Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/644

Cette page n’a pas encore été corrigée

2 78 !)

    1. SUPERSTITION##


SUPERSTITION. IDÉE DES SUPERSTITIONS NON CULTUELLES

2790

a. 3, ad 2um ; a. 2. ad l um : ainsi la divination peut se définir provisoirement une vaine recherche de l’avenir par des moyens qui ne le peuvent faire connaître. Ibid., eorp. Évidemment cette curiosité est orientée à la conduite pratique.

Cependant il y a d’autres superstitions qui visent à ce même but et qui consistent uniquement en des « observances, superstitio observatiomun ». en des pratiques jugées propres à procurer le bonheur ou éviter les malheurs qui menacent les humains. On peut les décrire comme un vain effort pour produire un résultat par des moyens disproportionnés. Divination et observances semblent couvrir toutes ces superstitions pratiques. « déviations du désir, bon en soi, mais trop souvent immodéré, qu’ont les hommes de tout connaître et de tout expérimenter ». P. I-’. Bouvier, art. Magie du Dictionn. apolog., t. iii, col. 72. Le désir désordonné de puissance sur la nature a reçu le nom de magie. Mais ce serait là un bien grand mot pour couvrir d’autres pratiques plus inoffensives, comme « les ligatures, les recettes condamnées par les médecins, les grimoires, les amulettes, etc. » S. Augustin, De doctr. christ., t. II, c. xx. A celles-ci, on a donné plus particulièrement le nom de « vaines observances ». pour montrer qu’elles sont plus bètes que méchantes.

A un degré encore au-dessous se place la simple attente irraisonnée d’un événement heureux ou malheureux. On peut définir cette dernière : l’emploi positif ou l’omission volontaire de tel acte en telle conjoncture sans importance, par exemple éviter de partir en voyage un vendredi, acheter un billet de loterie un vendredi 13 du mois. Sans doute cette crainte, si vague soit-elle, se fonde sur une opinion fausse touchant la signification du présage ou même la valeur maléfique de cette conjoncture ou de cette pratique ; et par là. toutes les vaines observances se ramènent à la divination ou à la magie. Cependant on a eu raison d’en faire une classe spéciale : beaucoup moins graves que les autres, elles sont aussi beaucoup plus fréquentes ; elles confisquent, dans le langage courant, le ridicule qui s’attache à ce mot de superstition. Un superstitieux, pour beaucoup de personnes, ce n’est pas un idolâtre ou un sorcier : c’est le pauvre homme qui s’attache aux présages et aux remèdes de bonne femme : il n’a pas d’autre nom, parce que vaine observance est un terme théologique.

2. Les divers moyens.

Les moyens mis à profit par la divination et la vaine observance permettent de pousser jusqu’à une définition plus spéciale des différentes superstitions non cultuelles.

a) Dans la divination, on nous fera grâce d’énumérer toutes ces sources mystérieuses d’information : esprits, astres, songes, instinct des animaux, et de tenter un ordre même apparent dans ce bariolage de procédés divinatoires. Celui que saint Thomas préconise, IP-II®. q. xcv, a. 3, n’est qu’une systématisation heureuse de l’énumération d’Isidore de Séville, Eif/moL, t. VIII, c. ix, lequel n’avait d’autre mérite que de résumer les données des encyclopédistes romains. Aussi bien, nécromancie, géomancie, astrologie, etc. ont-ils pour la théologie la même raison de péché, avec des méthodes spéciales.

b) Pour les observances, qui visent à guider la conduite des hommes », les moyens invoqués ne sont plus des principes de connaissance, mais des principes d’action. Sur ces « principes généraux de l’action humaine » les hommes ne se sont jamais trompés tout à fait ; tout au plus ont-ils donné la préférence à l’un d’eux, suivant leur culture et leur religion : c’est ce qui pourrait donner a cette étude des observances un réel intérêt humain. Que faut-il, en effet, pour être armé dans la vie pratique ? Un savoir-faire infaillible, un art consommé, beaucoup de chance contre les coups

du sort et, si possible, un stratagème passe-partout. C’est à nous donner ces moyens d’action que s’est égarée l’inquiétude humaine : on est si impuissant à se

servir des forces de la nature, à prévoir leurs caprices ; on en sait si peu de choses ! Les multiples précautions que sont les vaines observances n’ont pas d’autres buts : aussi les catalogues n’en varient guère. Au Moyen-Age, seuls, les noms avaient continué à évoluer : saint Thomas mentionne quatre observances :

1. recettes pour se donner la science : l’art notoire ;

2. recettes pour agir sur les corps, que les scolastiqucs ont réduites aux mesquines « observances de santé » ;

3. recettes pour deviner la fortune bonne ou mauvaise ;

4. amulettes à toutes fins. Q. xevi, introd.

a. L’art notoire (ars noloria) se propose d’acquérir la science sans travail. Remarquons qu’il ne se borne pas à chercher, comme la divination, la connaissance de telle chose secrète par des signes lus dans les astres ou dans les entrailles des victimes ; mais qu’il aspire à donner une science toute faite, avec ses principes et ses conclusions, une science infuse sans enseignement normal, et une science pratique : on cherche à savoir, mais à savoir agir, et l’on voudrait ainsi s’épargner les bévues de l’inexpérience. Pour s’approprier cette clef de la science, il suffisait de certaines figures, de mots étrangers, de prières, et de jeûnes. IP-II 5 ", q. xevi, a. 1. C’était trop ambitieux et trop commode. De nos jours on ne trouve rien d’aussi naïf. « On peut rattacher à cet art, a-t-on dit, l’usage de la baguette pour découvrir les eaux et toutes sortes de choses. » Ami du clergé, 1891, p. 245. En réalité la baguette est un procédé divinatoire et d’ailleurs d’ordre naturel. Les médiums spirites, de leur côté, se font interroger de omni re scibili et quibusdam aliis et reçoivent des « désincarnés » qui leur parlent, des clartés de tout. « Mais ces notions, par bribes, ce n’est pas cela seulement qu’on cherchait dans l’art notoire. »

5. Thomas, ibid., a. 1.

b. L’observance des santés emploie, pour guérir hommes ou animaux des remèdes ineptes ou innommables, joints à certains signes qui rappellent ceux de l’art notoire ; et cela se comprend puisque toutes ces observances se réclament « de vertus occultes dont la raison échappe aux plus fins ». S. Thomas, ibid., a. 2. On s’en sert pour soulager une douleur ou une infirmité, pour « arrêter le sang », ou cicatriser une blessure, pour rendre invulnérable contre certains accidents, etc. Il n’est guère de localité où ne se rencontrent de tels guérisseurs. Leurs ambitions croissent avec leurs succès et leurs panacées peuvent servir à des effets plus extraordinaires, à des pratiques de sorcellerie ou de magie : entre les deux, il n’y a qu’une différence de degré. Aussi saint Thomas, après saint Augustin, rapproche les molimina magicarum artium des remédia qme medicina condemnat sous la rubrique : « procédés pour amener certains effets corporels ». C’était bien tout l’honneur que méritaient la magie et l’observance des santés : des arts frelatés. Cf. Suarez, De religione, tr. ni, t. II, c. vii, n. 1.

c. L’observance des événements, à quoi certains modernes théologiens voudraient ramener toute « la vaine observance, consiste à régler ses actions d’après des événements fortuits, à attendre un bonheur ou un malheur à la suite de tel accident ou incident ». Art. Magie, ci-dessus, t. îx, col. 1511-1512. Les anciens moralistes, par contre, rapportent, non sans raison, cette observance des présages à la divination. Saint Thomas, loc. cit., a. 3. Cajétan, In h. toc ; Suarez, op. cit.. t. II, c. x, n. 4 et 5. Au fond, cette vaine observance se fie à des signes, comme le devin ; mais elle ne se donne pas la peine de les chercher ; elle les observe craintivement. D’ailleurs celle attitude d’attente des événements ne se peut confondre avec celles,