Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/708

Cette page n’a pas encore été corrigée
2917
2918
SYLLABUS. VALEUR DOGMATIQUE


opinions et doctrines signalées en détail dans les préseules lettres, et nous voulons et ordonnons crue tous les enfants de l'Église catholique les tiennent pour réprouvées, proscrites et condamnées. Cf. Raulx, op. cit., p. 1 1. Ces expressions montrent que, dans les deux documents, le pape a voulu faire appel au maximum de son autorité en matière d’enseignement.

c — En lui-même, le Syllabus a du reste tous les caractères d’une définition ex cathedra. > Il émane de celui qui est le maître et le souverain de la vérité catholique ; il appartient exclusivement à la foi et aux mœurs par la nature des matières qu’il traite ; il a reçu des circonstances qui ont accompagné sa publication le caractère manifeste d’une loi universelle de l'Église. Que lui manque-t-il pour être une décision indéformable, un acte sans appel de l’autorité infaillible de Pierre ? » H. Dumas, art. cit. Les théologiens qui soutiennent cette opinion insistent davantage sur la dernière remarque, lui publiant le Syllabus, Pie IX voulait assurément frapper un grand coup et abattre, autant qu’il le pouvait, les doctrines révolutionnaires si vivaces et si dangereuses. Pendant plus de quinze ans. si l’on peut dire, il s'était préparé à ce grand coup ; il avait écrit des encycliques, prononcé des allocutions, demandé à plusieurs commissions de multiplier leurs travaux. Puis, lorsque le moment lui avait paru propice, il avait adressé au monde une parole solennelle et souveraine. Un acte préparé d’aussi longue date et avec autant de sollicitude ne saurait être un acte quelconque ; ce serait faire injure à la sagesse et à la prudence de Pie IX que de le supposer. La sentence qu’il a prononcée est définitive et indéformable ; le Syllabus engage l’infaillibilité du vicaire de JésusChrist.

b) Critique. — Les preuves apportées pour établir et appuyer cette première opinion ne semblent pas aussi évidentes qu’on le prétend.

a. — L’argument tiré du consentement quasi-unanime de l'épiscopat à reconnaître dans le Syllabus un document ex cathedra est beaucoup moins probant qu’il ne pourrait le paraître de prime abord. Les évêques ont évidemment tous accueilli le Syllabus comme un acte authentique qui signalait les erreurs modernes ; ils ont tous adhéré aux condamnations qu’il portait, repoussant et réprouvant, comme le demandait Pie IX, tout ce que le Syllabus repoussait et réprouvait. Mais ils n’ont pas tous considéré l'œuvre pontificale comme une définition. Mgr Dupanloup et ceux qui, comme lui, étaient favorables à certaines tendances libérales n’ont pas cru se soumettre à un document ex cathedra ; leurs réflexions, leurs écrits surtout le démontrent amplement. Ci-dessus, col. 2885. Dès lors la quasi-unanimité sur laquelle on veut s’appuyer n’existe pas et la raison qu’on invoque perd toute sa valeur.

b. — Est-il bien sûr que l’encyclique Quanta cura soit un acte ex cathedra ? On l’a nié. Cf. Hergenrôther, Kathol. Kirche und christl. Staat, trad. angl., Londres, 1876, p. 207. Sans doute les termes employés par Pic IX sont fort nets et paraissent marquer l’intention du pontife de porter une sentence définitive et obligatoire en matière doctrinale. Mais cela suffit-il pour en faire un document ex cathedra ? Et peut-on dire, par ailleurs, que l’encyclique constitue avec le Syllabus un tout d’une telle unité que les raisons amenant à conclure au caractère infaillible du premier document valent également pour le second ? Itien n’est moins sûr. La lettre du cardinal Antonelli annonce aux évoques deux actes pontificaux distincts et indépendants. Le pape m’a ordonné, dit-il. de veiller a ce que le Syllabus vous fût expédié…, dans le temps où il a jugé bon d'écrire une autre lettre encyclique à tous les évêques catholiques. » S’exprimerait-il de la sorte si

l’encyclique et le Syllabus n'étaient qu’une seule et même chose ? On a fait état, en laveur de l’infaillibilité du recueil, de la formule solennelle de condamnation que Pie IX a placée à la fin de ce premier écrit. Il y est dit que sont proscrites les erreurs « signalées en détail dans les présentes lettres ». Mais, d’une part, le Syllabus n’est ni annoncé, ni nommé dans l’encyclique. Si l’ie IX avait voulu faire entendre l’unité des deux documents, il les eût insérés l’un dans l’autre, ou se serait pris de manière à ne laisser subsister aucun doute sur sa pensée. D’autre part, les doctrines rejetées ici et là ne sont pas exactement les mêmes. Celles que condamne l’encyclique sont presque toutes répétées dans le Syllabus ; mais beaucoup des propositions du catalogue, par contre, loin d'être « signalées en détail » dans l’encyclique, n’ont aucun rapport avec l’enseignement qui y est contenu. Comment dès lors conclure, de la seule phrase citée, qu’elles sont toutes proscrites ex cathedra par le magistère infaillible du pape ?

c. — Les circonstances de la composition et de la publication du Syllabus montrent-elles absolument que l’intention de Pie IX était de porter une sentence définitive et obligatoire, où il engageait le maximum de son autorité? Les raisons apportées ne sont pas suffisamment fortes pour imposer cette opinion. Bien plus, ceux qui nient l’infaillibilité du Syllabus trouvent en ces mêmes circonstances des arguments qui leur semblent sérieux.

2. Le Syllabus contient une doctrine infaillible, parce qu’il est garanti par l' infaillibilité de l'Église. — a) Exposé. — Devant les observations précédentes qui leur semblent fondées, un certain nombre de théologiens font appel à l’infaillibilité de l'Église. Cf. Wernz, Jus decretalium, t. i, Rome, 1898, n. 278 ; Aichner, Compendium juris ecclesiastici, 9e éd., Brixen, 1900, p. 59 sq ; Ojetti, Synopsis rerum moralium et juris canonici, Prati, 1911, au mot Syllabus ; Frins, dans Kirchenlexicon, au mot Syllabus.

La base de leur argumentation est résumée par Wernz, loc. cit ; Syllabus…vi primée publicationis definitic ex cathedra dici potest, quamvis id minore clarilate et cerlitudine conslet quam de encyclica… At, cum utrique documenta, etiam Syllabo, accesserit consensus magisterii dispersi Ecclesiæ, utraque decisio ex alio fonte est norma certa atque infallibilis.

b) Critique. — Pour que l’argument ait toute sa valeur, il faut montrer ou bien que l'épiscopat a considéré unanimement le Syllabus comme document infaillible, ou bien que l’enseignement contenu dans le recueil a cessé d'être objet de discussion, pour être proposé dans l'Église comme vérité de foi. Or, rien n’est moins prouvé et il importe de rappeler ici les divergences qui se sont manifestées dans l'épiscopat même, dès le lendemain de la publication du recueil, au sujet du sens qu’il convenait de donner à telle proposition. Sans doute, si l’infaillibilité du Syllabus était d’avance prouvée, le désaccord de ses interprètes en certains points ne changerait pas la valeur de l’acte pontifical. Cf. L. Choupin, op. cit., p. 150. Mais il s’agit, dans la pensée des théologiens qui soutiennent l’opinion que nous discutons, de tout autre chose ; ils veulent garantir l’infaillibilité du document par le consentement unanime des évêques. Dès lors la preuve, au moins pour certaines propositions, fait défaut, car il est impossible d’affirmer avec certitude que toutes les contradictoires de ces propositions « ont été acceptées et enseignées unanimement comme vérités de foi par le magistère de l'Église disperse. Les discussions, du reste, ont continué, elles ont duré jusqu'à nos jours. Cf. Biederlack, dans Staatslexicon, t. v, col. 664, au mot Syllabus ; et le fait que les théologiens traitent encore librement de nos jours cette question d’infail-