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SYRO-MALABARE (ÉGLISE). JUSQU’AU SYNODE DE DIAMPER


La résolution de Mar Joseph, décidé à pérorer sa cause à Lisbonne, les instances de Buttigeg ou un ordre venu du Portugal provoquèrent finalement, dans la deuxième moitié de 1558, l'élargissement des évêques chaldéens. Ils partirent donc avec leurs conseillers européens pour le sud de l’Inde et s’arrêtèrent d’abord à Cochin, pour y commencer la visite des communautés « syriennes », mais Buttigeg y mourut et le P. Antonin Zahara demeura seul pour l’accomplissement d’une visite à toutes les paroisses du pays, qui se prolongea pendant deux ans. Personne, à ce qu’il semble, ne s’opposa aux évêques de l’obédience de Rome, ce qui prouve qu’il n’y avait pas de nestorianisme positif. On doit noter aussi qu’au cours de la visite beaucoup de païens furent baptisés ; les « syriens » du Malabar, doués d’un véritable esprit missionnaire, avaient toujours fait du prosélytisme parmi les idolâtres, rien d'étonnant donc à ce que les prédications qui accompagnaient la visite aient été l’origine de conversions plus nombreuses encore que d’habitude. Beltrami, op. cit., p. 51.

Cependant, Pie IV rappelait Antonin Zahara par bref du 24 janvier 1561, espérant qu’il pourrait être utilisé en Egypte, où il était allé avec Buttigeg en 1555. Ibid., p. 27-34. L’Inquisition de l’Inde profita de l’occasion pour envoyer Mar Joseph aux inquisiteurs de Lisbonne. Ibid., p. 86 sq. Le frère du martyr Sulâqâ s’embarqua sans doute avec confiance, persuadé qu’il obtiendrait du roi de Portugal, comme du SaintSiège, les droits du siège chaldéen d’Angamalé, mais il lui fut impossible d’atteindre Rome. A Lisbonne, où il fut retenu plus d’un an, il arriva bien à démontrer son orthodoxie, obtenant du cardinal Henri, alors régent, des lettres pour le vice-roi des Indes ; mais on ne jugea pas opportun de lui laisser faire la visite ad limina : il dut se contenter d’une bénédiction que Pie IV lui envoya pai bref du 27 juin 1564, en lui enjoignant de retourner directement au Malabar, suivant la décision du régent, et en l’encourageant à persévérer dans la foi catholique, dont le patriarche 'Abdiso', deux ans auparavant, avait fait solennellement profession. L’interdiction à Mar Joseph de visiter la Curie doit être mise en relation avec la protestation de l’ambassadeur de Portugal à la vie session du concile de Trente (17 septembre 1562), contre la titulature où 'Abdiso' revendiquait la juridiction du catholicos des syriens orientaux sur les évêchés et métropoles de l’Inde ; cf. E. Ehses, Concilii Tridentini acta, t. v, p. 959. Le Portugal entendait se réserver le contrôle de tout ce qui se passait aux Indes et le pape qui avait besoin du concours de ce pays pour assurer le succès du concile, désirait éviter tout conflit.

Le pauvre Mar Joseph n'était pas au bout de ses peines. En le voyant partir pour l’Europe sous mandat de l’Inquisition, les catholiques « syriens » du Malabar s'étaient empressés d’avertir le patriarche et de lui demander un autre évêque. Mar Élie, qui avait partagé l’internement de Mar Joseph chez les franciscains de Bassein et avait pu constater de visu l’immense besoin d’assistance ecclésiastique des chrétientés du Malabar, auxquelles il aurait fallu non pas un, mais plusieurs évêques, appuya sans doute leur requête. 'Abdiso' leur destina Mar Abraham. Celui-ci, instruit par l’expérience de son prédécesseur, prit grand soin d'éviter Goa. Il était pacifiquement installé au Malabar, quand Mar Joseph y revint, porteur de lettres qui lui assuraient l’appui des autorités portugaises, résigné à latiniser le rit par l’emploi du pain azyme et des ornements liturgiques occidentaux. Il était impossible que la population ire se divisât ; les uns se rallièrent à Mar Joseph, les autres à Mar Abraham. Celui-ci d’ailleurs fut bientôt arrêté par les autorités portugaises et embarqué à destination de Lisbonne, maiil réussit

à tromper la surveillance, débarqua à Mé'indé et regagna la Mésopotamie. Cependant, 'Abdiso', qui avait sincèrement promis obéissance au Saint-Siège, ne se jugeant pas qualifié pour dirimer la controverse, fit partir Mar Abraham pour Rome. Pie IV n’hésita pas : puisqu’il y avait deux évêques et un grand nombre de fidèles, il n’y avait qu'à diviser le diocèse et donner une moitié à chacun d’eux. Les résidences des deux prélats seraient fixées par le patriarche. Sachant bien les difficultés que la hiérarchie goanaise pourrait opposer à ces dispositions, le pape eut soin d’en avertir l’archevêque de Goa et l'évêque de Cochin par brefs du 28 février 1565. S. Giamil, Genuinæ relationes…, p. 69-73.

Entre temps, la persécution contre Mar Joseph avait repris ; il fut de nouveau dénoncé à l’Inquisition goanaise et à celle de Lisbonne, laquelle obtint de Pie V un bref permettant d’enquêter. Le frère de Sulâqâ fut de nouveau arrêté et embarqué pour le Portugal et Rome, cum fidis custodibus. G. Beltrami, La Chiesa caldea…, p. 92. L’ambassadeur de Portugal à Rome promettait à son souverain de préparer comme il faut le jugement, mais les juges romains, comme autrefois le gardien franciscain de Bassein, furent obligés de s’incliner devant la piété de Mar Joseph et de reconnaître son orthodoxie. C’en était trop cependant : Mar Joseph devait recevoir, auprès du tombeau des Apôtres, la couronne que lui avait méritée un martyre plus long et plus pénible peut-être, moralement, que celui de son héroïque frère. Dix-huit manuscrits syriaques, un manuscrit arabe et un persan, qui l’avaient accompagné dans ses pérégrinations, furent incorporés à la Bibliothèque apostolique, par droit de dépouille. G. Levi Délia Vida, Ricerche sulla formazione del più antico fondo dei manoscrilti orientali délia Biblioleca Vaticana, dans Sludie testi, fasc. 92, 1939, p. 179-197, 441 sq.

Obéissant aux prescriptions de Pic IV, le catholicos 'AbdisV divisa le diocèse chaldéen des Indes, attribuant à Mar Abraham la résidence d’Angamalé et un peu plus de la moitié du diocèse, pour le mérite qu’il avait eu d’aller jusqu'à Rome. La division du diocèse ne devait d’ailleurs pas avoir un caractère durable ; celui des deux prélats qui survivrait à l’autre devait reprendre la juridiction sur l’ensemble. Lorsque 'Abdiso' écrivait en ce sens à l’archevêque de Goa, le 24 août 1567, Mar Joseph avait probablement déjà été arraché à son troupeau. A. Rabbath. Documents inédits pour servir à l’histoire du christianisme en Orient, t. rr, Paris et Leipzig, 1910, p. 432-434. Mais l’opposition portugaise ne désarmait pas : lorsque Mar Abraham arriva aux Indes, les lettres de recommandation dont il était muni ne lui servirent de rien. L’archevêque Georges Temudo, O. P., cum sapicnlissimis viris, les examina et les déclara fausses ou obtenues par subterfuge. Mar Abraham fut enfermé dans le couvent des dominicains, pour y attendre que de nouvelles lettres directes pussent arriver de Rome. Mais on avait oublié que le subtil évêque s’y connaissait en évasions : comme à Mélindé, il trompa la surveillance de ses gardiens et arriva dans la chaîne des Ghats, où les « syriens » le reçurent, bien entendu, avec des transports de joie. Les soldats portugais ne s’aventuraient guère à l’intérieur des terres : Mar Abraham passa quelques années en paix. Ne pouvant employer la force pour s’assurer de sa personne, l’archevêque de Goa essaya de lui faire quitter son refuge en l’invitant au deuxième concile de la province ; mais le prélat évenla le piège et ne se présenta pas. Furieux de cet échec, les membres du concile légiférèrent contre lui dans le premier décret de la iiie session, en demandant « pour le bien de la chrétienté de Saint-Thomas » que l'évêque en fût présenté par le roi de Portugal, et non