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SYRO-MALABARE (ÉGLISE). ORIGINE


message évangélique. Ce déplacement de l’apôtre serait lié à l’invasion par les Kushans de la vallée de l’Indus, aux environs de l’an 50. Rien d'étonnant à ce que, refoulés par cette invasion. Ilabban, marchand du roi, et son ami Thomas aient choisi pour lieu de leur retraite un de ces ports de l’Inde méridionale où (levaient affluer Juifs, Syriens et Grecs, Muziris par exemple. Et M. Farquhar de faire intervenir à ce point la tradition locale du Travancore, car il avoue sans difficulté que les Actes de Judas-Thomas, dans leur récit de la deuxième mission de l’apôtre, ne contiennent aucun nom de lieu ou de personne convenant aux Indes. L’apôtre, pour complaire à cette tradition, aurait quitté les bouches de l’Indus pour Socotra, et de Socotra serait arrivé à Muziris-Cranganore. Op. cit., p. 22-24. Évidemment, c’est possible, mais on ne peut pas dire que ce soit établi. Mgr Medlycott estime que les détails donnés par les Actes sur la vie à la cour de Gondopharès conviennent à la cour d’un maharajah plutôt qu'à celle d’un prince parthe. India and the apostle Thomas, p. 277-289. Il est impossible ici d’entrer dans plus de détails. La tradition méridionale doit être ancienne, mais nous n’en possédons pas de témoignages exactement datés avant le VIe siècle : ce que le moine gaulois Théodore a raconté à Grégoire de Tours doit se rapporter à Mylapore, Mgr Medlycott relève que les détails météorologiques conviennent à la partie méridionale de l’Inde, non au Pundjab, Ibid., p. 71-79.

Pour l’ensemble de la question, il semble que, l’on puisse prudemment s’en tenir à la conclusion de M. Farquhar, p. 49 : « Il y a trente ans, la balance de la probabilité était absolument contre l’histoire de l’apostolat de saint Thomas aux Indes ; nous pensons qu’aujourd’hui la balance de la probabilité est nettement du côté de l’historicité. » Il est regrettable pour la tradition méridionale que nous n’en ayons aucune attestation écrite qui soit exempte d’influences portugaises. T. K. Joseph, The Saint Thomas traditions o South India, dans Bull, oj the internat. Committee oj hist. sciences, t. v : Senentli internat, congress oj liislor. Sciences, Varsovie, 1933, p. 560-569 ; F.-X. Rocca, La leggenda di S. Tommaso apostolo, dans Urientalia christ., t. xxii, fasc. 89 (1933), p. 168-179.

Quoi qu’il en soit d’ailleurs de la prédication de saint Thomas aux Indes, on ne pourrait placer au-delà du iie siècle la naissance d’une première communauté chrétienne en quelque partie de l’Inde, avec, sans doute, une proportion notable de chrétiens indigènes. car l’auteur des Actes de Judas-Thomas n’aurait pu en Mésopotamie écrire quelque chose qui fût trop invraisemblable aux yeux de ses concitoyens suffisamment informés de ce qui se passait aux Indes. A la fin du même siècle, d’ailleurs, l’Alexandrin Pantène, vers 189-190 (?), avait trouvé dans l’Inde des chrétiens qui lisaient l'évangile de saint Matthieu en hébreu, oii il tant supposer une transposition savante d’Eusèbe, alors que l'évangile des chrétiens de Pantène devait être tout simplement un évangile en araméen, autrement dit en syriaque. Eusèbe, II. L'., 1. Y. c. x. /'. (}., I. xx, col. 456 ; S. Jérôme, De vir. ill.. 36, P. L., I. xxiii, col. 683.

Au ni 1 e siècle, nous ne trouvons aucun témoignage positif sur l’existence de communautés organisées aux Indes ; ce silence est d’autant plus étonnant que Mingana a recueilli un grand nombre de passages relatifs aux évêchés du golfe Persique et des régions avoisinantes, Early spread oj christianity in India, dans Ballet, oj the John Rylands Library, t. x, 1926, p. 489495, avec des réserves sur la valeur de la Chronique d’Arbèles, cf. I. Ortiz de l’rbina, Intorno al valore storico délia Cronaca di Arbela, dans Oriental ia christ. period., t. ii, 1936, p. 5-33. Lu 295 seulement, la Chro nique de Séert, dans P. O., t. iv, p. 236, mentionne le départ pour les Indes de l'évêque David, quittant son siège de Hassorah pour s’adonner à la vie missionnaire.

Mingana, op. cit., p. 495, après bien d’autres, cite parmi les signataires du concile de Nicée « Jean le Perse, (évêque) de la Perse entière et de l’Inde majeure », d’après Gélase de Cyzique, Concil. Nicœn., P. G., t. lxxxv, col. 1344 ; mais les listes publiées par IL Gelzer, Patrum Xiavnorum nomina, Leipzig, 1898, ne portent que « Jean le Perse », ou « de Perse ». Or, on est d’autant moins autorisé à se fonder sur le témoignage de Gélase, que cet auteur écrivait aux environs de 475, dans un temps où l’on peut considérer comme certain que les chrétientés indiennes recevaient leurs évêques de Perse ; il aura reporté à l'époque du concile de Nicée une institution qui existait de son temps.

Au milieu du IVe siècle, rien encore ne permet d’affirmer le rattachement hiérarchique de l’Inde à la Mésopotamie ; la mission du moine Théophile, en 354, y contredirait plutôt. Celui-ci, en effet, originaire des îles Maldives, fut envoyé par l’empereur Constance comme propagandiste des doctrines ariennes dans l’Himyar, au pavs d’Axum, dans son île natale et dans l’Inde. Philostorge, II. E., . III, c. iv-vi, P. G., t. lxv, col. 482-490 ; éd. Bidez, du Corpus de Berlin, 1913, p. 33-35 ; cf. Medlycott, op. cit., p. 188-202. Théophile ; réforma plusieurs abus, nous dit Philostorge, en particulier l’usage de rester assis pendant la lecture publique de l'évangile, qui prévalait dans les chrétientés indiennes. Comment une telle intervention aurait-elle pu avoir lieu, si les Indes avaient eu dès lors des évêques mésopotamiens ?

C’est dans le même temps qu’il faudrait placer l’arrivée au Malabar de chrétiens persans, fuyant la persécution de Sapor II, par un geste analogue à celui des zoroastriens, qui, après la victoire de l’Islam sur les Sassanides, fondèrent au viiie siècle la colonie parsie du Guzerate. Mais on ne connaît aucune attestation d’un tel exode dans les textes contemporains ; seule la tradition locale rapporte à cette époque, mais sans aucune allusion à la persécution, l’arrivée d’un groupe de chrétiens à laquelle les syro-malabares devraient et l’usage du syriaque comme langue liturgique, et leur division en deux groupes, subsistants encore sous le nom de nordistes et sudistes, Vadalakambagar et Thakkumbagar, parce qu’ils ont habité respectivement à une certaine époque les parties septentrionale et méridionale de la ville de Cranganore. les nordistes étant suivant cette tradition les descendants des convertis de saint Thomas, tandis que les sudistes seraient ceux des immigrés syriens. La tradition en a été recueillie déjà par Antonio de Gouvea ; on la cite généralement dans les ouvrages récents d’après un récit, en syriaque et malayalam, mis par écrit vers 1770 à la diligence de l'évêque jacobile Gavril et conservé dans la bibliothèque de l’université de Leyde. J. P. N. l.and. Anecd. syriaca, t. i, Leyde, 1862, p. 7 sq., texte p. 24-30, trad. p. 123-127 ; texte et traduction reproduits dans S. Giamil, Genuiiue relationes inter Sedan apostolicam et Assyriorum orientalium seu Chaldœorum Ecclesiam…, Home, 1902, p. 552-564. Récit analogue, d’après un manuscrit de la bibliothèque Bodléienne, publié par L. Nau, Deux notices relatives au Malabar, dans Rev. de l’Or, chrét., t. xvii, 1912, p. 74-82.

Suivant le premier de ces documents, les descendants des convertis de saint 4'homas, au nombre de cent-soixante familles, privés de prêtres depuis longtemps, étaient en partie retournés à l’idolâtrie, lorsque par une intervention divine, après qu’une vision eut révélé leur situation au métropolite d'Édesse, un marchand hiérosolymitain, nommé Thomas, lut envoyé par le catholicos de Séleucie-Ctésiphon et revint, après