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SUPERSTITION. VAINES OBSERVANCES, APPLICATIONS 2814

Dieu ou du démon ? [1 faut alors l’attribuer au démon, car les miracles ne doivent pas se présumer Facilement. » Loc. cil. Mais Dieu n’a pas toujours besoin de faire des miracles ; et les prodiges du démon sont au moins aussi rares. Disons qu’il n’y a pas île miracle sur commande. Cf. Lacroix, Theol, mor., 1. 111. pr. i, n. US ; Ami du clergé, 1933, p. 662.

Les deux règles, quoi qu’il en soit de nos remarques, doivent cependant être maintenues : saint Thomas les enseignait déjà, mais pour d’autres raisons. Il 1 - 11*. q. xcvi, a. 2. On doit juger d’une observance — quand la nature des appels est douteuse - d’après la valeur

I morale des résultats, c’est la règle évangélique.Matth., vu. 16 sq., qu’on reconnaît l’arbre à ses fruits et un etlet surnaturel a son utilité pour le bien ou pour le mal. On peut observer aussi qu’il n’y a. dans cet ordre, aucune prière efficace et que, en général, les conditions pour être entendu de Dieu sont plus difficiles que pour l'être du démon, et surtout pour déclencher les forces aveugles de la nature, ce qui justifie encore les deux règles susdites. Mais elles ne sont que des présomptions : aussi l'Église ne se prononce pas sur l’essence des phénomènes en question, e’est-à-dire sur leur nature intrinsèque, celle des causes qui les produisent ». Th. Mainage, op. cit., p. 177. On chercherait en vain, dans les décisions émanées de l’autorité ecclésiastique, des définitions aussi tranchées. C’est, nous l’avons dit. la situation si spéciale de l'Église en face des superstitions qui s'établissent ainsi sur terrain mixte, qu’elle ne peut donner que des règles de prudence.

Ces principes d’appréciation doivent demeurer dans les généralités, et restent par là-même assez peu éclairants. En réalité, c’est à des pratiques journalières que le jugement doit s’appliquer. Et il n’est ni possible ni désirable que le théologien s’abstraie de son temps et de son milieu. Avant d’examiner, dans chaque cas particulier, la malice d’un acte superstitieux, il faut donner encore quelques principes généraux, qui nous sont fournis par l’histoire religieuse : c’est le seul moyen de rendre compte de cette différence d’appréciation géiurae qu’on ne peut nier, entre saint Augustin, saint Thomas. Cajétan et Suarez d’une part, et notre enseignement actuel, de l’autre.

3. Circ( nstances de temps et de milieux. — En ce sujet plus qu’en toute autre question morale, il est nécessaire de donner une considération particulière à la culture générale des esprits, aux idées et aux préjugés régnant aux différentes époques, dans les milieux populaires : distinguons donc l’antiquité et les milieux païens, les milieux catholiques du Moyen Age et de la Renaissance, enfin l'époque contemporaine avec ses tendances incrédules ou du moins raisonneuses.

a) ans l’antiquité païenne (et aujourd’hui encore dans les | euplades fétichistes) la magie et les simples présages populaires furent de réelles superstitions, des pratiques encore ido àtriques, entraînant des recours au démon. Saint Augustin avait raison d’en avertir les chrétiens de son temps. Augures, astrologie, nécromancie avaient un lien réel avec les eûtes païens.

bj.' u Moyen Age, que restait-il de ce fond païen antique ? Rien ou peu de choses. En même temps les procédés extérieurs s'étaient laïcises, ou plutôt avaient été tournés ers un Dieu pseudo-chrétien, tout occupé, semb.e-t-il, à contenter ses fidèles. La superstition au Moyen Age prenait souvent figure de tentation de Dieu par excès de confiance.

' ; Aux temps modernes, dis la Renaissance et la Réforme, l’enseignement religieux (tait bien né( et l’instruction scientifique était inexistante. Ce fut une be le floraison de pratiques superstitieuses. Dès lors, la tbéo ogie morae descendit du domaine spéculatif sur le terrain de la ie quotidienne et toutes les

données des anciens scolastiques furent révisées en conséquence. Tout de suite » une tendance exista dans

la théologie à rejeter en dehors des superstitions réelles les vaincs observances telles qu’elles se présentent dans nos temps modernes ». H. Brouillard, Nouv. rev. théolog., 1931, p. 729. On y a vu des observances vaines, mais non des observances proprement superstitieuses ; bien quc le mot de superstition leur fût encore appliqué, il ne devait l'être que dans le sens large. Le premier en date et en dignité de ces théologiens réalistes, c’est Cajétan, Summa peccatorum, 1523, à l’art. Superstitio. A sa suite, nommons entre autres : Suarez, De religione, tr. iii, I. II, c. x, n. G, édit. Vives, t. xiii. p. 519 ; Lessius, t. II, dist. X, n. G6 ; Laymann, t. IV, tr. x, n. 10 ; Busembaum, t. III, tr. i, c. i, dul). 1 ; Saint Alphonse, qui cite le précédent sans commentaires, iii, 15, éd. Gaudé, t. i, p. 378. Parmi les auteurs contemporains, qui sont du même avis, nous citerons Noldin, De perceptis, 14e éd., n. 159 ; Berardi, Prax. conf., t. i, n. 433 ; Mausbach, Kalh. mor., 5e éd., t. ii, p. 150 ; Vermeersch, Theol. mor., 1924, t. ii, n. 242 sq.

Les réflexions que Cajétan notait durant sa légation en Pologne, dans un milieu très fruste, sont empreintes d’une vraie finesse. « Même si l’origine païenne des vaines observances était réelle, il y a longtemps qu’en fait elles ont perdu ce caractère idolâtrique », et tout autant leur caractère d’appel à la Providence. Désormais a ceux qui en usent ne pensent nullement faire acte religieux. En réalité, ce sont plutôt des vanités comme il y en a tant parmi les hommes, des faiblesses d’esprit capables de constituer tout au plus des péchés véniels. Parfois même certains présages peuvent avoir valeur de signes et être légitimement utilisés pour veiller avec plus de soin sur sa conduite ». Summa peccatorum, loc. cit., p. 730. En somme, nous ne voyons rien dans ces réflexions qui contraste avec la Somme de saint Thomas, sauf évidemment l’attention apportée aux questions de fait ; la preuve que Cajétan ne pensait pas innover, c’est qu’il a semé ces mêmes remarques en marge du texte de la question xevi de la II a -II ffi. Il note l’excuse de l’ignorance pour les observances de santé : « On pense parfois utiliser des recettes mises à notre disposition par la nature ou par Dieu ; même si l’on se trompait, on serait excusé de superstition, pourvu que l’ignorance ne fût pas crasse ou supine, donc sans excuse possible. » A. 2, ad l um. Pour la « bonne aventure » et les malheurs qu’elle annonce, les simples seraient portés à y voir deux effets conjugués des astres maléfiques, a. 3 ; or, il faut avouer que « cette question est bien mystérieuse », même pour les savants. A. 2, ; d 2um. Pour les présages acceptés comme le’s, Cajétan fait la part de « la légèreté d’esprit, ou de la crainte, voire de la simplicité de cœur que fréquemment les femmes y apportent, pillantes se non maie, sed vane forsan facere », bien plus de l’emprise « des coutumes locales, comme certains gestes qui se font par habitude et inattention, quand on parle de… bonne santé ou de chance ». A. 3. Dans les dévotions superstitieuses, « il est bien difficile de battre en brèche ce que le vulgaire a admis sur la foi d’une tradition anccstrale : la simplicité de cœur il la dévotion qu’ils y mettent sont bien différentes de l’esprit superstitieux ». A. 4. Vaines observances : il n’y a peut-être pas eu une époque comme le xvi c siècle où ce mot ait été plus de mise, et où il fallut tenir plus grand compte, dans l’appréciation moral.', des erreurs de la conscience ; ignorance, préjugés, crainte, obsession, faiblesse mentale, habitude, etc.

d) A l'épiiquc actuelle, un changement d’opinion s’est encore produit au sujet des superstitions, dont il est impossible de oc pas tenucompte dans nos jugements moraux. Les progrés scientifiques, la meilleure