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3131 SYRO-MALABARE (ÉGLISE). RAPPORTS AVEC LA MÉSOPOTAMIE [3132

hiérarchie ; le monopole jurisdictionnel de l’archevêque de Goa, institué par le Saint-Siège pour le rit romain et abusivement étendu au rit local, avec l’appui des autorités civiles, en arriva même à vouloir rendre impossible le ministère de prélats mésopotamiens fermement attachés au siège de Pierre et pourvus d’une mission régulière de Rome, tels que Mar Joseph. Mais on ne change pas facilement les habitudes d’une population, surtout en matière religieuse, aussi ne faut-il pas s’étonner qu’à chaque arrivée de Mésopotamie d’un évêque, authentique ou non, catholique, nestorien, ou même jacobite, les chrétiens de Saint-Thomas aient frémi. On en a vu plusieurs exemples, dont le plus tragique fut celui des troubles conséquents à l’apparition du moine Athallah, se présentant faussement comme patriarche désigné par Rome. Ci-dessous, col. 31 44 sq., on verra le succès du prélat jacobite, qui réussit à faire changer de doctrine théologique, ou au moins d’étiquette — monophysite au lieu de nestorien — les dissidents du parti de Thomas de Campo, ainsi que les entreprises de plusieurs autres personnages, qui, en se présentant au nom du patriarche, réussirent à ébranler la hiérarchie locale. Nous avons à parler ici de deux aventures plus étonnantes encore, celles des évêques chaldéens catholiques, Mar Rokos et Mar Élie Mellus, tentant de replacer les syro-malabares, malgré Rome, sous la juridiction du patriarche de Babylone.

Avant leur temps, il était arrivé déjà aux syromalabares de penser à la Mésopotamie pour tenir en échec les missionnaires latins. Lorsqu’en 1787 ils décidèrent d’envoyer une pétition pour obtenir comme archevêque Thomas Pareamakel, pour lors administrateur de l’archevêché latin de Granganore, la lettre préliminaire, qui circula dans les chrétientés, envisageait qu’ils auraient recours au patriarche chaldéen Joseph IV, si la reine de Portugal refusait de nommer leur candidat. De fait, après que la Propagande eut fait la sourde oreille à leurs exposés, ils écrivirent une lettre, que reçut Jean Hormez, archevêque de Mossoul, récemment converti du nestorianisme et administrateur par intérim du catholicosat, tandis que Joseph IV était à Rome. Après avoir attendu pendant seize mois des instructions, qu’il avait immédiatement sollicitées du Saint-Siège, Hormez crut bien faire en sacrant pour le Malabar, qu’on lui représentait comme gravement troublé, un moine nommé Pandari. Cet acte ne plut pas à Rome, mais, lorsqu’on y apprit qu’Hormez avait agi en toute bonne foi, on était si disposé à un accommodement que la congrégation plénière du 27 septembre 1801 décida l’envoi au Malabar d’un ancien élève du Collège urbain, Mar Jean Guriel, évêque de Salmas. Cette décision fut approuvée par le pape le 8 novembre suivant, mais la S. Congrégation hésita sur la formule qu’on avait envisagée d’abord et au lieu de qualifier Guriel « visiteur au nom de l’administrateur du patriarcat chaldéen », on en fit, dans le décret du 28 août 1802, un visiteur apostolique ad beneplacilum sanctse Sedis. Déjà les missionnaires carmes avaient été invités à collaborer sincèrement avec Mar Guriel pour la pacification des chrétientés « syriennes », mais la visite, on ne sait pour quelles raisons, n’eut pas lieu.

Cette intervention manquée de la Mésopotamie dans les affaires du Malabar produisit sans doute dans les deux pays un peu de désillusion ; mais la Propagande n’arrivait pas à se débarrasser de certaines suspicions qui pesaient sur Jean Hormez, suspicions entretenues par les dénonciations du parti qui lui était opposé. On comprend dès lors qu’elle ait hésité à se servir pour pacifier le Malabar de prélats appartenant à une Église, qui était elle-même en état de crise. C’est pourquoi, lorsqu’en 1830 l’administrateur du vicariat

apostolique du Malabar, Maurilio Stabellini, demanda un prêtre qualifié pour reviser la liturgie syro-malabare, c’est au patriarche des syriens catholiques, Michel Giarweh, que la S. Congrégation s’adressa d’abord. Il est vrai que, le 2 janvier 1831, elle écrivit aussi en Mésopotamie, mais ce fut à l’archevêque latin de Bagdad que la lettre fut envoyée ; manifestement la Propagande ne voulait rien faire qui parût reconnaître une juridiction quelconque du patriarche chaldéen sur les syro-malabares.

Grande fut la surprise quand on reçut à Rome, en 1850, une lettre du nouveau patriarche chaldéen, Joseph VI Audo, en date du 24 décembre 1849, qui transmettait deux pétitions reçues par l’intermédiaire de l’évêque jacobite de Cochin, à l’effet d’obtenir pour le Malabar un évêque choisi dans le clergé mésopotamien. L’initiative, comme on le sut par le vicaire apostolique, Louis de Sainte-Thérèse, provenait d’éléments « syriens », qui refusaient de se soumettre au bref Multa prseclare et avaient adhéré au schisme goanais, se laissant conduire par l’administrateur ou « gouverneur épiscopal » schismatique des diocèses de Cranganore et Cochin, Manuel de Saint-Joachim das Neves. C. de Nazareth, Milras lusiianas no Oriente, t. ii, 2e éd., 1924, p. 58, 119-129. Ce groupe minuscule paraissait d’autant plus important qu’aux signatures authentiques en avait été ajouté un bon nombre de fausses. Envoyées à Rome, ces lettres n’eurent pas de suite immédiate, mais, le 28 janvier 1852, les syro-malabares revenaient à la charge : ils demandaient au patriarche un métropolite et deux maîtres (malpàn) pour leur enseigner le syriaque, ou au moins les deux maîtres, si le pape empêchait l’envoi du prélat. Ils se plaignaient de ce que les prêtres signataires de la première pétition avaient été suspendus par le vicaire apostolique ; ils menaçaient de se faire jacobites et donnaient comme adresse pour la réponse celle de trois prêtres ou dignitaires de cette secte. Trente-neuf prêtres avaient signé, mais de leur prénom seulement ; c’était peu sur un total de 648 prêtres et diacres !

Certes les défauts signalés comme existant au Malabar n’étaient que trop réels : chrétientés laissées sans instruction, cassanares peu zélés, grand relâchement des mœurs, missionnaires carmes trop peu nombreux, souvent médiocres. Mais à quoi aurait-il servi pour le bien des âmes que le Malabar passât sous la juridiction du patriarche chaldéen, quand celui-ci n’avait guère non plus de bons prêtres et aucun candidat recommandable pour l’épiscopat ? Pendant que la S. Congrégation étudiait la situation et cherchait les moyens d’y remédier, une pétition directe lai était adressée, le 1 er juin 1853, signée par trente prêtres, qui contenait plusieurs considérations justes, celle par exemple sur l’absence d’un évêque du rit syro-malabare pour plus de 200 000 fidèles, alors que pour un petit nombre de latins il y avait trois vicaires apostoliques dans la région, Vérapoly, Quilon et Mangalore, celle encore qui signalait l’ignorance de leur langue liturgique chez les prélats qui les gouvernaient. Au moment où cette pétition partait pour Rome, depuis six mois au moins, l’intervention mésopotamienne était déclenchée : le prêtre Denhâ Bar-Yonâ circulait dans les chrétientés et faisait prendre corps au désir d’avoir un supérieur du rit, de préférence un mésopotamien. Bar-Yonâ avait trouvé sur place deux auxiliaires convaincus dans la personne de deux cassanares et malpân, tous deux. nommés Antoine et que les documents provenant de la mission latine appellent respectivement « Antoine le fondateur » et Antoine Thondanatta. Les suppliques du premier disaient qu’il faudrait tout au moins que Rome nommât un visiteur sachant le syriaque ; ce à quoi le patriarche Joseph VI Audo faisait