y compris la juridiction sur le Malabar. Le refus qui lui fut opposé, contribua sans doute à le pousser sur la question de l’infaillibilité pontificale du côté de la minorité, où l’on était flatté d’avoir l’adhésion d’un patriarche. Joseph Audo souscrivit le 29 juillet 1872 seulement la définition, en protestant d’ailleurs, auprès des siens, qu’il entendait bien, par cet acte tardif, ne renoncer en rien à la revendication des prérogatives patriarcales. Lorsqu’il se soumettait ainsi, de mauvaise grâce, il avait déjà d’une manière subreptice préparé les agents d’une nouvelle action au Malabar. On croira d’ailleurs difficilement qu’Audo n’ait eu en vue que le rétablissement d’une tradition historique ou le bien des âmes ; il semble bien que la question pécuniaire ait joué un rôle capital dans toute l’affaire du Malabar, soit chez le patriarche, soit chez ses conseillers, l’astucieux évêque Mar Élie Mellus et le supérieur des moines d’Alkoche, Elisée Dehok. Les chaldéens de Mésopotamie n'étaient guère que 35 000 et la plupart d’entre eux vivaient dans les montagnes désolées du Kurdistan ; qu'était-ce donc que les dîmes versées par eux en comparaison de ce qu’aurait pu procurer en contributions ou en dons une communauté près de dix fois plus nombreuse ? La rentrée au Malabar se fit d’ailleurs par l’envoi de deux quêteurs, moines d’Alkoche, dont un, le P. Philippe Aziz, était ancien élève du Collège urbain. Les chaldéens n’avaient pas oublié les bonnes relations des années précédentes avec le clergé goanais, et c’est un presbytère goanais de Trichur qui servait de quartier général à Philippe Aziz.

Comme avant l’affaire Rokos, il y eut alors entre le Malabar et la Mésopotamie un notable échange de lettres. Mossoul en dictait les termes, les moines quêteurs recueillaient les signatures. Dès qu’un certain nombre de pétitions furent entre ses mains, au printemps de 1873, le patriarche écrivit deux lettres à la Propagande pour lui demander de pouvoir consacrer un ou deux évêques à destination du Malabar ; en même temps, il insistait pour que les quêtes fussent autorisées en Europe. La réponse fut négative sur les deux points : le 30 septembre 1873, la S. Congrégation déclara catégoriquement qu’il était inutile de revenir sur la question du Malabar. Lorsque cette lettre arriva en Mésopotamie, où il n’y avait plus de délégué apostolique depuis la mort de Mgr Castells survenue le 7 septembre, le patriarche s'était retiré au monastère d’Alkoche, où il se sentait plus libre, soustrait a l’influence ou au contrôle des missionnaires dominicains. Il se résigna pour un temps à ne rien faire contre la volonté de Rome ; mais, lorsqu’il eut appris, au printemps suivant, que les efforts conjugués du SaintSiège et de l’ambassade de France à Constantinople n’avaient pas réussi à empêcher la Sublime Porte de se déclarer en faveur du nouveau schisme arménien, il déposa le masque. Élie Mellus, mécontent du diocèse d’Aqra, pour lequel il avait été consacré, mais dont il ne jugeait pas les revenus suffisants, et le supérieur des

moines l’encouragèrent dans sa détermination. Ils furent ses assistants dans une cérémonie où il consacra, à l’insu de Rome, le 24 mai 1874, deux nouveaux évêques. Mellus recevait comme récompense de cette complaisance la mission du Malabar : le 2 juillet, le patriarche lui remettait une lettre pour les chrétiens du Malabar et, le 4, une lettre pour le consul anglais de Bagdad, qui devait le recommander aux autorités britanniques des Indes. Dans les mêmes jours, le moine Aziz écrivait au vicaire apostolique de Vérapoly que, s’il voulait éviter la venue d’un évêque mésopotamien, il devait lui restituer immédiatement l’autorisation de circuler parmi les chrétientés de son obédience et lui permettre de quêter.

Au mois d’octobre, peut-être auparavant, Mar Mellus était installé à Trichur. Mais il avait été précédé aux Indes par les instructions de Rome. Pie IX avait toujours usé envers le patriarche Audo d’une extrême condescendance ; le soutien donné au néo-schisme arménien par le gouvernement ottoman conseillait d’ailleurs qu’on usât de prudence, car, dans l’hypothèse d’une dissidence, on savait que les fonctionnaires la favoriseraient, circonstance particulièrement dangereuse dans des vilayets comme ceux de Mossoul et de Bagdad, où l'éloignement du pouvoir central rendait possible les actes les plus arbitraires. Il y avait donc de graves motifs pour empêcher qu’une condamnation formelle fût portée contre le patriarche ; mais le bref Speculalores super du 1 er août 1874, De Martinis Jus pontif. de prop. ftde, t. vi b, p. 2 13-247, prescrivait que l'évêque intrus et ses compagnons, déjà punis de suspense en Mésopotamie, seraient frappés de l’excommunication majeure, après les monitions canoniques, s’ils se refusaient à quitter les Indes.

Dans ses lettres des 2 et 4 juillet 1874, le patriarche avait indiqué comme but de la mission de Mar Mellus la suppression de la juridiction des carmes ; dans une circulaire envoyée de Trichur, le 30 octobre, à toutes les chrétientés syro-malabares, Mellus recommandait l’obéissance au patriarche à l’exclusion de la hiérarchie latine et s’engageait à produire un document par lequel Pie IX reconnaissait l’autorité du patriarche chaldéen sur le Malabar. En fait, une nouvelle circulaire du 7 février 1875 présentait la traduction en malayalam d’un soi-disant bref, daté du 20 août 1872. Les adhésions pourtant étaient peu nombreuses, ayant lieu surtout dans les chrétientés demeurées sous la juridiction goanaise. Au besoin, Aziz employait la force pour s’emparer des églises. Dans l’ensemble, les chrétiens soumis à la juridiction de Vérapoly restaient fidèles ; toutefois, dans l'été, quatre communautés passèrent plus ou moins complètement au schisme. D’autre part, il n’y avait guère d’endroits où la dissidence fût complète ; à Trichur même, les catholiques avaient une chapelle, desservie par les tertiaires. Le grand mal était que Mellus ordonnait abusivement un grand nombre de prêtres : au mois de mars il y en avait déjà une vingtaine dans le nord, en juin une trentaine dans le sud. Ses espoirs de succès étaient tels que, dès janvier 1875. il avait demandé au patriarche de consacrer un deuxième évêque pour le Malabar : ce fut Mar Philippe Jacques Ourâhâ (Abraham), consacré le 25 juillet ; excommunié par Mgr Mellano dès le mois de décembre. Ce qui facilitait beaucoup l’action des Mésopotamiens, c'était la dualité de juridiction que l’accord intervenu pour mettre fin au schisme goanais n’avait pas supprimée. Une partie des « syriens » était restée sous la dépendance de l’archevêché de Cranganore, qu’administrait un « gouverneur épiscopal », alors Benoît do Rosario Gomes, et il semble qu’il n’agit pas assez vigoureusement contre Mellus. Le clergé portugais n’avait pas abandonné tout espoir de voir rentrer sous sa juridiction cette chrétienté impor-