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l’idolâtrie, c’est-à dire du culte explicite ; de la divination qui recherche une connaissance ; des vaines observances qui veulent obtenir ou éviter superstitieusement d’autres effets bons ou mauvais. Cf. S.

Thomas. U'-Il 1 '. q. < tv-xcvi. Cette classification, dit le P. Vermeersch, empruntée pour une part à la matière des aetes. amène ih-s confusions entre ce qui est grave ex toto génère et ce qui peut Être excuse de péché mortel. Il semble préférable, ajoute-t-il, de s’attacher aux différences formelles et de distinguer : le culte indu manifeste de la créature, l’idolâtrie ; le culte implicite, qui se ramène à la magie ; les vaines observances, qui peinent être exemptes de tout culte explicite ou implicite. Vermeersch, Theol. moralis, t. ii, p. 181.

Mais, dirons-nous, il serait surprenant que saint Thomas se soit départi de considérer les excès superstitieux du seul point de ue formel. De fait, la distinction entre la divination et les observances est de cet ordre, puisqu’elle tient à la tin de laite : chercher le secret de l’avenir est. en soi. bien différent de chercher une recette de guérison. encore que le devin puisse fort bien se muer en sorcier, à la demande des clients. Très souvent, au contraire, le procédé divinatoire pourra ressembler au procédé magique ; mais cette ressemblance, ici bien matérielle, n’est pas une raison suffisante pour confondre magie et divination et surtout pour supprimer cette dernière qui a la vie dure et une individualité bien définie : c’est déjà un grand défaut pour une classification que d'être incomplète.

Un autre plus grave encore, c’est de fausser la notion des choses classées : or, l’auteur cité, pour réaliser son classement, fait de la magie et des observances, un « culte », un hommage humain religieux rendu à une divinité. C’est vrai de l’idolâtrie, mais les deux autres sont au contraire un secours quasi divin demandé à la créature, sans hommage ni intérieur, ni extérieur. Entre les nombreuses espèces de superstitions, il y a grande diversité suivant qu’elles enfreignent diverses fins du culte divin. Le premier but du culte de Dieu, c’est d’honorer Dieu : à cette fin primaire s’oppose l’idolâtrie, qui rend un hommage divin à une créature. Mais il y a un second but à notre culte, c’est de procurer à l’homme une instruction de la part du Dieu qu’il honore : à cette fin instructive du culte se rapporte la superstition divinatoire qui consulte… un autre que Dieu. « Une troisième utilité du culte divin, c’est encore de donner une certaine direction aux actes des hommes suivant des institutions données par leur Dieu : et a cette fin pratique s’oppose la superstition de certaines observances, i ID-ID. q. XCll, a. 2. Les mots de saint Thomas sont choisis à dessein pour éviter toute confusion entre espèces fort diverses : seule l’idolâtrie rend un culte au créé ; la divination consulte : si elle consultait le Dieu qu’elle honore, il n’y aurait pas superstition ; mais la superstition divinatoire consulte les démons par des pactes tacites ou même explicites >, qui ne sont pas des hommages rendus, mais des renseignements quémandés. Enfin les Observances superstitieuses et même la magie ne rendent un culte a personne, mais demandent une direction pratique a qui on ne doit pas la demander, à une créature quelconque, ce qui lait concurrence aux institulu JJei, destinés a nous procurer cet avantage.

Il y aura donc superstition, non seulement lorsqu’on oflre un sacrifice au démon, acte d’idolâtrie, mais aussi lorsqu’on demande d’une façon indue, a une puissance supérieure de nous aider a connaître ou a faire quelque chose ». II 1 - !  ! ", q. xcv, a. 2.

2. D’où vient que beaucoup de ces recours sont opposés a la vertu de religion'.' La réponse est exactement la même que pour les actes cultuels proprement dits : ou bien on demande quelque secours dis in a un

autre que Dieu : ou bien on le demande à Dieu, mais non comme on le devrait. Pourquoi ne peut on pas rei ourir au démon, puisqu' alors on s’en sert plus qu’on ne le sert'? C’est parce que cet appel suppose tout de même une certaine révérence pour un plus puissant que soi, et que, par la.suite, il peut se tourner eu hommage extérieur de culte. Cf. IIa-IIæ, q. i.xxxix. a. (>, ad 3° m.

Mais comment le recours à Dieu serait-il opposé à la religion ? D’abord en prétendant lui forcer la main. Cependant, n’exagérons rien : en introduisant ainsi la puissance di ine dans nos affaires on ne le fait pas dans le but précis d’honorer Dieu, et ce but utilitaire ne la subordonne pas aux intérêts terrestres ; au contraire, on lui reconnaît sa place magnifique d’agent suprême ; cf. II^-II", q. lxxxi.x. a. 1, corp. et ad 2um. Les humbles observances pour éviter les malheurs sont honnêtes secunilum genus operis : ce sont des jeûnes et des prières à Dieu. Et elles sont faites pour un bon motif : l’acquisition de la science, de la santé, etc. Oui, " tout cela est bon ; mais ce qui ne l’est pas, c’est de rechercher cela d’une manière indue ». IIa-IIæ, q. xevi, a. 1, ad l um. De même, « la divination répond à un mouvement de curiosité de connaître à l’avance ce qui nous attend ; elle ne se rattache à la superstition que dans la manière de faire ». II a -II B, q. xcv, a. 2, ad l um. En effet « l’homme a une naturelle inclination à connaître l’avenir, mais selon ses propres moyens, non pas selon la manière indue de la divination ». Ibid., a. 1, ad 3um.

En résumé, les superstitions qui nous semblent profanes, comme la divination ou les vaines observances, peuvent avoir une vraie signification religieuse. Ce ne sont certes pas des actes de culte même implicite ; mais ce sont souvent des appels indus à des puissances supérieures à l’homme, appels explicites ou implicites : assumptio indebita alicujus consilii vel auxilii quasi divini, ad aliquid cognoscendum vel faciendum.

VI. Le secret des vaines observances.

Il est insuffisant de dire, avec la psychologie, que la superstition témoigne d’un esprit prélogique, qui retarde sur la raison évoluée, ou d’un esprit paralogique. La superstition n’est pas seulement une erreur ; c’est une démarche pratique à signification religieuse. L’intervalle qui sépare le signe inefficace de l’effet qu’on en attend, cet abîme est comblé, dans l’esprit du superstitieux par une puissance bienfaisante à laquelle il recourt. Mais le recours même est fort divers suivant les pratiques : c’est à la théologie d’analyser la portée réelle de ces pratiques, non plus leurs manifestations extérieures données par l’histoire, mais leur portée réelle et très souvent secrète, les dessous, les ressorts cachés.

Pour en juger, deux méthodes se présentent : l’analyse ou la synthèse. On peut fort bien, comme le font presque tous les auteurs après saint Thomas, partir des superstitions concrètes, distinguées formellement par leurs fins propres. Mais alors on s’engage inévitablement en des distinctions indéfinies, puisque chacune d’entre elles est comme un agglomérat du meilleur et du pire ; par exemple, guérir par les simples est une pratique irréprochable, mais guérir en comptant sur des forces mauvaises est une vraie superstition. Voir tous les articles des q. xcv et XCV) : a ouloir trop Simplifier, on risque de dénaturer ces laits equi oques. On peut, au contraire, reconstituer, pour ainsi dire, toutes les superstitions imaginables autour des notions fondamentales de recours a Dieu, a la nature, aux démons, dont on attend des signes ou des concours : car il ne peut y avoir de procédé réputé superstitieux qui ne soit, par quelque « 'île' ou politique, ou divin, ou diabolique -. Cf. Mayeul, cité par.1. B. Thiers, rrafté des superstitions, t. i, p. 242. lie plus, cette notion, un peu abstraite mais générale, du recours a une puissant,