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SYRO-MALABARE (ÉGLISE). GOUVERNEMENT DES CARMES


ce port, après leur révolte contre l’Espagne en 1581, avaient résolu de supplanter les Portugais à la source de ce trafic, comme ces derniers en avaient éliminé la combinaison arabo-vénitienne. Et, tout comme les Portugais à la fin du xv c siècle, les Hollandais aspiraient, non à se faire une place quelconque, mais à s’assurer un monopole ; il ne leur suffisait pas d’avoir conquis Ceylan, centre des tractations entre producteurs et transporteurs, ils voulaient encore le Malabar. Or, Sebastiani connaissait les dispositions anticatholiques des Hollandais ; il pensa donc que l’archidiacre serait tenté de leur faire des avances. Aussi n’hésita-t-il pas à enfreindre une de ses instructions : il passa de Sourate à Goa, afin d’y faire admettre sa qualité de délégué apostolique pour le Malabar. Pour ne pas effaroucher les autorités, il eut bien soin de ne révéler à personne qu’il avait été consacré évêque ; mais, lorsqu’il débarqua à Cochin le 14 mai 1661, détenteur de recommandations adéquates des autorités civiles et des inquisiteurs goanais, il se présenta dans sa nouvelle dignité. Le chapitre et le gouverneur, férus des privilèges du padroado, n'étaient pas disposés à recevoir un évêque venant d’ailleurs que de Lisbonne, mais, après quelques jours, Sebastiani, qui s'était installé au palais archiépiscopal sis en dehors de la ville, avait gagné la bataille. De suite, il s’occupa de l’archidiacre : les progrès militaires des Hollandais rendaient chaque jour plus désirable la suppression du schisme. Les Portugais le comprenaient et favorisèrent son action : beaucoup de communautés se rallièrent, celles qui étaient déjà unies se fortifièrent, mais Thomas de Campo, échappant à toutes les tentatives des autorités civiles qui voulaient s’assurer de sa personne, se réfugia dans la montagne et y maintint son influence. Werth, p. 151-163.

Cochin cependant était tombée entre les mains des Hollandais, après une courte défense, le 6 janvier 1663, et, bien qu’il eût fait valoir son rôle purement religieux auprès du général Rickloff, qui commandait les troupes néerlandaises, Sebastiani se vit intimer l’ordre de quitter immédiatement le Malabar. Ayant obtenu un répit de dix jours, il convoqua à Gaturte un synode auquel il appela tous les prêtres en communion avec Rome, invitant aussi les laïcs à intervenir en nombre. Il leur exposa la situation, leur dit qu’il avait le pouvoir de leur donner un évêque pour les gouverner. Les membres du synode furent unanimes pour proposer un cousin de l’archidiacre, curé de Corolongate, Alexandre de Campo (Parambil Ciandi), qui était également le candidat de Sebastiani. Le 1 er février 1663, le nouvel évêque fut consacré après avoir juré de recevoir quiconque viendrait au nom du pape et de ne jamais donner la consécration épiscopale à son cousin Thomas, à moins d’un ordre formel de Rome. Après avoir donné au nouveau prélat un conseil de cinq membres, choisis parmi les plus dignes du clergé, Sebastiani fulmina solennellement l’excommunication majeure contre l’archidiacre rebelle et partit pour Cochin le 4 février. Reçu avec honneur par le général Rickloff, Sebastiani lui recommanda les chrétiens indigènes et leur nouvel évêque, insistant en même temps pour que l’archidiacre ne fût pas reconnu par les autorités néerlandaises. Rickloff riposta qu’il n’avait aucune estime pour Thomas de Campo, que ses soldats appelaient non pas l’archidiacre mais l’archidiablc, et, en fait, tandis qu’il recevait volontiers le nouvel évêque et promettait de le protéger, il refusa absolument d’accorder audience à l’intrus. Cf. Eustache de Sainte-Marie, Istoria délia vita… del Ven. Mgr Fr. Gioseppe di S. Maria de' Sebastiani, Rome, 1719, p. 277-283. Passant le 5 mars à Vingorla, forteresse hollandaise au nord de Goa, Sebastiani y fut rejoint par une lettre des confrères qu’il y avait envoyés.

Bien qu’ayant reçu de Lisbonne des instructions pour l’expulser, ainsi que le P. Hyacinthe de Saint-Vincent, dont on ignorait la mort en Europe, le vice-roi, Antoine de Mello de Castro, l’invitait à pénétrer dans la ville pour y apaiser un différend, qui divisait pour lors le clergé de la ville. Sebastiani eut le plaisir d’apprendre à Goa que le nouvel évêque réussissait dans son ministère. Lorsque la paix fut signée entre Portugais et Hollandais, il espéra un instant qu’il pourrait retourner à son poste, mais il dut se contenter de laisser au Malabar, comme conseiller d’Alexandre de Campo, un de ses confrères, le P. Matthieu de Saint-Joseph. Après un voyage mouvementé et très pénible par Bassorah, Bagdad, Mossoul, Alep, Alexandrette, Sebastiani arrivait à Rome le 6 mai 1665, apportant à la Propagande les plus précieuses informations sur la situation du christianisme aux Indes. Werth, p. 294330 ; cf. Hierarchia carmelilana, ser. IV, De præsulibus missionis Malabaricæ, dans Analecta ordinis carmelitarum discalcealorum, t. xi, 1936, p. 188-198.

Soutenu par les conseils du P. Matthieu et du P. Corneille de Jésus de Nazareth, Alexandre de Campo gouverna convenablement les communautés catholiques « syriennes » du Malabar et obtint même un certain nombre de conversions, malgré la guerre acharnée que lui fit, ainsi qu’aux missionnaires latins, son cousin Thomas, opiniâtre dans son schisme, puis dans l’hérésie jacobite à laquelle il avait fini par adhérer, comme il sera expliqué ci-dessous, col. 3144. En 1674, toutefois, se sentant appesanti par l'âge, Alexandre fit parvenir au pape une demande à l’effet d’obtenir un coadjuteur avec droit de future succession. La démarche était inspirée par la prudence. La Propagande entra immédiatement dans ces vues et, le 31 mars 1675, quatre carmes quittaient Rome, porteurs d’instructions au terme desquelles ils devaient instituer évêque d’Hadrumète et coadjuteur d’Alexandre le prêtre qu’ils jugeraient le plus apte : Sive sacerdotem ssecularem, sive regutarem… qui tamen earumdem regionum indigena, seu nationalista, non autem Européens existai. Hierarchia carmelitana, dans Ana/ec/a…, t.xii, 1937, p. 13. Deux religieux seulement arrivèrent au Malabar, les PP. Barthélémy du Saint-Esprit et AngeFrançois de Sainte-Thérèse, qui désignèrent, le 3 mars 1677, non pas un syro-malabare, mais le vicaire général du diocèse de Cochin, latin et de descendance portugaise, Raphaël de Figueredo Salgado. Il était difficile de faire un plus mauvais choix : sans doute les Pères commissaires avaient de bonnes raisons pour refuser le neveu de l'évêque, Matthieu de Campo, mais on se demande si l’esprit de l’instruction lut réellement observé. Quoi qu’il en soit, Alexandre refusa d’abord de consacrer son coadjuteur et, lorsqu’enfin il l’eut accepté et fait introniser solennellement à Rapolim en 1683, ce fut celui-ci qui troubla la paix en affectant de gouverner le diocèse par lui-même, sans aucun respect pour les droits de l'évêque. La situation devint telle, surtout après la mort d’Alexandre de Campo, le 22 décembre 1687, que les carmes crurent nécessaire d’envoyer un des leurs a Rome, le P. Laurent de Sainte-Marie, pour demander la nomination d’un autre pontife. Le brahme devenu oratorien, Custodio da Pinho, déjà vicaire apostolique du Grand Mogol, après avoir été chargé d’une visite apostolique, fut nommé vicaire apostolique du Malabar en janvier 1694, tandis que Figueredo était suspendu de son office ; mais tous deux mouraient peu après, Figueredo le 12 octobre 1695, Pinho en 1696, sans avoir pris possession du siège. Hierarchia carmelitana…, loc. cit., p. 13-16 ; cf. Anquetil du Perron, Zend-Avesta, t. i, p. clxxx-clxxxii ; M. Mûllbauer, Gesch. der kathol. Missionem in Oslindien, Fribourg-en-B., 1852, p. 307310. Le manuscrit syriaque 25 (supplément 72) de la