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SYRIENNE (ÉGLISE). DOGMATIQUE


menti. Il raconte comment Pierre fut incarcéré et miraculeusement délivré. Apres avoir prêché deux ans durant en se dirigeant vers Antioche, il y parvint, y jeta les fondements d’une Église, éleva un autel et constitua Evodius premier évêque de cette cité. Quant à lui. il s’en alla à Rome et en fut l'évêque pendant vingt-cinq ans. » Puis il raconte le martyre de Pierre à Rome et cite ses trois successeurs : Lin, Anaclet et Clément. Op. cil., col. 35-30. Parlant de la succession des évêques d’Antioche, il dit : « Après Pierre le chef des apôtres, Évode siégea comme premier évêque d’Antioche. En effet, quoique Pierre eût jeté les fondements de cette Église, il n’y siégea pas, mais il constitua Évode évêque de cette Église et prit luimême le siège de Rome. » Op. cit., col. 39 sq.

D’autres chroniques parlent du passage de Pierre à Antioche : mais elles insistent sur son épiscopat et sur son apostolat à Rome. Cf. Corpus, etc., Scriptores syri, série III, t. xiv. rcrsio.p. 100. En 1904, Mgr Rahmani a publié une chronique civile et ecclésiastique d’un auteur jacobite inconnu qui affirme que Pierre le chef des apôtres a été évêque de Rome et y fut martyrisé. P. 68 sq. La chronique la plus importante est celle qu’a écrite Michel le Syrien. Elle affirme que Simon Pierre établit un sanctuaire à Antioche en la première année de Claude et qu’il monta prêcher à Rome où il fut évêque pendant vingt-cinq ans. En l’an treize de Néron, il fut couronné du martyre, Chronique de Michel le Syrien, éd. J.-B. Chabot, t. i, p. 146 ; puis il cite Bar Salibi, qui est non moins catégorique, p. 147 sq. Il répète, p. 156, que Pierre, après avoir prêché à Antioche, y établit un évêque et qu’il monta ensuite à Rome où il fut évêque pendant 25 ans. Toujours dans la même chronique, p. 162 sq., il parle du martyre de Pierre et poursuit : « A Rome, le premier évêque, après Pierre, fut Lin. » Par contre, parlant d’Antioche, il dit : « A Evodius qui fut le premier évêque d’Antioche succéda le second, Ignace. » Ce même écrivain se fait l'écho d’une tradition bien établie qu’il cite à propos des controverses et explique comment l'évêque de Rome est intervenu auctorilalive pour régler les différends et pour jeter l’anathème contre les contumaces. Les faits admis sans conteste par l’histoire de l'Église jacobite, confirmeront les preuves historiques fournies par la théologie catholique en faveur de la primauté de Pierre. Michel le Syrien raconte dans sa chronique que Clément, un des premiers successeurs de Pierre, est l’auteur d’une grande lettre qui est reçue dans le Canon et qu’il adressa au nom de l'Église de Rome à Corinthe à cause du trouble qui y était survenu. Cf., t. i, p. 103. Voici encore ce que dit Michel au sujet de la question pascale. « En Asie on célébrait la fête chrétienne le jour de la Pàque juive. Plusieurs évêques tinrent un concile à Jérusalem et décrétèrent qu’elle serait célébrée le dimanche qui suivrait la Pàque juive. Victor de Rome et Irénée de Lyon statuèrent de même ; mais Polycrate, évêque d'Éphèse, et ceux d’Asie n’y consentirent point. Victor les excommunia et les censura comme n’adhérant point à l'Église universelle. Ensuite voyant qu’une grave contestation s'élevait, il les délia de l’interdit et ils demeurèrent dans leur tradition jusqu’au concile de Nicée. i Op. cit., t. i, p. 180. Voici une autre intervention des évêques de Rome, mais cet te fois en Egypte : « Damase de Rome et Pierre d’Alexandrie excommunièrent les hérétiques de Phrygie ( !) Alors Pierre fut chassé de son sic^c et dut se réfugier à Rome près de Damase. Celui-ci lui donna des lettres pour réintégrer son siège et chasser l’intrus. De fait, il revint à Alexandrie réoccuper son siège.. Op. cit., t. i, p. 300-303.

Dans un manuscrit syriaque contenant des canons et des écrits jacobites, publiés et traduits par Nau, se trouve insérée la lettre de saint Célestin († 432), évo que de Rome, au clergé et au peuple de Constant inople. Celte lettre est connue ; cf. Labbe, Concil., t. iii, col. 349, 373 sq. C’est une claire affirmation des droits supérieurs du Siège apostolique tant en matière de dogme qu’en matière de juridiction. Le même recueil signale aussi la lettre adressée par le même pape à Jean d’Antioche. Voir Nau, dans Rev. Or. chrét., t. xiv, 1909, p. 126.

On a remarqué que les Pères de l'Église syriaque et les écrivains jacobites ont invoqué et quelquefois cité les deux textes de Matth., xvi, 15-19, et de Joa., xxi, 15-18. Les commentateurs les expliquent. Ainsi Barhebrœus les commente dans le sens de la primauté de Pierre ; cf. Le Magasin des mystères (Spanuth a publié le commentaire de l'Évangile de saint Matthieu et Schwartz celui de saint Jean, Gœttingue, 1878-1879). Dans son ouvrage Ethicon seu moralia, t. IV, c.xii, sect. 12, Barhebra ?us se base sur le texte de Jean pour montrer la puissance de l’amour. L’auteur dit : « Après que Simon eut exprimé au Christ son amour, le Seigneur le nomma son vicaire et lui conféra tout pouvoir sur son troupeau. » Édit. Bedjan, p. 442. Denys Bar Salibi donne les deux textes. Commentant celui de Matthieu, il dit : Et cum Dominus noster de opinionibus omnium interrogaret, Simon solus respondit quia caput erat omnium. Expliquant l’expression tu es Petrus, il continue : Non personam Simonis appellat petram sed confessionem et fidem rectam quæ eranl in eo… et super fidem… œdificabo ecclesiam meam… Tibi dabo claves… Per Simonem itaque omnibus sacerdotibus orlhodoxis dédit potestatem… Has duas promissiones ligandi et solvendi… promisit Dominus Noster Simoni et nobis per eum. Cf. Corpus, etc., Scriptores syri, série II, t. xcviii, trad. Sedlaèek, Rome, 1922, p. 281-282.

Les affirmations doctrinales et historiques auraient dû amener les jacobites de Syrie à reconnaître de fait la primauté romaine ; en pratique ils croient que leur patriarche est le vrai successeur de Pierre à Antioche et l’héritier de ses prérogatives sur le troupeau du patriarcat d’Orient : Sévère dans sa première homélie cathédrale s’adresse à ses ouailles en ces termes : « Voici le troupeau spirituel que le plus grand des apôtres, Pierre, a fait paître en le nourrissant des dogmes sains de la religion. Voici la pierre que le Christ, Dieu de tout l’univers, a établie la base de l'Église qui est partout (catholique). » Puis il s’attaque à tous les hérétiques : Nestorius, Eutychès et le concile de Chalcédoine : « Fuyons maintenant, ô peuple, ami du Christ, la folie des nouveaux juifs, c’est-à-dire de ceux qui se sont réunis au concile de Chalcédoine, qui ont divisé en deux natures cet indivisible, recherchant d’après le tome de Léon le Blasphémateur, quelle nature a été clouée sur le bois de la croix, afin d’attribuer la passibilité à la nature de l’humanité seule. » Cf. Rev. Or. chrét., t. xix, 1914, p. 76-77. L'Église jacobite, comme l’a proclamé son premier patriarche, ne croit pas à l’infaillibilité de l'Église romaine, ni de ses chefs les successeurs de Simon Pierre. Comme on l’a vii, il s’est attaqué à la personne du pape Léon. C’est en s’attaquant au chef de l'Église que les monophysites de Syrie font schisme et veulent se libérer de sa juridiction.

Aussi Philoxène de Mabboug († 523), tout en reconnaissant que Pierre a reçu le pouvoir de lier et de délier, parce qu’il a eu une foi droite dans le Christ, ajoute : « aura ce même pouvoir toute personne qui aura cette foi. » Les jacobites croient que l'Église romaine est tombée dans l’hérésie de Nestorius et qu’elle a perdu la recta fides de Pierre. Cf. les textes cités dans l’art. Phimauté, t. xiii, col. 352 sq. ; M. Jugie, La primauté romaine d’après les premiers théologiens monophysites (Ve et VIe siècles), dans Échos d’Orient, t. xxxiii, 1934, p. 181-187.