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l'Église universelle, soit quelques Églises particulières, il serait fort utile que l’universalité de l'Église fût représentée parmi ees mêmes cardinaux.

Partant de cette conception vraiment catholique de l’unité de l'Église, Strossmayer insiste sur la délicatesse et la circonspection qu’il faut mettre dans les relations avec les non-unis. Il faut surtout éviter les expressions t] ni pourraient les blesser dans leur amourpropre, par ailleurs légitime. Dans son premier discours tenu au concile, le 30 décembre 1869, Strossmayer énumère plusieurs de ces expressions malencontreuses employées par les Pères du concile eux-mêmes, à propos des chrétiens sépares et de leur doctrine : antichristus. turpitudo. noxa, abominatio et detestatio, impietatum et errorum monstra, pestis, cancer, etc. Ces expressions, dit-il avec raison, sont pareillement éloignées et de l’esprit contemporain et de l’esprit de l'Église. » Et ceux qui croient qu’avec d’aussi dures expressions et des anathématisines on puisse convertir le monde moderne et le ramener au sein de l'Église sont complètement dans l’erreur. » Ibid., p. 24. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord sur la justesse de cette observation ; à l'époque du concile du Vatican des paroles de ce genre avaient sans doute quelque chose de nouveau.

Travaillant inlassablement à l'œuvre de l’union des Églises, Mgr Strossmayer noua de nombreuses relations avec les représentants des diverses nations slaves. Il comptait de nombreux amis personnels en Serbie (depuis 1851 il était administrateur apostolique pour tout le territoire de la Serbie), en Bulgarie, au Monténégro, mais surtout en Russie. Strossmayer était convaincu que les peuples slaves allaient jouer dans un avenir prochain un rôle considérable en Europe. En septembre 1876, il envoyait au tzar Alexandre II, par l’intermédiaire du diplomate russe Heesen, un long mémoire sur la nécessité d’un concordat entre le Saint-Siège et la Russie. Tel qu’il était conçu, ce mémoire impliquait à l'époque un acte de haute trahison. Il marqua le commencement de longues négociations qui aboutirent en 1882 à la signature d’un « arrangement préliminaire » et en 1905 au concordat. Depuis cette date la Russie a passé par de lugubres vicissitudes et les grands espoirs que Strossmayer nourrissait à l'égard du plus grand pays slave paraissent, du moins pour le moment, avoir été vains. Saurait-on pourtant dire aujourd’hui d’une façon définitive que Strossmayer se soit trompé?

III. Au congelé do Vatican.

Mgr Strossmayer a été très actif au concile du Vatican. Il a prononcé en tout cinq discours, dont un seul sur la question la plus difficile, ceiie de l’infaillibilité du pape. On sait du reste que Mgr Strossmayer faisait partie du groupe des anti-infaillibilistes, à côté de Mgr Dupanloup, de Mgr Darboy, des cardinaux Schwarzenberg de Prague et Rauscher de Vienne, et d’autres. Mais il faisait aussi figure d’opposant dans d’autres questions discutées au concile

Dans son premier discours du 30 décembre 1869, lors de la discussion du schéma de la constitution dogmatique De doctrina catholica, il parla longuement du titre de la constitution qui aurait dû contenir, selon lui. non seulement le nom du pape, mais encore celui du concile entier, en harmonie avec la tradition depuis le concile de Jérusalem jusqu'à celui de Trente. Il constata au même discours qu’une grande partie du schéma ne faisait que soulever de vieilles questions d'école, sans aucun rapport avec la vie réelle qui, trop souvent, n’est que très mal connue par les théologiens. Il proposa en même temps que l’on employât des expressions plus charitables à l'égard des chrétiens non catholiques et même des Incroyants. Certaines phrases de ce discours de Mgr Strossmayer sont pres que de véritables prévisions, concernant par exemple le développement de la démocratie dans le monde et l’influence de la presse, aussi bien que l’importance qu’allaient prendre les mouvements sociaux.

Le second discours de Mgr Strossmayer relatif au schéma De disciplina ecclesiastica contient les propositions sur la réforme du collège cardinalice, relevées plus haut, et d’autres propositions d’ordre pratique, ainsi par exemple l’abolition du droit des souverains de nommer les évêques. Cette question était d’ailleurs une des plus épineuses pour les catholiques de la double monarchie. L’empereur faisait souvent nommer des e êques de nationalité allemande ou hongroise pour les fidèles slaves : Tchèques, Slovaques, Croates et autres. II va de soi que pour l'Église catholique il ne pouvait résulter de là que des désavantages.

Le troisième discours de Mgr Strossmayer, prononcé le 7 février 1870, sur le schéma De vita et Iwnestale clericorum a, lui aussi, plutôt une portée pratique.

Son quatrième discours, prononcé le 22 mars lors de la discussion spéciale de la constitution De doctrina calholica, provoqua dans l’assemblée un véritable orage. Strossmayer insista tout d’abord sur la nécessité d’ajouter une précision au début de la constitution. Celle-ci était libellée comme suit : Sedentibus nobiscum et judicanlibus universi orbis episcopis in hanc acumenicam synodum auctoritate nostra in Spiritu Sancto congregatis. Strossmayer proposa que l’on ajoutât, après judicanlibus, les mots et definientibus de fide. Ibid., p. 78.

D’après Strossmayer le schéma de cette constitution aurait trop chargé les protestants, en leur imputant à peu près toutes les erreurs de ce temps. A l’affirmation de Strossmayer que, parmi les protestants, il y avait encore aujourd’hui beaucoup de personnes qui aimaient vraiment Notre-Seigneur Jésus-Christ, des mouvements divers commencèrent à se produire dans l’assemblée. Le président, le cardinal De Angelis, dut intervenir. Le calme ayant été finalement rétabli, Strossmayer passa à la critique de la procédure du vote. Il protesta contre le fait que la majorité des voix avait été déclarée suffisante pour toute définition dogmatique, alors qu’autrefois l’unanimité morale était exigée. Un tumulte encore plus grand que le précédent interrompit l’orateur. En protestant contre cette interruption, celui-ci descendit de l’ambon. Parmi les interrupteurs, plusieurs s’oublièrent jusqu'à lui jeter l’anathème, à l’appeler un second Luther, à le traiter même de Lucifer. Cf. op. cit., p. 88.

Le dernier et cinquième discours de Strossmayer, tenu le 2 juin 1870, a seul trait à la question de l’infaillibilité pontificale. Ce fut le plus long des discours de Strossmayer, mais, pendant deux heures entières, les Pères du concile suivirent l’orateur avec intérêt, dans un calme absolu. Le charme que possédait la parole de Mgr Strossmayer y fut sans doute pour quelque chose. Il n’est pas nécessaire de s'étendre sur le contenu de ce discours. L’orateur y développe deux arguments qui, de son point de vue, s’opposent à la définition de l’infaillibilité. D’une part ce sont les difficultés d’ordre historique et, de l’autre, l’inopportunité qu’il y aurait à proclamer ce dogme. Strossmayer accentua tout particulièrement les conséquences fâcheuses que ce dogme pourrait avoir pour le rapprochement des chrétiens non catholiques avec l'Église romaine. Il est curieux de noter que Mgr Strossmayer parle toujours d’une absoluta et personalis infallibilitas romain Pon tificis. L’on sait que dans l’assemblée générale du 13 juillet, Strossmayer fut parmi les évéques qui voté rent : non placet. Il quitta immédiatement Rome pour ne pas devoir assister à l’assemblée Bolennelle du 18 juillet à laquelle le dogme de l’infaillibilité fut promulgué.