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-l PERSTITION. CULTE SUPERFLU DE DIEU


bres, de figures, toutes choses qui avaient encombré

les vieilles religions. Ces calculs étaient restes étrangers aux liturgies officielles des Églises. L’on ne saurait faire un crime à l'Église d’avoir autorise une messe des cinq plaies. Mais la déviation était toute proche : pour célébrer convenablement cette messe des cinq plaies, on eut l’idée de la dire cinq fois, et avec cinq cierges… A cette messe, on attacha des vertus exagérées et une efficacité capable de conjurer

tous les maux, les temporels comme les spirituels, en particulier la mort subite. Aux formules recommandables. comme celles de sainte Gertrude et de sainte Claire ou de saint Edmond île Cantorbery. les fabricants de petits livres en ajoutèrent qui faisaient entrer la mention des plaies divines dans de véritables charmes magiques. 1.. Gougaud, op. cit., p. ScS.

Quand on ne connaissait pas de nombre historique, on pouvait à la rigueur guider la dévotion des fidèles en leur proposant des nombres mystiques : ainsi parle-t-on toujours des trois chutes de Notre-Seigneur dans le chemin de la croix, et des cinq, puis des SeptDouleurs de.Marie : on pouvait même, par souci de symétrie, parler des sept plaies de Jésus, et leur adresser « sept requêtes *. Ce souci du nombre explique les égarements de bien des dévotions excellentes.

Une autre forme de la dévotion populaire était celle des figures du drame de la passion. L'Église y a trouvé son bien. Mais elle s’est déliée avec raison des considérations échevelées qu’on trouvait pourtant en Asie-Mineure, dès le v° siècle, du temps de Théodoret, et chez nous, du temps de Grégoire de Tours. Appliquées à la passion, elles donnèrent naissance à la mensura plaças lateris D. A'. J. C, dessin qu’il sufflsait de regarder ou de porter sur soi, pour gagner l’indulgence de sept années accordée, disait-on, par le pape Innocent VIII (1484-1492). L. Gougaud, op. cit., p. 100. Ces déviations populaires sont moins en vogue aujourd’hui et la considération du nombre ne subsiste guère que dans le trentain grégorien ; mais les conditions que l'Église peut y imposer et moyennant quoi elle a enrichi cette pratique de privilèges appréciables, .S. Pénitencerie, Il juillet 1925, sont beaucoup moins méticuleuses que celles du trentain grégorien des missels d’avant Lie V († 1572). On peut en dire autant de la dévotion au scapulaire et de l’ancien usage de revêtir, a l’article de la mort, l’habit monastique. L. Gougaud. op. cit., p. 139.

Des protestations ne manquèrent pas d'être élevées par de pieux personnages, l'évëque Pierre d’Ailly (1350-1420), le chancelier Gerson (1362-1429), De exerciliis discretis devotorum simplicium, éd. Du Pin, Anvers, 1706, par le cardinal de Cusa (1401-1464), Exercilaliones, t. ii, I. IL c. vin. par saint Bernardin Sienne, Opéra, Venise, 1745, t. i, p. 42 sq.

4. Les temps modernes. — Il appartenait à l'Église de mettre en sûreté certains usages, attaqués par WiclefT et J. Huss, comme les prières spéciales, composées d’un certain nombre de formules. Huile Inter cunctas, 22 février 1 IIH, Denz.-Bannw., n. 599. Ce fut le concile de Trente qui définit le pouvoir rituel de l'Église, sess. xxi. 10 juillet 1562, Denz., n. 931, et qui prit la lourde tâche d’endiguer la superstition, cette fausse imitation de la vraie piété. Il le liL pour le culte Officiel, sess. xxii, 17 septembre 1562, Denz.. n. 942 sq. : pour le culte public et prix é des saints, des reliques, des images, pour les superstitions i nia tives au purgatoire, à la sess. xxv, 3 déc. 1563, Denz. n. 983 sq. Sur la discussion concernant les fausses reliques, voir l’art. Mabellon, t. ix. col. l 131 1 133. Au xvine siècle la bulle Auctorem ftdei s'éleva contre l’intolérance excessive des jansénistes, qui voyaient des superstitions un peu partout dans la dévotion populaire, prop. 31-33 ; 61 '.1 : 69-72, Denz. n. 1501 1599. Toutes ces décisions, de valeurs dix erses, ne dispensaient pas d’une surveillance constante.

3° Objet précis du culte super/lu. — La notion de culte superflu est donc aussi nette que possible, encore que ses frontières soient difficiles à marquer dans le détail : il faut qu’il y ait un acte de culte, intérieur ou plus souvent extérieur, et non pas seulement la contrefaçon d’une vertu morale : il faut qu’il ail un excès dans ces marques de religion, non pas nécessairement par des actes surérogatoires, mais simplement par un développement excessif des pratiques extérieures par rapport à la religion intérieure de l’individu.

1. Les anciens théologiens, sauf saint Thomas, ont eu tendance à étendre cette notion à d’autres provinces qu'à la vertu de religion ; et les manuels modernes de théologie la restreignent trop souvent à des infractions aux rubriques. C’est que les premiers scolastiques étaient encombrés par leurs documents canoniques de tous les âges, qui avaient vu de la superstition dans les excès de tous les genres. « Une glose dit que « jurer par les créatures est une superstition. » On doit comprendre par là que l’on invoque les créatures considérées en elles-mêmes en témoignage de la vérité ; et de la sorte « c’est bien une superstition, puisqu’on leur donne une révérence à laquelle elles n’ont pas droit ! » S. Iionaventure, In III" m Sent., dist. XXXIX, a. 2, q. ii, ad l um. D’autres théologiens, par des prodiges d’interprétation, ont vu de la superstition dans les excès les plus divers des autres vertus. « Le zèle de Dieu, par exemple, est une disposition de l'âme, et on peut la cultiver dans l’intention d’honorer Dieu. Cependant, si ce zèle est indiscret, Rom., x, 2, il y aura superstition et non religion. Le même excès peut se rencontrer en fait de crainte de Dieu ou d’autres actes intérieurs : aptes de soi à honorer Dieu, ils peuvent dégénérer si, dans un cas particulier, ils s’exercent imprudemment. Ils ne sont plus proportionnés à atteindre la fin proposée. » Suarez, toc. cit., n. 6, p. 470. Cependant, le zèle et la crainte de Dieu sont, comme l’espérance et la charité, la source vive de la vertu de la religion ; mais leur épanouissement et leur déformation s’expriment en des sentiments intimes, cf. II a -II s ', q. lxxxi, a. 2, ad l um ; seules les exagérations dictées par cette crainte et ce zèle dans les pratiques religieuses ressortissent au culte superflu.

2. A l’inverse, des théologiens d’aujourd’hui tendent à en minimiser les méfaits : « Le culte vain consiste à honorer Dieu par des cérémonies insensées, choquantes, ridicules. » H. Jone, Précis de théol. morale, trad. franc., p. 91. Mais ceux qui soupèsent la religion de notre temps voient dans le déséquilibre du culte vide ce qu’on peut reprocher surtout à la dévotion contemporaine. Cf. Mgr d’Hulst, Mélanges, t. iii, p. 256-279, où l’auteur cite une série de dévotions de la fin du dernier siècle, qu’on pourrait mettre à jour, sans avoir un mot à changer à son verdict : Entendues et appliquées de telle sorte, ces dévotions ne sont pas exemptes d’un certain esprit superstitieux et mercenaire. »

3. Quand on parle de superfluités religieuses, on est amené à parler des dévotions concrètes, officielles ou privées, essentielles ou facultatives. Parce que ee sujet est concret, chacun croit pouvoir en discuter à son aise ; mais, parce qu’il esL très mêlé, il olïre de multiples occasions de confusions regrettables. Cf. Mo lien, art. Dévotion et dévotions, dans Dict. prut. des conn. relig., t. ii, col. 797-805. Avec un peu d’instruction religieuse et de bonne volonté, il est pourtant facile a tout chrétien de s' reconnaître parmi les

dévotions catholiques » et le théologien y saisit mieux que partout ailleurs l’objet concret du culte vrai, du

culte superllu et même du culte faux du vrai Dieu.