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SURIN (JEAN-JOSEPH)


d’Aquitaine. Son intelligence prompte et pénétrante le fait remarquer pendant ses études de philosophie et de théologie, mais sa santé précaire l’oblige, plusieurs fois, à les interrompre. Il est ordonné prêtre à Bordeaux, le Il avril 1626, par le cardinal de Sourdis. Il avait fait ses études de théologie au Collège de Clermont à Paris, en 1623-1624 ; il y revient en 1627-1629. L’année suivante, son troisième an le met, à Rouen, sous la direction du P. Louis Lallemant. Voir ici t. viii, col. 2459-2464. Le P. Surin nous a conservé un résumé de l’enseignement de ce « maître incomparable » ; cf. La doctrine spirituelle du P. Louis Lallemant, édit. du P. Pottier, Paris, 1936, p. 460-491. De 1630 à 1634, il réside d’abord à Bordeaux, puis dans la petite ville de Marennes. Son état de santé s’aggrave, il le reconnaît lui-même. Cf. Autobiographie publiée par le P. F. Cavallera dans Lettres spirituelles du P. J.-J. Surin, Toulouse, t. ii, p. 6. Le provincial d’Aquitaine, malgré l’opposition de son conseil, l’envoie, à la demande de Richelieu, rejoindre les exorcistes de Loudun, où la possession d’une communauté d’ursulines jetait, depuis 1632, le plus troublant éclat. On sait comment le curé de la paroisse Saint-Pierre, Urbain Grandier, prêtre peu recommandable, auteur présumé du maléfice, avait été condamné et. brûlé. Voir D r Légué, Urbain Grandier et les possédées de Loudun, Paris, 1880 ; cf. H. Bremond, Histoire du sentiment religieux, t. v, p. 179, note. On confia aux soins du P. Surin la prieure, Jeanne des Anges. Arrivé à Loudun le 15 décembre 1634, le Père en repartit définitivement en novembre 1637 ; d’octobre 1636 à juin 1637 on lui substitua un autre exorciste tandis que lui-même séjournait à Bordeaux. Il a raconté dans le plus menu détail cette période dramatique de sa vie, qui nous a valu de curieux documents sur un aspect plus pénible qu'édifiant de la vie religieuse au grand siècle. Le P. Surin eut le mérite d’appliquer au mal étrange de la prieure une thérapeutique spirituelle de meilleur aloi que les procédés employés par ses devanciers. Mais l'équilibre nerveux de l’exorciste, déjà fort compromis, devait céder à pareille épreuve. Il s’ensuivit, pendant près de vingt ans, l'étrange maladie dont il a relaté lui-même les phases successives. A partir du vendredi saint 1635, les phénomènes anormaux dont il était le sujet lui donnaient lieu de croire à sa propre possession, conséquence, à ce qu’il pensait, de l’offrande faite de lui-même pour le salut et la sanctification de sa dirigée. « Extérieurement, le P. Surin perdit comme tout contrôle de lui-même et se vit réduit à ne pouvoir agir librement et à se livrer, sans pouvoir y résister, à une foule d’actes bizarres et extravagants, mais l’homme intérieur conservait une conscience d’une acuité et d’une lucidité singulières. Aussi a-t-il pu, dans son autobiographie, écrite en 1663, décrire, avec une abondance de détails surprenante, les épreuves extraordinaires, les grâces de choix et aussi, il faut bien le reconnaître, les illusions spirituelles dont son âme fut le théâtre pendant ces douloureuses années. Tentations de désespoir qui se traduisirent, en 1645, par une tentative de suicide qui le laissa boîteux pour le reste de sa vie ; persuasion qu’il était l’objet d’une colère divine implacable et qu’aucun espoir ne restait d'échapper à la damnation, mais aussi, parfois, grâces d’union qui lui faisaient oublier en un instant toutes ses misères et lui donnaient un avant-goût du ciel, il faut lire dans le texte même ces récits extraordinaires qui n’ont pas beaucoup de pareils dans la littérature mystique. Enfin par une série d’améliorations lentes mais continues, la santé revint assez satisfaisante, à partir surtout de 1656, et, avec elle, la vie normale où, seules, quelques bizarreries rappelaient de loin en loin le passé disparu. Pendant les neuf années qu’il vécut encore (1656-1665), le P. Surin se dépensa avec le

même enthousiasme qu’autrefois, sinon avec les mêmes forces, au service de Dieu et de l’apostolat mystique. » F. Cavallera, Préface à l'édit. des Fondements de la vie spirituelle, 1930, p. 9-10. Il mourut à Bordeaux le 22 avril 1665.

II. Œuvres. — Le P. Surin n’a publié lui-même aucune de ses œuvres. L’absence d’autographes rend difficile l'établissement authentique d’un texte qui a été corrigé à maintes reprises par les éditeurs successifs. Certains de ses écrits n’ont pas été retrouvés, nous en connaissons l’existence par une liste que nous fournit son premier historien, M. Boudon, archidiacre d'Évreux. Outre le Catéchisme spirituel et les Dialogues spirituels, cette liste énumère : une Guide spirituelle ; un Traité de l’amour divin ; Le triomphe de l’amour divin sur les puissances de l’enfer ; un Traité de la perfection ; plusieurs livres de la Science expérimentale acquise en la possession par les démons des religieuses ursulines de Loudun ; un Traité des secrets de la grâce ; un Discours justificatif des choses mystiques ; Questions importantes en la vie spirituelle et sur l’amour divin ; un ouvrage de Poésie louchant les différents degrés de l’amour. M. Boudon signale par ailleurs Les fondements de la vie spirituelle, les Cantiques spirituels, les Lettres dont il dit que, « si l’on en sçait bien faire le choix, ce sera un ouvrage entièrement utile pour le bien des âmes ». H. -M. Boudon, La vie du R. P. Seurin…, Chartres, 1689, p. 295.

Nous ne connaissons plus aujourd’hui que les ouvrages suivants : 1° Le triomphe de l’amour divin sur les puissances de l’enfer en la personne d’une fille possédée (certains manuscrits ajoutent : en la possession de la Mère supérieure des ursulines de Loudun). Commencé en 1636, durant son premier séjour à Loudun, ce livre raconte 1' « ascension de Jeanne des Anges dans la vie spirituelle à l’occasion de sa possession ». Cette première rédaction n’allait que jusqu’au c. vi ; elle fut complétée et achevée en 1660, après la guérison de l’auteur. Les manuscrits furent retouchés et remaniés d’abord par « une personne solitaire » puis par « un ecclésiastique ». — Un second écrit a pour titre : La science expérimentale des choses de l’autre vie acquise en la possession des ursulines de Loudun. Le P. Surin se proposait d’y démontrer l’existence du surnaturel, « d’après l’expérience qu’il en avait faite soit à l’occasion de la possession, soit dans ses propres épreuves et états extraordinaires ». Il est divisé en quatre parties : la première et la quatrième font assez naturellement suite au récit du Triomphe. La deuxième et la troisième sont autobiographiques.

Ces deux ouvrages distincts ont servi à la composition de l’Histoire abrégée de la possession des ursulines de Loudun et des peines du P. Surin. Ouvrage inédit faisant suite à ses Œuvres, Paris, 1828. Le texte du P. Surin a été entièrement remanié, mais on reconnaît dans les deux premières parties le récit donné par le Triomphe et dans les deux dernières, la seconde et troisième parties de la Science expérimentale.

En 1829, l'éditeur Seguin aîné, à Avignon, fait paraître un volume dont le titre et le texte se rapprochent sensiblement des originaux : Triomphe de l’amour divin sur les puissances de l’enfer et la possession de la mère prieure des ursulines de Loudun. Première partie et science expérimentale des choses de l’autre vie avec le moyen facile d’acquérir la paix du cœur. Ouvrage posthume du P. Jean-Joseph Surin, de la Compagnie de Jésus. On retrouve ici, dans la première partie, le texte à peu près fidèle du Triomphe et, dans la seconde partie, celui de la Science expérimentale, première et quatrième parties.

Quant à la seconde et troisième parties de ce dernier ouvrage, le P. Cavallera en a donné le texte authentique au t. il de l'édition critique des Lettres spiri-