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SlTI.nSTlTION. VAINES OBSERVANCES ET RECOURS A DIEU


de ce bas inonde, où rampent les superstitions ; eclle par conséquent de prêcher sa vision optimiste des forées amorales ou lionnes qui s’y développent à l’usage des hommes. Ceci est plus que de la morale : c’est l’œuvre d’une liante théologie dogmatique fondée sur les principes éternels du judaïsme et du christianisme. Elle, qui a Dieu pour objet, doit pourtant s’intéresser aux choses du monde, à toutes les choses, les plus lointaines et les plus immédiates, les visib es aussi bien que les invisibles. Si, pour beaucoup de nos contemporains, le visible offusque l’invisible, pour les théologiens, on peut dire que c’est le contraire. « La théologie a encore devant elle une tâche immense. Il ne suffit pas qu’elle détaille des règles de conduite morale, des cas de conscience, i II faut qu’elle dise aux hommes comment ils doivent se comporter avec les choses. Il faut d’abord qu’elle leur donne le sens divin et chrétien de la création et aussi de la chute et de la rédemption. Puisque tout vient de Dieu, toutes choses peuvent avoir une signification divine : adorer Dieu et rester fidèle au monde sont deux aspects solidaires naturellement liés d’un même devoir, d’un seul amour. .Mépriser les ressources que nous présentent les choses et les forces qui nous entourent serait blasphémer leur Créateur. Mais l’univers a participé à la déchéance de l’homme dans une mesure que saint Paul estime considérable : Creatura ingemiscit… Rom., viii, 22 ; et l’influence du démon, qui se manifesta dès le premier jour en l’homme, se cache, disent les Pères, dans les choses ; il faut user de la nature avec précaution. Dans cette vue prudente, continuant le geste de Notre-Seigneur qui lit du pain son sacrement, elle sanctifie l’eau et l’huile, etc. pour l’usage des chrétiens, les semailles et le bétail, la ruche des abeilles et le lit nuptial. Le culte catholique avec ses fêtes de la naissance et de la mort du Christ, du sang de ses martyrs, avec ses jeûnes, ses chants et ses génu flexions, « tout cela est bien dans et par le corps de l’homme : ce n’est qu’une conséquence du visibilium omnium ». P. Charles, Créateur des choses visibles, dans Nouv. rev. théologique, 1940, p. 277.

Mais l’Église devait aussi donner le sens divin et chrétien du gouvernement de ce « monde profane, bourru et hostile où nous sommes, de la vie concrète, de la santé et de la souffrance, du métier et de l’elïort humain vers plus de puissance » : travaillez et priez, fuyez le démon et ses pièges. Voilà l’essentiel.

Recours à Dieu.

Les conceptions qu’on s’est

faites de la Providence et du miracle, ont entretenu un peu de flottement dans la tradition chrétienne. Pour s’en faire une idée, il sullit île comparer l’extrême réserve des collectes du missel romain avec certaines antiennes des offices des saints, par exemple, celles de sainte Agathe. Cependant c’est saint Augustin, lui-même, qui nous prévient qu’il est superstitieux de « demander à Dieu des signes et des prodiges ». Confessions, t. X, c. xxxv, P. L., t. xxxii, col. <SU2. Aide-toi, le ciel t’aideia. Et même « l’appel aux forces inconnues, pratiqué avec le secret espoir que Dieu et ses anges viendront suppléer a notre indolence, c’est en quoi consiste formellement la tentation interprétative de Dieu ». Cajétan, q. xcvii, a. 1, fin ; voir la solution de saint Thomas, ihnl., ad 3 ura.

l. Recours i< gilimes. On peut en appeler à l’intervention de Dieu, des anges et des saints, saint Thon las l’enseigne expressément, même pour la connaissance des choses cachées, 11° - II"’, q. XCII, a. 2 ; il y eut.

dans l’Ancien Testament, une divination authentique ; la Loi nouvelle (h tourne, au contraire, l’esprit humain des préoccupations temporelles et c’est pourquoi elle n’a institué aucune pratique pour connaître d’avance

les événements d’ordre temporel… Il eut cependant,

même dans le Nouveau Testament, des iidc.es doués

de l’esprit de prophétie qui firent de nombreuses prédictions. Ibiil., q. xcv, a. 2. ad 3 nm ; cf. q. ci.xxi sq. Il y eut même les dons charismatiques du premier âge de l’Église, I Cor. xiv. Et, quand cette effusion de l’Esprit se fut éteinte, la hiérarchie de l’Église eut la sagesse d’instituer des pratiques à la portée de tous les Bdè es i pour obtenir une certaine direction des actes humains de la part du Dieu qu’ils honoraient », q. exil, a. 2 : prières de demande, bénédictions, sacramentaux, et même, le recours aux sacrements », pour certaines grâces sacramentelles ; somme toute, des actes extérieurs par lesquels l’homme s’approprie quelque chose de divin ». IP-II*. q. i.xxxix. introd. Les invocations à la sainte Vierge, aux anges et aux saints ont aussi cette utilité secondaire. IP-I I æ, q. lxxxiii, a. 4. Mais ces recours doivent se faire debito mo : lo. <> Rien n’empêche qu’une chose soit bonne en elle-même, et pourtant tourne au détriment de celui qui n’en use pas comme il faut. Ibid., q. i.xxxix, a. 2. Naturellement, les précautions requises varient suivant le secours que l’on attend de Dieu et l’efficacité que les divers recours peuvent avoir par eux-mêmes ou par leur origine ou par leur institution. Il faut se borner ici aux distinctions essentielles.

a) Il y a d’abord des actes de religion qui sont, en même temps, des signes du secours ù obtenir et de vraies causes de son obtention : ainsi la demande des biens temporels et la prière aux saints obtiennent « ce que Dieu a disposé qui s’accomplirait précisément par ce. moyen des prières des âmes saintes ». Ibid., q. lxxxiii, a. 2. Celui qui prie agit donc : il n’attend pas un effet quasi magique de sa prière. Ibid. On peut en dire autant des autres pratiques de piété que l’Église met à notre disposition et qui ne sont que des formes de prières spécialement efficaces. Dès là que la demande est sincère, elle obtient elle-même son elïet.

b) Dans les religions positives, il existe d’autres appels à Dieu, ou plutôt au nom de Dieu, qui ne demandent à Dieu aucune intervention spéciale, mais qui rendent plus proche sa Providence ordinaire à certains actes, en se fondant » sur la foi qu’ont les hommes en son infaillible vérité et son universel gouvernement, pour se justifier soi-même », q. lxxxix, a. 1, ou pour porter le prochain à faire quelque chose. II a -II", q. xc, a. 1. Voir les art. SERMENT et vii.ir lATTON de ce dictionnaire. Pour fortifier cette foi, il suffira que l’emploi du nom de Dieu soit vraiment un signe, que le geste ait une signification, vague sans doute, mais réelle, et que les paroles qui raccompagnent précisent son sens. Pour cela, l’aptitude nature. le des rites suffira et l’institution humaine lui donnera seulement plus de solennité. Pour cela même, on ne devra pas y recourir sans précaution et sans raison grave.

c) Mais, dans la religion chrétienne, il y a des recours à Dieu, les sacrements, qui sollicitent des grâces spirituelles, découlant de la passion de Notre-Seigneur. Lt ce sont les modalités de ces divers signes qui commandent les dispositions de ceux qui s’en approchent.

d) Enfin, il faut admettre, pour certaines circonstances extraordinaires. - des appels a Dieu, sous forme de prière instante, d’adjuration à Dieu même, pour en obtenir de vrais miracles ». [I*-II", q. xc. a. 3 ; mais ceci relève, non d’une institution régulière, mais d’une, inspiration spéciale.

2. Recours défendus. Or, il n’y a rien de tel dans les appe.s superstitieux que l’on pourrait adresser à Dieu ; ou plutôt ce sont des contrefaçons des appels légitimes que nous venons de voir : ils ont a peu près les mêmes lins, mais sans l’autorisation divine et sans les précautions que ceux-ci supposent. I.’< art notoire » et la magie, en gênerai (si elle s’adressait à Dieu), lui demandent des nu races ; les amulettes et autres pratiques superflues se contentent d’un secours