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    1. SUPERSTITION##


SUPERSTITION. CULTE SUPERFLU DE DIE !

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mutant les actes de dévotion, on perd sa peine et on trouble la discrétion de la religion voulue par Dieu. Llle explique aussi le domaine précis <>ù peut se produire cet excès dans le culte divin] et les critères pour les reconnaître.

lo Doctrine de saint Thomas. 1. Superflu se dit en deux sens : d’abord par rapport à la mesure essentielle des choses prises absolument, secundum quantitatem absolutam. A ce point de vue, rien ne peut être de trop dans le culte divin, parce que l’homme ne peut rien faire qui ne soit en-deçà de ce qu’il doit à Dieu. » [MI », <[. xciii, a. 2. On en reste trop souvent, sur ce point, a la remarque liminaire citée plus haut que l’homme perd sa peine a vouloir être quitte avee Dieu, ce n’est pas une raison, au contraire, pour rien diminuer de l’hommage dont il est capable. Son effort n’a de limite imposée que celle de ses forées. Tant qu’il s’agit de religion véritable, il n’y a pas d’excès possible : quantum potes, tuntum mule, quia major omni lande. Avant de condamner toutes les dévotions superflues, il faut bien se convaincre que la eriticpie n’atteint ni la dévotion, ni la prière, ni les exercices de piété de bon aloi : la prière continue de saint Paul ermite, les mortifications des Pères du désert, qui allaient pourtant au bout des forces humaines, n’étaient point un culte superflu.

Mais, dans les pratiques de la dévotion, la générosité intérieure n’est pas tout : « l’excès pourra consister à rendre le culte divin… à contre-temps, ou en d’autres circonstances indues. » [I » -II", q. lxxxi, a. 5, ad 3, im. Ici la religion reprend son caractère « de vertu morale », qui s’établit dans un juste milieu. « Or, il arrive qu’on outrepasse par excès la mesure de la vertu, non pas au point de vue de la quantité, mais dans les autres circonstances de l’action. Ainsi y a-t-il des vertus, comme la munificence, où l’excès toujours possible n’est point de donner davantage (on donnera peut-être moins), mais de distribuer ses dons à contretemps, voilà qui devient superflu. Ainsi de la superstition, excès opposé à la religion : non point qu’elle rende à Dieu plus d’hommage que la vraie religion, mais parce qu’elle le prodigue d’une manière indue. » IIa-IIæ, q. xcii, a. 1. Ces pratiques sont devenues inutiles par inadaptation aux fins générales du culte divin. C’est ce que saint Thomas appelle : quantitatem proportionis ; nous dirions : un développement disproportionné des pratiques extérieures relativement à la religion intérieure qui devrait les animer.

2. Quels sont donc les critères qui permettent de condamner ces superlluités’? Ce sont les fins mêmes du culte de Dieu, fins diverses et subordonnées les unes aux autres. « Sera superflu par disproportion ce qui ne répond pas aux fins du culte : 1. rendre gloire à Dieu ; 2. nous soumettre à lui par l’espril ;  ! î. et par le corps. » IP-II æ, q. xciii, a. 2. Rien de plus harmonieux, en effet, que le développement de la vraie dévotion ; rien non plus de plus humain et de plus éducateur. Mais il ne faut pas inverser l’ordre des [acteurs. « Les choses extérieures », les gestes et les offrandes, « ne sont employées que comme signes des actes spirituels, qui, eux. sont agréés par Dieu ». Les exercices de piété extérieurs ont sans doute une autre Utilité, celle de marquer les sentiments de pénitence de l’homme pécheur et de réfréner les convoitises de la chair ; mais la vertu de pénitence, vertu morale par excellence. requiert elle aussi, un juste milieu, per moderatam refrenationem concupiscentiarum. Q. xciii, a. 2. Enfin les actes de piété intérieurs demandent eux-mêmes un certain tempérament ; sauf » la foi. l’espérance et

la charité, qui mettent notre âme eu la sujétion de

Dieu et donc ne comportent pas de superflu ». Ibid.,

ad 2’"". La méditation prolongée et l’étude indiscrète même des choses de Dieu peuvent occasionnelle ment empêcher la dévotion ». II a -II", q. lxxxii, a. 3. ad l um et H um. Si l’on veut laisser hors de compte les abus du serment, de l’adjuration et l’usage indu du nom de Dieu, parce que « ces appropriations abusives du divin » ont en effet d’autres mobiles et d’autres noms que celui de culte superflu, il est bien sûr qu’il faut y inclure les innombrables abus relatifs au sacrifice de la messe, aux sacrements et aux sacramentaux : excès de confiance en leur efficacité, qui en ferait pour un peu des pratiques magiques, raffinements et scrupules dans leur célébration, etc. Pour faire bref, on cite l’exemple du chant ecclésiastique, parce qu’il est sujet, comme tout le culte public, à bien des superlluités, IP-II*. q. xci, a. 2 ; mais celui qui supprimerait, en principe, par esprit de mortification, le chant liturgique, ne serait pas exempt de superstition, cette suppression bien apparente relevant, au fond, d’un excès de religion. Quant à l’autre exemple classique d’ajouter un cierge ou autre chose à l’autel du sacrifice, le culte supcrllu s’y double parfois de vaine observance… On serait infini si l’on voulait signaler toutes les circonstances de temps, de lieu, de manière, qui peuvent surcharger inutilement l’exercice de la vertu de religion. « Le disparate de circonstances déréglées ne change pas cependant l’espèce du péché », parce que les dérèglements signalés plus haut n’ont tous qu’une même contrariété aux lins rationnelles du véritable culte. « Tout cela doit donc être tenu pour superflu et superstitieux qui, de soi, est étranger à la gloire de Dieu, à l’élévation de l’âme humaine vers Dieu, ou à la mortification modérée des convoitises de la chair, ou en lin à l’institution de Dieu et de l’Église, ce qui s’écarte de la coutume communément reçue. » H a -II », q. XCIII, a. 2.

3. Les trois critères ajoutés ici par saint Thomas : l’institution positive par Dieu ou par l’Église et l’autorité de la coutume, ne font pas double emploi avec les trois premiers, mais ils les mettent à notre portée, ce sont les règles prochaines du culte véritable. Le que Dieu n’a pas jugé bon de prescrire ou d’autoriser, ce que l’Église, dans l’organisation progressive de son culte, n’a pas institué officiellement, ce que la coutume des fidèles réprouve, tout cela doit être préjugé comme étranger aux fins du culte divin. On a déjà vu que le culte superflu ne va pas contre les règles de l’Église : c’est du supplément, de valeur pour le moins douteuse. Mais il se juge alors par la coutume : celle-ci n’étant d’ailleurs qu’affaire de pratique et non de précepte motivé, on pourra bien constater qu’une dévotion n’est pas entrée dans la pratique, mais on ne pourra déclarer qu’elle soit, par là même, contre » cette coutume. Pour savoir si elle va vraiment contre la coutume, il faut interroger le sens religieux des lidèles et finalement la raison naturelle. Aussi Suarez ajoute-t-il aux critères thomistes tout ce qui va contre la raison naturelle, non pas tout ce qui est en dehors du précepte strict, seulement ce qui montre quelque inutilité ou superfluité ou autre inconvénient de ce genre ». De reliyiouc, tr. ni, I. ii, c. i, n. 9, t. xiii, p. 471. U faut avouer que la règle est bien flexible et qu’il n’est pas de trop que Dieu et l’Église étendent leur sollicitude jusqu’à rappeler aux adorateurs le culte en esprit : en plus des institutions spéciales, il y a les directives générales, ordinalio Dei et Ecclesiæ. Loc. cit. Les avertissements du Christ contre le pharisaïsme, les conseils spirituels de l’Église rappellent que les pratiques superflues » viennent de l’hypocrisie ou d’un zèle déraisonnable », Lajetau. In II* m -Il", q. XCIII, a. 2. Maigre les directions de l’autorité vivanle, il y aura toujours une marge de liberté laissée a l’expiession de la ferveur religieuse.

La tradition.

1. Avant le christianisme. — Les

religions qui ne se réclament ni d’une révélation, ni