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SYROMALABARE (ÉGLISE). ARRIVÉE DES PORTUGAIS


visites presque simultanées des deux grands voyageurs de la fin du xiiie siècle, Marco Polo, retour de Chine en 1293, et Jean de Mont-Corvin, y allant, la même année.

Du récit de Marco Polo, // Milione, éd. L. Foscolo Benedetto, Florence, 1928, p. 187, nous apprenons seulement qu’au sanctuaire de l’apôtre accouraient également en pèlerinage musulmans et chrétiens, et que les pèlerins remportaient jalousement un peu de terre rougcàtre, dont ils attendaient des effets merveilleux pour la guérison des maladies. Rien, au contraire, sur les chrétiens de l’Inde dans les deux lettres de Jean de Mont-Corvin, alors qu’il visita cependant en treize mois passablement de pays : De Iiulia majorera parlent ego vidi, dit-il, perdant à Mylapore, ad ccclesiam sancti Thomee apostoli, son compagnon de voyage, le dominicain Nicolas de Pistoie. L’intrépide missionnaire semble n’avoir considéré que les païens, dont il baptisa une centaine ; il ne pouvait cependant ignorer les nestoriens de l’Inde, ayant connu ceux-ci dans son voyage de Tauris au golfe Pcrsique et souffert de leurs oppositions pendant cinq ans en Chine. Cf. lettre du 8 juin 1305, dans G. Golubovich, Biblioteca bio-bibliografiea délia Terra santa, t. iii, Quaracchi, 1919, p. 87 ; lettre du 13 février 1306, ibid., p. 92. Il y a tout lieu de croire que Jean de Mont-Corvin avait été plus explicite dans d’autres lettres aujourd’hui perdues, dont le document transmis à Barthélémy de Sanlo Concordio par le dominicain Menetillo de Spolète peut donner une idée. Op. cit., t.i, p. 307. Là du moins il est dit que, sur le littoral, les musulmans constituent l’élément dominant, et que, dans l’intérieur, il y a un petit nombre de chrétiens, qui persécutent les juifs, encore moins nombreux.

Jean de Mont-Corvin avait donné à entendre que la prédication, dans l’Inde, aurait facilement porté des fruits. L’indication ne fut pas immédiatement retenue par les autorités responsables, qui devaient avant tout pourvoir, et Dieu sait avec quelles difficultés, au maintien de la mission de Chine. C’est à l’Extrême-Orient qu’étaient destinés les quatre franciscains qui arrivèrent à Tauris à l’automne de 1320, mais c’est à l’établissement d’un diocèse dans l’Inde que leur voyage allait aboutir. Parmi les dominicains de Tauris se trouvait un solide Rouergat, Jordan Catala, originaire de Séverac, arrivé en Perse depuis plusieurs années et devenu expert en l’usage de la langue persane. Las du milieu trop tranquille où il vivait, Jordan se joignit aux franciscains et aborda avec eux au port de Tana, dans l’île de Salsette, au commencement de 1321. Cette petite ville avait une minuscule communauté de nestoriens, qui accueillirent convenablement les missionnaires et leur indiquèrent un autre groupe abandonné sur la côte du Guzerate. Tandis que Jordan visitait ces pauvres chrétiens, ignorants par manque de prêtres, ses compagnons furent emprisonnés et martyrisés. Jordan n’avait pas d’obédience pour aller en Chine ; il resta donc dans la région, où il fut bientôt rejoint par un de ses confrères de Tauris. Ainsi que l’avait prévu Jean de Mont-Corvin, l’apostolat parmi les Indiens était assez facile ; la population était tolérante et, sans les musulmans, on aurait eu passablement de conversions. Jordan Catala voulut intéresser à ce pays ses supérieurs majeurs et le pape ; après avoir écrit plusieurs lettres, il fut enfin appelé en Occident. C’est sans doute en Avignon qu’il écrivit ses M irubilia descripla ; il en partit en avril 1330 comme évêque de Quilon, premier évêque occidental aux Indes, et précisément dans cette partie de l’Inde où il y avait déjà des chrétiens. Jordan avait exactement renseigné la Curie sur la situation politique et religieuse du pays. Jean XXII, pour faciliter son ministère, le recommanda par une série de lettres, dont une aux chrétiens

de l’Inde en général, une aux catholiques convertis du paganisme ou de l’hérésie, une enfin aux nestoriens. A. -Mercati, Monumenta Vaticana veterem diœcesim Columbensem [Quilon] et ejusdem printum episcopttm Jordancm Calalani O. P. respicienlia, Rome, 1923, p. 13 sq., 28 sq.

Oderic de Pordenone a vu les nestoriens de Tana, il a visité quelque part dans la péninsule une maison de frères mineurs, puis il est passé au Malabar, où il a entendu parler des différends entre chrétiens et juifs, différends d’où les chrétiens sortent généralement victorieux. L. de Backer, L’Extrême-Orient au Moyen Age, Paris, 1877, p. 95-102. Dans le texte latin édité par Marcellino da Civezza, Storia universale délie missioni francescane, t. iii, Rome, 1859, p. 753, il n’est pas question de juifs, mais d’hindous ; il y est dit aussi, p. 754, qu’à côté de l’église de Saint-Thomas, pour lors remplie d’idoles, il y avait quinze maisons de nestoriens, gui sunt christiani, sed pessimi hæretici.

Le Chronicon, seu liber historiée plurimæ, que le P. Golubovich attribue au franciscain Jean Elemosina (1330). contient un passage sur les chrétiens de l’Inde moyenne, où il est parlé de sept royaumes et d’un monarque nestorien à qui les missionnaires, mineurs et prêcheurs, auraient fait connaître la vraie foi, Biblioteca bio-bibliografica…, t. ii, Quaracchi, 1913, p. 127. Malheureusement, il sejnble que le texte de ce chapitre n’ait pas été publié jusqu’à présent, cf. R. Streit, Bibliolheca missionum, t. iv, Aix-la-Chapelle,

1928, p. 73, n. 287.

Le franciscain florentin Jean Marignola passa quatorze mois à Quilon, retenu par une forte dysenterie, avril 1348-aoùt 1349, puis rentra en Europe par Mylapore, Ceylan et le golfe Persique. Il affirme que les chrétiens de Saint-Thomas (c’est la première fois que le terme apparaît, à ce qu’il semble) l’emportent sur les musulmans ; de ces chrétiens il reçut des dons considérables en sa qualité de légat pontifical, cf. G. Schurhammer, op. cit., p. 25. A Quilon se trouvait une église latine, dédiée à saint Georges, ccclesia S. Georgii lalinorum, celle de Jordan Catala évidemment, que le bon religieux décora de peintures. Il nous montre ainsi la juxtaposition des deux éléments chrétiens : catholiques latins, récemment convertis du paganisme, et nestoriens indigènes, sans que leurs relations soient précisées. Toutefois, le fait que les chrétiens d’ancienne tradition lui payaient mensuellement une sorte de redevance, comme à l’envoyé du pontife romain, indique une assez bonne entente entre les missionnaires venus d’Occident et les chrétientés locales. Éd. J. limier, dans Foules rerum Bohemicarum, t. iii, Prague, 1882, p. 496-507.

Nicolas de’Conti, qui visita l’Inde à plusieurs reprises entre 1415 et 1438, a vu des nestoriens auprès du sanctuaire de Saint-Thomas et ailleurs ; il dit qu’ils étaient un millier à Mylapore, les autres étant dispersés un peu partout dans l’Inde, comme les juifs en Europe. Poggio Bracciolini, Historiée de varietate forlunie, Paris, 1723, t. IV, p. 129 ; M. Longhena, Viaggi in Persia, Indiae Giava di Nicolo de’Conti, Milan,

1929, p. 130. C’est le dernier témoignage d’un voyageur occidental avant l’arrivée des Portugais. Le silence des documents syriaques, signalé au début du paragraphe, étonnera peut-être ; mais il ne faut jamais oublier, lorsqu’on étudie l’histoire des syriens orientaux, que la Mésopotamie a été dévastée par les hordes mongoles en 12(i.’i et que la chrétienté nestorienne, si brutalement condamnée dès lors à une rapide décadence, n’a guère eu le moyen de nous transmet Ire son histoire. Aux Indes, en 1599, le grand autodafé ordonné à Diamper a dû entraîner la disparition d’un grand nombre de manuscrits, dont les colophons nous auraient sans doute révélé bien des détails d’histoire