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SUAREZ. THÉOLOGIE PRATIQUE, CARACTÈRES


ainsi qu'à saint Bonaventure, par la profondeur de sa vie intérieure et la grande noblesse de son âme entièrement consacrée à Dieu et à la vérité, i Mittelalterliches Geislestebrn, t. i, c. xvii. Die Disputationes metaphysiese des Franz Suarez, p. 534 sq.

Il est vrai que ce ne sont pas d’ordinaire ces qualités sérieuses et robustes qu’on applaudit avec le plus de bruit et d’entliousiasine. Mais, à défaut de la gloire plus retentissante des grands Chefs d'école et des créateurs de nouveaux courants de pensée, Suarez mérite celle d’avoir mis au point sur la plupart des grands problèmes de la métaphysique, de la théologie dogmatique et morale et de la spiritualité chrétienne une doctrine remarquablement compétente, judicieuse cl suie. Moins brillante que d’autres, son œuvre n’a certainement pas été moins féconde et sans doute ne sera 1 elle pas moins durable.

1'. DUMONT.

III. LA THÉOLOGIE PRATIQUE. Dans

le Proœmium de son De religione, l. xiii, p. 1, Suarez a fortement marqué que la théologie ne pouvait se borner à être spéculative, qu’elle devait s’achever en théologie pratique : Sacra theologia ita sublili divinarum rerum speculatione detinetur ut humanas etiam dirigat actiones, speculatrix enim est ri practica… Minus quidem laudabilis esset, si mentem illustrait t. non mores dirii/erel… (Test le grand reproche que fait saint Paul aux philosophies anciennes. Rom., i : elles connaissaient Dieu sans apprendre à l’bonorer et

nous pouvons l’ajouter à le servir et à l’aimer. Et le grand théologien se rend à lui-même ce beau témoignage : Hic semper |/ « /7| meorum laborum scopus ut Deus ab hominibus et cognoscatur magis et ardentius sanctiusque colatur.

De fait, dans l'œuvre écrite de Suarez, si, aux traités d’enseignement se rattachant plus ou moins directement à la Somme de saint Thomas, on joint les écrits polémiques : Defensio fidei, De immunitate ecclesiastica, etc.), on peut reconnaître que sa théologie pratique n’est pas d’une moindre étendue que sa théologie spéculative : sur 26 volumes de l'édition Vives (plus exactement 28, les t. xvi et xxiii étant en effet dédoublés), 1 1 contiennent des matières qui lui reviennent, soit en totalité, soit en partie, à la suite du dogme ou mêlé a lui.

Dans ce dictionnaire, nous nous contenterons de donner quelque idée de la théologie pratique suarésienne, en marquant les matières qu’elle embrasse el ses caractères principaux, en signalant quelques-unes

de ses doctrines plus importantes ou plus actuelles (col. 2696), et en relevant quelques traces de son influence (col. 2724).

1. Matières de la théologie pratique suahésienne et caractères principaux. I. matières TRAITÉES. Le relevé des œuvres de Suarez (col. 2641 sq.) a énuméré et décrit les divers ouvrages qui t rai lent direcicineni de la théologie pratique, les uns publiés du vivant de l’auteur, les autres après sa mort.

certains retenant plutôt la forme de commentaire, du reste fort libre, de la Somme thomiste, d’autres, les plus considérables sans doute, comme le Dfi relii/ione el le De legibus, prenant celles de traites plus personnels. De plus toute une série d’ouvrages renferme des

questions se rapportant à cette théologie, soit séparées

de celles proprement dogmatiques, soit mêlées à elles.

Sans y revenir, il importe de souligner l’ampleur

des matières, qui sont traitées dans ces divers nuvra

^es. Par rapport à la division des sciences i héologiques telle qu’elle existe actuellement en suite de leur déve loppement historique, on peut sans exagérer affirmer que ces matières couvrent la plus grande partie du Champ de la théologie morale proprement dite (en y ajoutant la philosophie morale), du droit canon, el

même de la théologie ascétique et mystique : de plus une portion considérable du De legibus et de la Defensio fidei prendrait avantageusement place dans cette théologie politique et sociale, la dernière née des sciences théologiques, qui travaille de nos jouis à se constituer sous l’influence et la direction des encycliques pontificales.

Les seules matières vraiment importantes se rapportant à ces diverses sciences dont Suarez n’ait pas traité paraissent être surtout les suivantes : diverses parties plus techniques du droit canon comme les procès ecclésiastiques, des questions plus appliquées de la vie ou de la direction spirituelle et - ceci concerne principalement la théologie morale —la justice et les sacrements de l’ordre et du mariage. Sur la justice. Suarez ne nous a donné comme étude détachée que celle de ses bases dans le De leijil’us ; les déterminations de cette vertu et les contrats ne sont pas exposés ; sur la vie économique, qui attira si vivement l’attention de certains moralistes de son âge, comme Molina ou comme son propre élève, Lessius, l'œuvre de Suarez est muette. Quant au sacrement de l’ordre, il n’en a point traité directement et n’en a touché que des points secondaires : célibat des prêtres, irrégularités, etc. ; nous savons qu’il avait enseigné en détail celui du mariage et qu’il projetait d'écrire sur lui un traité spécial ; même après le grand ouvrage de Thomas San chez, qui semblait exhaustif à ses contemporains. Suarez prétendait pouvoir produire sur celle matière une œuvre personnelle et nouvelle. Ci. de Scorraille, t. ii, p. 406. Dans sa Theologise H. P. /'. Suarez somma mit compendium…, publiée en 17 : î2, 1c P. François Noël a cru bon pour réparer ces deux dernières lacunes de donner, en appendice des résumés suarésiens, ceux du De justitia et jure de Lessius et du De m ilrimonio de Sanchez.

Ajoutons que, sur les matières de chasteté eu dehors du mariage, pas plus que sur la vie économique ou conjugale, Suarez ne nous a pas donné d'ét ude directe : s’il en a parlé à propos du vœu de chasteté et du célibat ecclésiastique, c’est plutôt sommairement et à un point de vue canonique.

II. CARACTÈRES PRINCIPAUX.

De cette théologie pratique si ample, voici les caractères principaux que nous croyons pouvoir relever :

Continuité.

- Le premier, et sans doute le plus

distinctif, c’est son unité de visée et d’aspiration, ce que nous pourrions appeler sa continuité.

D’une part, donnée comme une suite normale de la théologie spéculative ou dogmatique, clic reste, dans la pensée de son auteur, intimement unie à celle dernière ; d’autre part, même quand elle se fait spécialement morale, canonique, ascétique, politique, elle prétend demeurer théologique, poursuivre une tâche t héologique.

1. Comme dans la Somme de saint Thomas, c’est autour de l’idée centrale de Dieu que gravite tout entière sa doctrine ; cf. de Scorraille, I. n. p. 107 sq. ; elle a pour objet le retour de l’homme à I lieu par la vie morale, les vertus, les sacrements, les lois divines cl humaines, toutes les aides diverses que l'Église offre aux chrét ieus. I.c liait c De legibus porte comme second litre De législature Deo ; à toutes les autres œuvres de celle théologie pratique, on pourrait en ajouter un semblable, établissant un rapport analogue de la ma tière à I lieu.

2. Depuis des siècles existait, avec son objet et sa méthode spéciale, le droit canonique. La théologie mo raie, dépendante quant à son fondement, mais cependant distincte de la dogmatique Ilenrique/ venait

au temps « le Suarez de lui donner son nom - s'était

manifestée par des œuvres propres : Sommes pénilentielles du Moyen Age, Somme morale plus théologique