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SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN


Vers le même temps, Syméon devient higoumène de Saint-Mamas ; il restera vingt-cinq ans en charge. Il reconstruit le monastère, embellit l'église, etc., toutes données vraisemblables, mais qui peuvent aussi appartenir aux clichés du genre hagiographique. Surtout il travaille à régulariser la vie commune et déploie une grande activité enseignante : prédications, compositions poétiques, etc. Il essuie néanmoins une révolte de ses subordonnés (995-998). Son père spirituel est mort vers 986-987. Il l’honorait comme un saint de son vivant déjà, il lui compose maintenant une Vie, des hymnes, fait installer son image à l'église du monastère, institue en son honneur une fête liturgique annuelle qui attire du monde, bref il le canonise. Cela dure depuis seize ans avec l’assentiment implicite, du patriarcat, quand l’higoumène se trouve entraîné dans un conflit avec les autorités ecclésiastiques, qui va orienter le reste de sa vie.

Pour Nicétas, tout se passe entre Syméon et le syncelle, Etienne de Nicomédie. Les autres adversaires ne sont que des comparses, subornés et manœuvres par l’habileté de celui-ci. Le seul grief, inavoué, d’Etienne, ce sont les succès du moine prédicateur et écrivain. Après avoir tenté de le surprendre en flagrant délit d’ignorance sur une question de théologie trinitaire et s'être attiré une réponse aussi piquante que pertinente (d’après Nicétas, car l’examen du factum est moins convaincant, cf. I. Hausherr, Inc. cit., p. lxiii sq.), il trouve le prétexte rêvé : Syméon rend à son maître un culte indu, condamné par la conduite même de celui-ci. Les difficultés ont commencé vers 1003. Elles traîneront jusqu’en 1009. Dans l’intervalle (1005), Syméon abandonne, de bon gré ou non, sa charge. On lui interdit finalement le culte en question et l’on fait enlever les images du saint. Sur quoi il prend figure de défenseur des images. Le 3 janvier 1009, il est envoyé en exil à Paloukiton, sur la côte d’Asie. Il s’y installe dans un oratoire délabré dédié à sainte Marine. Telle est la perspective de Nicétas.

En fait, l’enjeu est doctrinal au premier chef. Le défi théologique du syncelle le laisse déjà deviner. La réponse du moine l'étalé au plein jour : les humbles qui ont reçu le Saint-Esprit sont exaltés, les orgueilleux nantis de science et de dignités sont condamnés. D’un côté, les ignorants « théodidactes », les seuls qualifiés pour comprendre le vrai sens de l'Écriture, pour exercer le ministère apostolique, notamment celui de la confession, soustraits par leur sainteté même au contrôle doctrinal et disciplinaire de la hiérarchie ; de l’autre, les savants, mandataires officiels du pouvoir ecclésiastique, disqualifiés par leur conduite humaine et dont tout le péché est de n’avoir pas reçu le Saint-Esprit. Sans doute tout cela n’est-il pas dans la lettre de Syméon au syncelle, mais s’y devine quand on se reporte au reste de son œuvre, qu’il s’agisse de pièces expressément consacrées au sujet, comme la lettre sur la confession, ou des mille allusions dispersées dans ses discours ou ses chapitres ; voir aussi plus bas à propos de la doctrine. Le conflit opposait donc réellement les prétentions du monachisme et les prérogatives de la hiérarchie, le libre enseignement spirituel refusant logiquement toute censure et le magistère public traditionnel de l’autorité ecclésiastique. Le Studite n'était dans l’affaire que « le premier représentant et le symbole de toute la théorie » (I. Hausherr). En appuyant sur son cas et en se rabattant sur le moyen plutôt inopérant d’une épreuve théologique touchant un objet accessoire, le syncelle, si le biographe est suffisamment sincèie, manquait l’effet attendu, tout en laissant à Syméon l’excuse de la bonne foi. Voir une interprétation bien étudiée du « sens des luttes de Syméon », dans I. Hausherr, p. lxvii sq.

Aussi bien Syméon n’apparaissait-il pas à tous comme

le vaincu. Il continua, de son exil, à entretenir des rapports avec de puissants amis. C’est par eux, qu’un an à peine après sa déportation, il faisait parvenir au patriarche une apologie. Mandé à Constantinople, on le reçut avec des ménagements. On comptait l’apaiser en lui promettant sa réintégration dans sa charge d’higoumène et en lui concédant un culte discret de son père spirituel. On paraît même lui avoir laissé espérer quelque archevêché. « Obstiné comme un vrai studite » — c’est sur ces mots que Serge II le congédia — il préféra plutôt qu’une composition, un exil volontaire et il retourna en Asie. Il bâtit un monastère où il vécut en paix, entouré de disciples et visité par les clients qu’attirait sa réputation de saint et de thaumaturge, les douze dernières années de sa vie. Il y mourut d’un accès de dysenterie, le 12 mars 1022. Ses restes furent ramenés à Constantinople en 1052.

Sa mort ne suspendit pas l’animosité de ses adversaires. Son disciple Nicétas dut plusieurs fois le défendre contre les àyioKaT^YÔpwv et les louSatocppovwv. La préface qu’il écrivit aux Hymnes de Syméon, P. G., t. cxx, col. 310 CD, le confirme aussi par son ton. Avec le temps, la réputation du mystique devait néanmoins s’imposer et il est probable que, moins d’un siècle plus tard, son cuite s'était étendu d’un cénacle local à toute l'Église orthodoxe.

IL Œuvres. — Qu’une partie des œuvres de Syméon ait déjà circulé de son vivant, la chose est sûre et ressort des dires de son biographe. Vie, n. 73, 74, 111, 131, 140. Mais il revenait à ce dernier de pourvoir à une édition complète et il n’a pas manqué de raconter au milieu de quel appareil surnaturel, le saint lui confia à deux reprises — durant sa vie et après sa mort — cette charge. Ibid., n. 131 sq. S’il relève parfois avec complaisance l’activité littéraire de son maître, c’est qu'à son avis elle ne peut être, chez un homme aussi dénué de culture, que la conséquence et le signe d’une éminente sainteté.

Ces circonstances nous valent une énumération attentive de ses ouvrages dont on trouvera le détail dans K. Holl, op. cit., p. 27 sq. : Discours exégétiques et Interprétations de la Sainte Écriture ; Discours caléchétiques, Discours éthiques et catéchétiques ; Chapitres ascétiques sur les vertus et les vices opposés ; Apophthegmes ; pièces relatives à Syméon Studite : Vie, Discours et hymnes ; Discours apologétiques et antirrhéliques, Lettres ; Hymnes ; cf. Vie, n. 35, 37, 71, 72, 94, 111, 134 et passim pour les lettres. Ces rubriques reproduisentelles la distribution primitive de l'édition de Nicétas ? Il se peut et le Mosq. syn. gr. 417 signale par exemple une division en dix sections qui ressemble en gros à la précédente : Etal Se xai êxepoc toutou auYYpà|jt, (jiaTa ol QeoXoyi.xoi yLsrà twv tjOlxwv, oî àTCoXoyTjTtxoî., ai, èmaroXai uxTa twv xxcpocXxtcov, xaî twv OsUov û[xvcov oî ëpwTeç…, fol. 192 v°. Cependant les manuscrits n’observent pas toutes ces distinctions. Indépendamment de la disparition de certaines parties, comme la Vie de Syméon Studite, les recueils présentent généralement des groupes d'écrits assez bien différenciés qui ont pourtant des éléments communs. K. Holl, a suggéré avec raison que les éditions respectives de Syméon et de son disciple pouvaient être à l’origine d’une double tradition manuscrite. Op. cit., p. 29.

Une répartition rigoureuse n’est d’ailleurs pas d’une telle importance. Le contenu des pièces ne suffirait pas à la rendre possible dans tous les cas ; l'œuvre présente, en outre, une particulière homogénéité doctrinale qui fait rencontrer presque partout ses lignes essentielles. Le rétablissement de l’archétype relève de la critique paléographique. On ne dispose encore que d'éditions utiles mais insuffisantes des écrits de Syméon (cf. bibliographie) : la plus étendue, celle de D. Zagoraios ne donne le texte original que pour les hymnes, le