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2727 SUAREZ (FRANÇOIS) — SUAREZ (JACQUES DE SAINTE-MARIE) 2728

En France, le principal fondateur de la récente doctrine institutionnelle, Maurice Hauriou, dans ses Principes de droit public, t. i, 2° préface, p. xxiv, écrivait, en faisant allusion surtout au De legibus de Suarez : « L’immense et riche trésor de réflexions sociales, accumulées dans les Sommes théologiques, m’a rendu Us services les plus signalés, c’est tant pis pour ceux qui dédaignent de l’utiliser. Pour moi, je confesse que j’y ai puisé mes meilleures inspirations, mais qu’en outre j’y ai trouvé la martingale nécessaire pour ne pas commettre de grossières erreurs. »

Enfin l’Américain James Brown Scott, secrétaire général de la dotation Carnegie, concluait son dernier ouvrage, Suare : and the international comrnunity, Washington, 1933, par ces paroles significatives : A François Suarez, espagnol et jésuite, appartient la gloire d’avoir donné à chacun d’eux (le droit naturel, le droit civil et le droit des gens) leur place à la lumière du soleil juridique, de les avoir définis et d’avoir déterminé le droit des gens tel qu’il résulte de la nature des choses, d’avoir justifié une fois pour toutes dans des termes classiques l’existence nécessaire et effective de la communauté internationale, juridique et morale.

/II. EN droit INTERNATIONAL. — Le dernier des témoignages que nous venons d’apporter met en évidence la place très importante tenue par Suarez spécialement dans la formation et le développement du droit international moderne. Il nous faut, en terminant ces observations, y insister.

Cette influence est très généralement reconnue ; même les quelques théologiens qui ont cherché à opposer les doctrines de Suarez à celles de saint Thomas, voire à mettre le Ikictor eximius en dehors de la tradition catholique, ne la nient pas. Il ne s’agit pas en réalité de diminuer le maître du xiiie siècle — Suarez s’est toujours proclamé son disciple — ni d’enlever à Vitoria le mérite d’avoir lumineusement ouvert la voie à l’application aux contingences modernes des principes thomistes et ainsi d’avoir en bien des points inspiré et guidé Suarez. En unissant ce dernier à Vitoria, il nous paraît bien plus conforme à la vérité de les saluer ensemble comme deux des fondateurs de notre droit international. Cf. Y. de La Brière, Aux origines du droit international moderne, dans Revue de philosophie, mars-avril 1930, p. 93-105. Suarez, disciple de saint Thomas et continuateur de Vitoria, a eu le grand mérite de former dans le même esprit une synthèse détaillée et puissante dont s’inspireront Grotius et ses continuateurs et dont les cadres et certaines idées directrices servent encore à nos juristes.

Déjà, avant la guerre de 1914, des historiens du droit, comme L. Rolland (Les fondateurs du droit international, Paris, 1904), le proclamaient. Après la paix de Versailles, l’on sait les elïorts si intéressants qui furent tentés pour organiser cette Société des nations sur laquelle se portaient tant d’espérances ; ils donnèrent aux doctrines du droit international suarésien une activité nouvelle. On peut s’en rendre compte par la bibliographie qui sera détaillée plus bas : aucune partie de l’œuvre de Suarez n’a été aussi souvent et aussi bien étudiée ces dernières années. Le P. Yves de La Brière, dans un cours professé, en mars 1929, au centre européen de la Fondation Carnegie sur lu Conception du droit international chez les théologiens catholiques (2e leçon, p. 9), pouvait conclure que, si Suarez n’avait pas prédit la Société des nations, à savoir l’organisme qui tentait de se former alors, s’il n’est pas de ceux qui l’aient à proprement parler préfigurée (en particulier, il accentue peu la notion d’arbitrage), du

moins sa doctrine d’ensemble peut sans peine incorporer cette grande tentative et lui donner un cadre de principes qui la justifie et la soutienne. Sous la direction de ce professeur de l’Institut catholique de Paris,

un recueil des textes suarésiens les plus importants vient d’être composé et doit bientôt paraître : il rendra plus accessibles les vues originales du vieux maître et leur permettra de continuer leur action.

1. Biographie et bibliographie.

R. de Scorraille, François Saurez, de la Compagnie de Jésus, 2 vol., Paris, 1911 ; A. de Vasconcelloz, Francisco Suarez, Doctor eximius, Coïmbre, 1897 ; Sommervogel, Bibl. de la Comp. de Jésus, t. vii, col. 1661 sq. ; E. Rivière et R. de Scorraille, Suarez et son œuvre, à l’occasion du troisième centenaire de sa mort, Toulouse, 1918 ; Razon y fe, t. xlvii (1917), p. 442 sq.

2. Ouvrages doctrinaux d’ensemble et recueils d’études. — F. Noël, Theologiæ R. P. Suarez Summa seu Compendium, Cologne, 1732, réédité par M igné, 2 vol., Paris, 1859 ; J.-B. Guarini, Jiiris naturæ et gentinm principia et officia… explicala a Doctore eximio F. Suarez, Païenne, 1758, reproduit dans le Cursus complétas theologiæ de Migne, t. xv, Paris, 1841 ; K. Werner, F. Suarez und die Scholastik der letzten Jahrhunderte, 2 vol., 2e éd., Batisbonne, 1889 ; P. F. Suarez, Gedenkblàtter zu seinem 300 jàhrigen Todestage (25 sept. 1917)…, von K. Six, M. Grabmann, F. Hatheyer, A. Lnauen, J. Biederlack, Inspruck, 1917 ; Scritti varii pubblicali in occasione del terzo centenario délia morte di F. Suarez per cura del Prof. A. Gemelli… : fasc. 1 du t. x de la Rivista di fllosofia neoscolastica. Milan, 1918 ; L. Teixidor, Suarez y santo Thomas, dans Estudios ecclesiasticos, janv.avril 1933, janv.-avril 1934 ; M. Grabmann, Die Gcschichle der katholischen Théologie…, Fribourg, 1933, p. 169 sq. ; F. Cayré, Patrologie et histoire de la théologie, t. ii, 2e éd. 1933, p. 773 sq.

3. Philosophie.

L. Mahieu, François Suarez, sa philosophie et les rapports qu’elle a avec sa théologie, Paris, 1921 ; P. Descoqs, Thomisme et suarézisme, dans Archives de philosophie, t. iv, fasc. 4 (1927), p. 82 sq. ; E. Conze, Der BegrifJ der Metaphysik bei Suarez, Leipzig, 1928 ; P. Monnot, art. Suarez, dans le Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, t. vi, 1928, col. 475 sq. ; G. Siegmund, Die l.clvre von Individualionsprinzip bei Suivrez, Fulda, 1927 ; L. Fuetscher, Akt und Potenz, Inspruck, 1933 ;.1. Seiler, Der Zweck in der Philosophie des Fr. Suarez, Inspruck, 1936 ; M. Grabmann, Mitlelalterliches Geistesteben, t. I, Munich, 1926, p. 525 sq. (sur les Disputationes metaphysicee).

4. Théologie spéculative.

En plus des ouvrages mentionnés dans l’art., signalons : A. Breuer, Der Gottesbeiveis bei Thomas und Suarez, Fribourg, 1929 ; Leiwesmeier, Die Gotlestehre bri Suarez, Paderborn, 1938 ; J.-H. Busch, Dos Wesen der Erbsùnde nach Rellarmin und Suarez, Paderborn, 1909 ; F. Stegmuller, Zur Gnudcidehre des jungen Suarez, Fribourg, 1933 ; P. Dumont, Liberté humaine et concours divin d’après Suarez, Paris, 1936 ; J. Gummersbach, Unsiindliehkeit und Refestigung in der Gnade…, Francfort, 1933.

5. Théologie pratique.

- Les études les plus importantes ont été indiquées au cours do l’article ; nous y ajouterons : P. Pourrai, La spiritualité chrétienne, t. iii, Les temps modernes, première partie, 2° éd., Paris, 1925, p. 336 sq. ; L. Kccascns Siches, La filosofiu del derecho de Suarez, Madrid, 1927 ; H. Rommen, art. Suarez, dans le Slaatslexicon, 5 « éd., Fribourg, 1932, t. v, col. 207 sq. ; R. Vuillerniin, Concetti politici délia « Dcfensio (idei » di Suarez, Milan, 1931 ; A. Dempf, Christliehe Staatsphilosophie in Spanien, Salzbourg, 1937 ; G. Neyron, La doctrine de Suarez sur lu famille, dans Revue apologétique, juin 1939, p. 389 sq. ; J. Larequi, Del « Jus gentium al derecho internacional, dans Razon y fe, 25 tévT. et 10 mai 1928 ; J. Brown-Scott, The catholic conception o/ international lau>, Georgetown, 1934, p. 127 sq. ; II. Bernard, Lu théorie du protectorat civil des missions en pays indigène d’après Suarez dans Nouvelle revue théologique, mars 1937, p. 261 sq. ; J.-B. Schuster, Bemerkungen zur Krtegslehre von Suivez, dans Scholastik, 1930, p. 387 sq. ;

y. de La Brière, Le droit île juste guerre, Paris, 1938, p. 13 sq ; Vitoria et Suivez : Contribution îles théologiens uu droit International moderne, prêt, de J. Brown-Scott, Introd. du P. de La Brière, Paris, en préparation.

H. Brouillard.

2.SU A REZ Jacques de Sainte-Marie, frère mineur portugais des xr

r siècles. Ne à Lisbonne, au

début de décembre 1551, il entra au couvent royal des mineurs de Lisbonne le 23 avril 1567 el aurait étudié, aux universités de Paris et de Louvain, la théologie, en laquelle il aurait pris le grade de docteur. Il s acquit surtout un grand renom comme prédicateur,