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SUAREZ. THÉOLOGIE PRATIQUE, [NFL1 I.M.I.

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positiva, speculativa, polemica et easuistiea, omnibus seilieet pariibus absoluta : in ea mirantur ubique conjuncta eruditionem, vint et subtilitatem, diligentiam, sobrietatem et prudentiam, pietatem. Forte produci poterunt i/(ii suh uno rel speciali respectu Doctortm eximium rinçant… at nultus est (/ni omnes sinmt perjeeti theologi dotes plenius cumularerit. nullus qui pintes theologise partes jelieins explieareril, nullus euius assuluum studium tunti raient ad sensurn theologicum apud ilisei pulos evoloendum et perficiendum. Noslro judicio minime e.veeilunt qui Suaresium omnium reeentioris eevi theologorum principem agnoscunt.

A vrai dire. Saurez est-il beaucoup consulté par ceux qui actuellement enseignent la théologie inorale dans le-, séminaires ou les scolasticats ? Nous n’oserions pas l’affirmer ; nous avons noté plus haut que sa méthode analytique et L’abondance de ses exposes lui nuisent auprès de Liens pressés comme Ceux de notre âge. Mais peut-être la tendance qui paraît s’accuser aujourd’hui à réagir contre une théologie trop purement casuistique et à mieux marquer les contacts avec la dogmatique ou les autres sciences théologiques, tendance qui s’accorde tout à fait avec l’esprit suarésien, vaudra-t-elle à ses œuvres quelque regain de faveur.

II. EJT PBILOSOPBIE MORALE ET JURIDIQUE. — 1° Dans l’enseignement catholique, comme on le sait, s’est constituée bien après Suarez une philosophie morale où les bases naturelles de la théologie morale, les fondements et les déterminations générales du droit naturel et les questions politiques et sociales sont spécialement étudiées.

Suarez a exercé, semble-t-il, une forte influence sur la doctrine qui y est exposée. C’est là que ses traités fondamentaux de la morale ont été davantage utilisés et que sa théologie politique a été particulièrement soutenue. Spécialement sa doctrine complémentaire de saint Thomas sur le droit subjectif, sa distinction si accusée et si claire des diverses espèces de droit, ses vues sur la société civile, le pouvoir politique et leur origine, ainsi que sur les rapports de l'Église et de l'État, paraissent y avoir été accueillies favorablement dès le xvin siècle. Au xixe. il a continué à inspirer un nombre considérable de traités de philosophie morale, surtout ceux publiés par des jésuites. Remarquons seulement que, par réaction contre le contractualisme individualiste de Rousseau et de ses adeptes, par suite aussi d’une certaine peur de ce qu’on appelait le droit de révolte (cf. J. I.eclercq, Leçons de droit naturel, t. ii, 1929, p. 271)i, on lui a généralement été moins favorable, dans les cent dernières années, en ce qui concerne la théorie de l’origine consensuelle du pouvoir concret et le démocratisme originaire et théorique dont il a été question plus haut (col. 2713). Dans une thèse doctorale, l’abbé II. -H. Quilliet, put en 1893, en défendant cette doctrine suarésienne, l’appeler theoria catholica et tenter île réduire les oppositions qui lui étaient marquées. En fait, de nombreux théologiens et moralistes, même parmi les confrères de Suarez, Libéra tore, Taparelli, Tongiorgi, Meyer, Schiffini, etc., lui ont substitué, '.ont en gardant la plupart des autres idées politiques île Suarez. un système forlement inspiré des conceptions de.j. de Maistre, Bonald et l [aller.

Mais un mouvement de retour se fait déjà sentir.

On peut, a ce propos, se demander quelle part reconnaître a Suarez dans cette théologie politique el sociale que les souverains pontifes ont travaille (es derniers temps à donner a l'Église. Il n’est pas aisé de répondre. D’une part. Suarez n’est pas nomme, a

notre connaissance, dans les grandes encycliques de

Léon XIII et de ses SUCCeSSeUTS : le premier de Ces papes

ne paraît-il pas s’en tenir constamment a saint Thomas, indépendamment des commentateurs du grand doc

teui"? D’autre part, Léon XIII pouvait-il ne pas tenir compte, ou tout au moins bénéficier, ne fût-ce qu’inconsciemment, de tout le travail accompli par ceux ci el par l’un des plus grands d’entre eux. qui est sans contredit Suarez ? Volontiers nous estimerions que dans les matières proprement économico-sociales elles

sont du reste plutôt modernes et Suarez ne les a guère abordées — son inlluenee est à peu près absente. Signalons toutefois que, dans un des points principaux des encycliques l{erum noparum et Quadragesimoanno, celui de la propriété individuelle et familiale, c’est la conception et la formule suarésiennes du droit naturel qui sont adoptées, le droit des gens auquel saint Thomas semble bien avoir rattaché cette propriété étant laissé de ec’ité. Quant aux doctrines politiques dont Suarez s’est occupé beaucoup plus explicitement et que présentent surtout quelques-unes des encycliques les plus considérables de Léon XIII, c’est l’encyclique Immortale Dei (1885) qui nous paraît présenter l’utilisation la plus manifeste des analyses suarésiennes : la distinction des sphères d’action en ce qui concerne autorité civile et pouvoir ecclésiastique, les rapports de l'Église et de l'État, sont donnés, nous semble-t-il, tout à fait dans le sens de ces analyses..Mais il faut en revanche constater que ce document ne paraît pas favoriser la thèse de la démocratie originelle ; à vrai dire, la question de l’origine concrète du pouvoir civil n’y est pas traitée explicitement, Pour certaines des questions que Léon XIII se proposait de résoudre dans cette encyclique et dans celles qui l’accompagnèrent — le libéralisme, les changements de gouvernements, et la légitimation des pouvoirs usurpateurs — Suarez n'était du reste que d’un médiocre secours.

2° Hors de l’enseignement ecclésiastique, dans le développement de la philosophie juridique, Suarez parait bien avoir exercé une action tout à fait manifeste et que reconnaissent les historiens récents des idées juridiques ou politiques. Dans son livre si consciencieux et si nourri sur l’Essor de la philosophie politique au xvie siècle (1936), M. Pierre Mesnard a pu écrire, p. 617 : « Depuis l'éloge enthousiaste de Grotius (Epist., ci. iv. Joanni Cordesio, 15 octobre 1633), qui le met hors de pair, jusqu’au renouveau d’actualité que lui valent à notre époque les belles études de Vasconcelloz, du I'. de ScorraiUe, de Brown Scott, Barcia Trelles et Rommen, en passant par la critique flatteuse d’A. Franck, Paul Janet et Atger, on peut dire que la philosophie du droit n’a jamais cessé de le tenir pour un de ses plus éminents représentants. »

Au xviie et au XVIIIe siècle, l'école dite du droit naturel s’est certainement en beaucoup de points considérables inspirée de lui, tout en se laissant diriger par un esprit laïque et anti-théologique opposé au sien, et en exagérant parfois son consensualisme en un contractualisme individualiste, contre lequel il eût protesté. Sans doute au xixe siècle, positivisme et historicisme lui ont été hostiles et l’ont fait mettre de côté dans les écoles où ils prévalaient. Mais, avec le renouveau du droit naturel qui s’est manifesté et raffermi depuis une trentaine d’années, spécialement dans les milieux juridiques de notre pays, Suarez, comme philosophe du droit, paraît bien avoir repris une faveur nouvelle. Entre autres témoignages, citons ceux-ci empruntés a des juristes de formation et de nations 1res diverses :

Dans ses Leçons de philosophie du droit, trad., Paris, 1936, le professeur italien Georges de ! Vecchio recon naissait, p. 157. l’importance de la pensée du juriste I. Suarez : son Tractatus de legibus ac de Deo legisla tore, 1612, nous offre, disait-il, un des traités systé matiques les plus complets de noire discipline et il

énumérail un certain nombre des doctrines suarésiennes qui lui paraissaient caractéristiques.