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SYRIENNE (ÉGLISE). DOGMATIQUE


La primauté de saint Pierre.

Voir ici art. Primauté d’après les monophysites, t. xiii, col. 283291 et 351-356. On peut y ajouter le témoignage de

deux Pères de l'Église syriaque, avant de dire ce que pense de cette doctrine l'Église jacobite, s’exprimant par sa liturgie et par la voix des docteurs les plus représentatifs de sa pensée.

D’abord Aphraate, dans ses Démonstrations ; il parle très souvent de Simon Pierre, le chef des apôtres, le fondement de l'Église, celui à qui le Seigneur a confié les clefs du royaume des cieux, ses agneaux et ses brebis. Dans la démonstration vii, n. 15, il exhorte les pénitents à imiter Aaron le prince des prêtres, David le plus grand des rois, Simon, enfin, que le Seigneur, en l’appelant Pierre, a placé comme la pierre fondamentale de son Église. Cf. Patrol. syr., 1. 1, col. 336. S’adressant aux pasteurs, Aphraate rapporte les paroles de Notre-Seigneur à Pierre pour les inviter à imiter l’apôtre en prenant soin des troupeaux qui leur sont confiés : Ait enim Simoni Petro : Pasce mihi gregem meum et oves et agnos. Et Simon gregem depavit, donec impleto tempore suo, vobis illum traderet et discederet. Pascite igitur vos gregem et deducite recte. Dem., x, n. 4, ibid., col. 453. La démonstration xi traite de la circoncision ; au n. 12, l’auteur établit un parallèle entre Jésus Bar Noun et Jésus, notre Sauveur. Le premier a élevé des pierres qui seront un témoignage pour Israël : Jésus Salvator noster Simonem vocavit Petram firmam eumque testem fidelem inler génies constituit. Ibid., col. 501. Une autre comparaison est établie entre le roi David et Notre-Seigneur. Énumérant les multiples points de ce parallélisme, Aphraate arrive à la mort du roi prophète et dit : David Salomoni regnum tradidil et congregatus est ad patres suos. Jésus Simoni claves commisit et, adsumptus ad eum a quo missus erat, reversus est. Il paraît évident d’après ce texte que Simon Pierre a reçu du Christ un pouvoir réel et effectif sur tout le royaume de notre Seigneur, sur son Église universelle, comme Salomon a succédé au trône de son père David. Cf. Dém., xxi, n. 13, col. 965. D’après ces paroles Simon Pierre a reçu en garde tout le royaume du Christ. Il lui incombe de le régir et de l’administrer, à la place du Christ ; en un mot on peut l’appeler son vicaire. Dans la démonstration xxiii, n. 12, Aphraate appelle Simon Pierre, le fondement de l'Église alors que Jacques et Jean en sont simplement les deux colonnes. T. ii, col. 36.

Comme Aphraate, nombreux sont les Pères de l'Église syriaque qui citent les deux textes principaux de Matthieu et de Jean pour parler de Pierre et de son pouvoir réel sur l'Église du Christ.

Saint Éphrem consacre une hymne à Simon Pierre ; la vie entière de l’apôtre y est décrite, ses prérogatives, sa force, sa foi et sa primauté. Cf. Lamy, Sancti Ephrsemi Suri Iiymni et sermones, Malines, 1902, t. iv, p. 681-688. On trouve dans d’autres hymnes l’une ou l’autre allusion à ce dernier privilège. Op. cit., p. 533, 621 et 737-746.

Il serait trop long de citer tous les témoignages de ce grand docteur auquel l'Église jacobite accorde une vénération particulière. Pour résumer toute la pensée d'Éphrem, on ne peut pas ne pas citer ces belles paroles du 4e sermon de la Semaine sainte : « Simon, mon disciple, je t’ai établi le fondement de l'Église ; je t’ai antérieurement appelé Pierre, parce que tu soutiendras tout mon édifice ; tu es l’inspecteur de ceux qui me construisent une Église sur la terre ; s’ils voulaient me construire quelque chose de repréhensible, c’est à toi, qui es le fondement, de les empêcher ; tu es la source d’où coule ma doctrine ; tu es le chef de mes disciples ; en toi se désaltèrent tous les peuples. A toi cette douceur salutaire que je donne. Aimé de mon institution, je t’ai choisi pour être l’héritier de

mes trésors ; je t’ai donné les clés de mon royaume, je t’ai établi sur tous mes trésors. » Rev. Or. chrét., t. i, 1896 ; p. 148.

La liturgie syriaque jacobite parle très souvent du chef des apôtres, Pierre ; il suffit de dire qu’elle lui attribue plusieurs anaphores. Le missel manuscrit transcrit en 1922 par l'évêque jacobite actuel de Beyrouth, Mgr Jean Melki Candour et dont il fait usage présentement, contient, p. 176, une petite anaphore avec l’attribution précitée. Dans le rite du couronnement des époux, le rituel imprimé aux Indes en 1900 dit, p. 58 : « L'époux céleste célébrant ses noces avec la Sainte Église constitua Simon chef de sa maison et Jean prédicateur. » Le texte porte que Simon est constitué Rabbaïlha : Assémani explique ce mot par magister domus, dispensator, administralor. Cf. Bibl. orient., t. m b, p. dcccxlv.

Moyse Bar Képha († 903), dans son traité sur le sacerdoce, t. iv, c. vi, affirme, que tous les disciples étaient apôtres, qu’ils ont reçu l’imposition des mains et sont devenus évêques ; mais Simon en fut le chef pour établir un ordre hiérarchique. Dans le traité v, c. i, il ajoute : Pierre, malgré son reniement à deux reprises, n’a pas été déposé de son grade d’apôtre, ni de sa primauté sur ses frères. Au contraire, le Sauveur lui dit : « Pais mes agneaux, pais mes brebis », et il le lui signifia une autre fois par ces paroles : « J’ai prié pour toi pour que ta foi ne diminue point ; à ton tour va et confirme tes frères. Je veux dire : comme il t’a été pardonné quand tu as péché, de même pardonne à tes frères s’ils ont péché. » Le même écrivain, dans son traité sur les sacrements, commentant le texte Joa., xxi, 15, auquel il a fait allusion précédemment, dit que Pierre est le vrai chef des pasteurs et des apôtres parce qu’il est la pierre et parce qu’il a été chargé de les confirmer. Cf. P. Aziz, Suprématie du pape prouvée par la tradition des nestoriens et des jacobites, Mossoul, 1931, p. 25-30, 49-60.

Barhebrseus est, sans contredit, le plus grand théologien et le canoniste le plus averti de toute la littérature syriaque monophysite. Dans le traité appelé le Livre de la colombe, composé à l’intention des moines, il fait allusion à maintes reprises à la primauté de Pierre. Il cite le repentir de Simon, le chef des apôtres, c. i, ii, éd. Cardani, p. 5, et Bedjan, p. 524 ; puis il parle de Pierre le chef des apôtres qui avait une belle-mère, ce qui ne l’a pas empêché de se voir confier les clefs du royaume des cieux, c. i, viii, éd. Cardani, p. 19, éd. Bedjan, p. 534. Voir également, Le candélabre…, base VI, c. ii, ms. de Beyrouth, fol. 425 sq.

On ne peut pas dire que les jacobites considèrent que leurs patriarches d’Antioche ont été dès le début les vrais successeurs de Pierre ; car Barhebrœus, cite dans son Nomocanon, cf. Bedjan, p. 74 sq., le canon du concile de Nicée où il est question des quatre patriarcats et ajoute : « Le chef le plus grand de tous est celui de Borne. Puis vient celui d’Alexandrie, puis celui de Constantinople qui a succédé à Éphèse et qui fut nommée la nouvelle Borne, enfin Antioche dont l’autorité s'étend sur tout l’Orient. Jérusalem qui était soumise à la métropole de Césarée de Philippe devint le cinquième patriarcat. » On peut conclure que Barhebræus reconnaît, du moins théoriquement, la primauté de Pierre et considère Borne comme le siège de Pierre, et les souverains pontifes, comme les successeurs légitimes de l’apôtre. De plus, dans son Chronicon ecclesiasticum, éd. Abbellos-Lamꝟ. 1. 1, col. 9-32, il dresse la liste des grands pontifes de l’Ancien Testament, puis il ajoute : Transacto demum pontificatu antiquo, incœpit et slabilitus fuit pontificalus novus per Redemptorem nostrum, quippe qui Petrum constituit aposlolorum caput eique claves commisit regni cœlorum. Post pontifices Veleris Testamenti, Petrus summus pontifex Novi Testa-