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SUAREZ. THÉOLOGIE PRATIQUE, LE DROIT

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et traditionnelle, fait du droit quelque chose de purement subjectif, suppose que la règle de moralité n’est autre que le vouloir humain et la liberté, ce qui s’apparente au kantisme et marque un fléchissement « le doctrine dont le résultat est de < chambarder > (p. 403) tout le traité de la justice. A sou tour, après avoir reproduit ees vues, le 1’. Van Overbeke ajoute (Ephemerides Lovanienses, 1934, p. 344, note 184) qu’on s’étonne de la vogue difficilement explicable » que celle conception a rencontrée dans la suite.

En vérité, ce qui nous paraît bien moins explicable, c’est qu’on puisse à ce point se méprendre sur cette

doctrine, pourtant très clairement exposée par Suarez. . Qu’on veuille bien relire le passage où est présentée la facilitas moralis, on se convaincra sans peine que son auteur n’entendait nullement la substituer et l’opposer à la définition thomiste : auparavant, ri. 4, p. 4, il avait cité et admis celle dernière ; il l’avait même louée : et inde oplime concludit… jus non esse legem. En réalité, dans sa pensée, l’une prolongeait l’autre : la faculté morale se fondait et se réglail précisément sur le droit objectif au sens thomiste. Toute la présentation du droit naturel, lequel esi chez lui de caractère objectif et sans doute plus rigide encore que dans la Somme, proteste contre une interprétation de la définition dans le sens subjectiviste. Si Suarez l’appelle « propre et stricte », c’est que, à son avis, elle distingue plus complètement le droit de la loi. Est-ce à Driedo qu’il l’a réellement empruntée ? C’est possible, bien qu’il ne le dise pas, du moins dans le passage cité : il estimait fort en effet le De libertate christiana de cet auteur ; cf. De leg., Proœmium, t. v, p. xi. En fait si la notion suarésienne n’était pas avant lui aussi nettement formulée, elle se trouvait plus ou moins explicite chez, de nombreux théologiens et elle était courante chez, les légistes et dans l’usage humain : la justification présentée par Suarez ne repose pas sur « quelques textes scripturaires équivoques (P. Van Overbeke), mais sur l’usage fréquent fait dans l’Écriture et le droit romain, dont quelques exemples sont apportés ; nous pourrions y ajouter le témoignage des innombrables propriétaires qui, depuis qu’il y a des juges, en ont appelé à ces juges pour défendre « leurs droits » qu’ils estimaient lésés. Récemment, dans une revue peu suspecte de partialité en faveur des idées suarésiennes (.

i/elicum, avril 1939, p. 295 sq.), le P. 11. Hering, O. P., démontrait, textes en mains, que, si saint Thomas a généralement usé du terme de jus dans le sens objectif, il n’a nullement ignoré sou emploi au sens subjectif pro facultate aliquid agendi.

En somme, Suarez, lorsqu’il ajoutait aux deux sens du mol droit » reconnus jusqu’à lui (loi et droit objectif), le troisième sens, plus subjectif, de Faculté morale —, ne pensai ! nullement révolutionner la doctrine de la justice ; et pas plus qu’il n’est responsable

des ex :::- ; des juristes qui, apris lui mais non : l après lui, ont prétendu bâtir un édifice juridique tenant en soi, sans reposer sur l’ordre objectif et di in des choses,

il n’avait nullement conscience de tellement innover ;

il croyait Simplement expliciter et préciser ce qui était

plutôt latent chez ses devanciers, taire progresser une doctrine qui restait la même en se développant, progrès qui fui bien accueilli et eut un succès durable

parce qu’il répondait à une vue plus complète et plus actuelle de la réalité.

_ ! " Droit canonique proprement dit. 1. Ce ne sont pas seulement les fondements du droit canonique que nous trouvons exposes dans le De legibus ; cet ouvrage

présente en outre Imite une étude préparatoire à cette science, univéritable iu I roducl ion constituée par le

i. l. De lege positiva canonica, i.. p. 326 HO, qui en vingl chapitres i rai le de la puissance législative de l’Église, de ses rapports avec l’autorité civile, de la

matière de la loi canonique, des actes qu’elle peut prescrire OU interdire, de la forme qu’elle doit garder, de la promulgation qu’elle exige, des personnes qu’elle

oblige et de la manière dont elle les oblige.

Cette introduction est complétée par diverses considérations faites dans les livres qui étudient les modalités de la loi positive, par exemple le t. V, De l’urielole

legum humanarum et preesertim de peenalibus et odiosis, t. v, p. 112 sq. ; I. VI, De interpretatione, mutatione et cessatione legum humanarum, t. vi. p. 1 sq. ; t. VII, De lege non scripta quæ consuetudo appellatur, ibid., p. 135 sq. ; I. VIII, De lege humana favorabili seu prioilegio, ibid., p. 225 sq.

Dans plusieurs autres ouvrages on rencontre aussi des matières plus proprement canoniques : ainsi dans le De fuie, les cinq disputes concernant l’hérésie. disp. XIX-XXIV, t. xii. p. H>0 sq. : dans le De virtute religionis, tract. III, le livre abondant et qui garde un intérêt historique où il est parlé de la simonie, t. xill, ]>. d’il sq. ; dans le De eucharistia, la disp. LXXXVI, t. xxi, p. 90, ") sq., qui a pour objet les stipendia missarum ; dans le De psenitentia, les pages qui concernent la juridiction confessionnelle, disp. XXVIII, t. xxii, p. ÔTÔ sq.

Ajoutons à ces indications, qui n’ont pas la prétention d’être complètes, que toute la 2e partie du De religione (t. XV et XVI) concernant l’état religieux, présente, mêlée à des considérai ions morales ou ascétiques, un exposé très détaillé du droit religieux, tel qu’il existait au temps de Suarez. complété par le commentaire d’un institut particulier, celui de l’ordre auquel appartenait l’auteur.

2. De plus les deux ouvrages polémiques les plus considérables que nous axons de Suarez traitent de questions dont plusieurs ont un caractère canonique très marqué : la Defensio fidei catholiest adversus anglicanes secte ernres, t. xxiv, aborde dans son I. IV le problème de l’immunité ecclésiastique, p. 354-531, que discutait tout au long l’ouvrage en trois livres composé à la demande de Paul Y contre la République de Venise ; cf. Matou. Opuscula sex inedita, Bruxelles-Paris, 1859, p. 254-343, où sont publiés les deux derniers livres, le premier ayant vraisemblablement été utilisé dans la Defensio.

3. Enfin un ouvrage paru du vivant même de Suarez, le De censuris (t. xxiii et xxiii bis) est une œuvre encore plus nettement et étant entendu ce qui a été dit sur la manière propre à Suarez. en cette science - plus complètement canonique. C’est ce traité, édité à Coïnibrc dès 1603, qui consacra sa réputation comme canonisle et le montra l’égal des juristes contemporains les plus renommés. Son titre complet est le suivant : Disputationes… de censuris in communi, el in particulari de excommunicatione, suspensione et interdicto, ne præterea de irregularitate. Ces derniers nuits montrent déjà que l’auteur se rendait compte que cette dernière matière, les irrégularités, présentait un caractère spécial : le Code de droit canonique les a traitées en dehors des censures : Suarez les y joignait pour sui vre la coutume commune de son temps. L’ouvrage était donné par son auteur comme une suite et un complément « lu De psenitentia, où en effet les moralistes étudient encore l’application morale des censures ; Suarez, qui ne voulait d’abord que donner l’essentiel de si m sujet, se trouva eut raine a le traiter plus à fond ; il en résulte nue œuvre dont la portée pratique actuelle est singulièrement diminuée ; les détails de la legisia lion ecclésiastique ont vieilli, bien qu’ils demeurent par leur précision intéressants pour l’histoire ; mais les con sidérations rationnelles sur les censures, les irrégularités et sur leurs espèces restent précieuses ; lion nombre d’aulcurs modernes (YVernz. Cappello, etc.) les ont encore utilisées.