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SUPERSTITION ET TU ÉOLOG1 E Mo H A LE

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moins probable, Plus le moyen semble suspect d’intervention diabolique, plus grave aussi doit être la cause qui nous autorise à l’employer. Noldin, Theol. moralis. éd. 1936, t. ii, n. 161. L’essentiel est que, car une raison sérieuse, on ait l’ait cesser le doute pratique. Quant au principe général énoncé plus haut, qu’un effet d’origine douteuse doit être présume d’origine naturelle, il est destiné, comme nous l’avons « lit. à trancber le doute spéculatif sur la nature d’une superstition et sur sa valeur morale en général ; mais il peut servir également de raison extrinsèque pour faire cesser le doute pratique d’un homme de culture moyenne qui ne peut se former une opinion personnelle. « Pour un professeur qui voudrait élucider une pratique réputée superstitieuse par des expériences, il faudrait une raison suffisante pour coopérer à cette pratique suspecte. Noldin. loc. cit. Le principe général lui suffirait-il sans examen préalable’.' Un savant, un professionnel… ne se borneront pas aux apparences qui suffisent au peuple ignorant, mais ils se montreront plus difficiles sur la nature de la cause agissante. » Ami du clergé, 1933, p. 661. Mais ce qu’on veut expérimenter, c’est justement d’ordinaire la nature de la cause agissante. Il semble que l’utilité de l’investigation suflit à donner une raison d’agir. A l’intention des savants chrétiens, le Saint-Office a suggéré, en 1899, une autre précaution : S’il y a doute, qu’on proteste d’abord qu’on ne veut avoir aucune part dans des faits prétematurels : à cette condition, le procédé est tolérable, pourvu qu’il n’y ait pas péril de scandale », cité par L. Roure, Le merveilleux spirite, p. 374. Cette précaution supplémentaire servirait à éloigner l’intervention accidentelle du démon.

d) Mais toutes les raisons invoquées par les moralistes contemporains, en quête d’excuses pour les superstitieux, ne.sont pas valables, du moins dans la forme qu’ils leur donnent. Ainsi le principe préjudiciel susdit ne peut servir à excuser après coup une connivence qui fut commise dans le doute pratique : tout au plus seia-t-il opportun de le suggérer à un pénitent qui serait exposé à renouveler son imprudence ; et, pour certaines pratiques anodines, on fera bien de l’enseigner à l’ensemble des fidèles. De même ne faut-il pas abuser du principe : Quamdiu res dubia est, protestatio tollit inrocationem dtemonis. Noldin, loc. cit. La protestation éloigne le danger d’une intervention accidentelle : suffit-elle a écarter celui d’une intervention regardée comme assez probable ? Nec tune prodest. eu m si ! contraria facto. Habert. dans Migne, Cursus theol. t. xiv, col. 90. La seule manière franche de ne pas pactiser par son fait avec le démon n’est-elle pas, comme le disait Cajétan, cette protestation tacite qui consiste à se garder des gestes qui donneraient occasion à ses pièges’.' Protester explicitement contre son influence, ce serait peut-être donner bien de l’importance à des pratiques, qui, par elles-mêmes ne sont que des sottises ; et cela n’enlèverait rien à la curiosité suspecte qui veut à toute force savoir comment la chose tournera.

Ce qui est plus regrettable en science morale, c’est de fausser dans un sens ou dans l’autre des principes mal compris pour les taire cadrer avec une pratique que l’on apprécie fort bien. Or un certain nombre d’auteurs, tout en gardant l’ensemble des principes delà Somme sur les vaines observances, estiment que le pacte Implicite avec le démon ne détermine pas nécessairement un péché grave, a savoir si on ne se rend pas suffisamment compte, si on proteste ne pas vouloir avoir commerce avec lui. 1’.. Brouillard, loc. cit., p. 729. Le bon sens, ici encore, vaut mieux que le raisonnement : si l’on ne se rend pas compte de faire crédit a une cause mystérieuse, c’est qu’on s’est forgé une explication, déraisonnable sans doute, mais suf fisante pour soi même : dans ce cas. il n’y a pas le moindre pacte même implicite. Mais toute société avec le démon est un péché mortel e.r génère SU0, quia scilicet est euni hoste, juin indicto bello ». Cajétan, loc. cit., a. 2. ad 3’"". Sans doute le pacte tacite est beaucoup moins grave et nuisible que le pacte formel, » parce qu’il est bien plus grave d’invoquer les démons que de faire des choses si imprudentes qu’elles leur donnent l’occasion de s’en mêler ». II a -II « >, q. XCV, a. 3, ail l um. (.’est une connivence eu acte, un pacte interprétatif, qui laisse toujours place à quelque explication subsidiaire, d’autant que le démon n’apparaît pas alors manifeste, snl occulte. //>/<L, a. 3, corp. C’est même une connivence plutôt tolérée et supposée que désirée : on recourt à ce procédé suspect, ETIAM si per dwmones sortiatur effectum, q. xevi, a. 1. ad 3um. On veut parvenir à son but par tous les moyens, bons ou mauvais : cela suflit : « il y a un péché dans cette tentative de s’associer les démons, même si cette association, dans le cas, n’est pas ratifiée. » Jbid., ad 3um, selon de bons manuscrits.

e) Aussi l’Église proscrit-elle ipso jure « les livres qui enseignent ou recommandent la superstition sous toutes ses formes, les sortilèges, la divination, la magie, le spiritisme et autres choses semblables ». Cod. juris can.. can. 1399, lois générales de l’Index.

Cette condamnation englobe les superstitions de tous genres, et d’abord les formes les plus frustes, où le caractère superstitieux apparaît plus à nu. « On pèche donc gravement en se livrant soi-même aux pratiques courantes de divination et de magie, par exemple en se faisant dire la bonne aventure ou tirer les cartes, à supposer qu’on y croie fermement, ou même si le devin est seul à y croire », car alors le client coopère à son péché. H. Jones, Theol. morulis, trad. franc., p. 91. Voir une appréciation plus indulgente, qui s’appuie sur l’indifférence religieuse des consultants, R. Brouillard, La bonne aventure à Paris, dans Nouv. rev. théol., 1933, p. 907. Mais, pour les fidèles, la sévérité de l’Église leur signale un danger grave.

La condamnation s’étend-elle aux formes plus savantes et plus prétentieuses, comme le magnétisme, l’hypnotisme, le spiritisme ? Sans aucun doute. Il est vrai qu’à leur égard, la position de l’Église est assez délicate. Puisque ces pratiques se présentent sous forme scientifique, et même qu’elles s’aventurent de préférence dans le mystère le plus insondable de tous, celui de l’âme humaine. l’Église se garde bien de donner aux incrédules cette satisfaction de condamner pour le fond des disciplines qui pourraient se classer quelque jour dans la catégorie des ell’els naturels. Elle pose seulement le principe théologique : » S’il s’agit de phénomènes qui dépassent les forces de la nature, on ne peut les provoquer. » Saint-Office, 1899. lit même, puisque, dans le doute, on doit penser que certains effets n’ont que des causes naturelles, elle permet aux savants de les provoquer avec art et raison ».

Cependant, malgré les explications naturelles dont elles sont susceptibles, beaucoup de ces disciplines en vogue comportent une vraie connivence avec le démon, même et surtout lorsqu’elles sont utilisées par la foule, (/est la foule ignorante qui est le plus portée a s’y adonner par simple curiosité pour des révélations préternaturelles et le plus exposée a prendre le but au

Sérieux. Aussi o les décisions du Sicje apostolique relatives au magnétisme, à l’hypnotisme ou somnambulisme et au spiritisme, sont d’une admirable prudence : elles laissent a la science une grande liberté’- de recherches théoriques <-t pratiques ; elles repoussent énergiquement toute immoralité dans Us procédés ; elles condamnent absolument toute tentative de superstition divinatoire..1. Didiot, Vertu de religion, p. 172, ou l’auteur cite et commente les décrets du 20 juin