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seeessui obnoxium, id est Ueribaldo Antisiodorensi episcopo qui turpiter proposait, et Rabano Mogontio qui turpius assumpsit, turpissime vero conclusit, suus ad

respondendum locus seroetur. Col. 179. Contre eux. il en appelle à la solution proposée par l’Anonyme de d’Aehéry, col. 188 ; mais il ne se contente pas de cette solution toute faite : il en appelle a la dialectique, en l’espèce à la théorie de la digestion des médecins (physici) de Rémi d’Auxerre : Physica enim sic se habct : ignea virtus, cujus sedes in corde est, cibi polusque subtilem per occultos poros in diversas corporis partes vaporem distribua, Jœculentum vero in secessum desumit… C.cterum quia vere credimus non solum animant sed carnent nostram hoc mysterio recreari, carni quidem caro spiritualiter conuisceratur, transformatur, ut et Christ i substantia in nostra carne inveniatur… ipsius potentia caro et sanguis ejus sumptus non in noxios et superfluos humores, sed in carne vere ressuscilanda debeat reservari conformata. Col. 188. En résumé, pour Hériger comme pour le pseudo-Chrysostome et d’autres Grecs, les espèces se transforment totalement en chair et sang en vue de la résurrection du corps.

Cette solution qui fait des espèces absorbées dans notre organisme comme un dépôt, germe du corps qui doit ressusciter au dernier jour, et qui leur refuse le sort de toute chose digérée, matérialise trop la conception de la communion sacramentelle et méconnaît, sous prétexte de vénération, l’objectivité complète des espèces. Elle va se retrouver chez les auteurs qui vont réfuter les idées de Bérenger sur l’eucharistie.

4° La controverse stercoraniste, du milieu du A7e siècle au milieu du XIIe siècle. — 1. Les accusations du cardinal Humbert contre Bérenger et Nicétas Stéthalos. — Vers le milieu du xie siècle, apparaît le mot « stercoraniste ». Dans une lettre à Eusèbe Brunon. évêque d’Angers, qui passait pour soutenir Bérenger (voir K. Francke, dans Neæs Archiv, t. vii, 1882, p. 614 et 615 et Brûcker, L’Alsace et l'Église au temps du pape saint Léon IX, Strasbourg-Paris, 1889, t. ii, p. 393-395), le cardinal Humbert reproche violemment à l'évêque d’Angers de mériter le reproche de stercoranisme : nec ctun Berengario tuo, ah ! pudet, slercoranista dici et agnominari, sicut Francigenarum scripta quæ ad nos pervenerunt edocent, meruisses.

Le même cardinal, dans une réponse virulente au Libellus contra Latinos de Nicétas Stéthatos, c. xi-xiv, P. G., t. cxx, col. 1017-1019, porte la même accusation contre le moine grec : Sed, o perfide stercoranista, qui putas fideli participatione corporis et sanguinis Domini quadragesimalia atque ecclesiaslica dissolvi jejunia, omnino credens cœlestem escam velut terrenam per aqualiculi felidam et sordidam egestionem in secessum dimitti. Cette accusation, si l’on se reporte au libellus de Nicétas, tombe à faux comme l’a remarqué Ycrnet, art. Eucharistie, t. v, col. 226 : « Ce qu’il reproche aux Latins, c’est non pas de rompre le jeûne par la réception de l’eucharistie, mais de commencer à la troisième heure et de rompre le jeûne ensuite… il ne professe pas le stercoranisme. »

Pas plus d’ailleurs que Nicétas, Eusèbe Brunon ni Bérenger ne méritaient ce reproche du fougueux cardinal. Bérenger reconnaissait l’objectivité du pain et du vin a l’autel après la consécration. Il avait tort sans doute de rejeter l’idée de conversion et de se contenter comme Batramne d’une présence trop purement spirituelle et dynamique du Verbe incarné ; mais en supposant que le sacramentum du corps et du sang, comme tel, nourrissait le corps et connaissait le sort de toutes choses digérées, il ne faisait que défendre une vérité que mettra plus tard en relief saint Thomas. Ainsi, loin de mériter ce reproche, par sa conception ultraspiritualiste de l’aliment céleste reçu dans la communion, il professait exactement le contraire du sterco ranisme et pouvait très justement objecter a ses contradicteurs que leur croyance conduisait à cette erreur. En effet, le cardinal Humbert, dans la confession de 1059 imposée à Bérenger, en ne distinguant point, dans la réalité complexe eucharistique, le sacramentum (espèces eucharistiques) et la réalité spirituelle du corps glorifié du Christ, en prétendant que le corps du Christ lui-même était broyé par les dents, rompu par les mains du prêtre, s’exposait à reconnaître, dans la logique de ses vues, que le corps du Christ lui-même était affecté par les transformations de la digestion, ou à prétendre, contrairement à l’expérience, que les lois de la digestion concernant les espèces eucharistiques étaient miraculeusement suspendues.

2. Accusations de stercoranisme contre les disciples de Bérenger. — a) Durand de Troarn († 1088) dans son De corpore et sanguine Christi, P. L., t. cxlix, col. 1373 sq., est un des premiers théologiens à défendre la théologie traditionnelle de l’eucharistie contre Bérenger : il le fait dans l’esprit de Pascase. Pour lui, après la consécration, rien ne subsiste du pain et du vin ; il ne reste absolument rien sur l’autel que le corps du Christ et quelque chose qui frappe nos sens. Mais cette apparence extérieure n’est en aucune façon la survivance de la couleur, du goût et de l'étendue de ce pain antérieurement posé sur l’autel. Au fond, les sens nous trompent sur l’objectivité des espèces.

Bérenger, au contraire, dans son De sacra Cœna, part des données des sens sur la persistance des éléments sensibles après la consécration comme d’une chose qui ne trompe pas : en cela, il a raison ; mais il en tire des conclusions métaphysiques discutables du point de vue de la foi.

Pour mieux réfuter Bérenger et ses disciples, Durand de Troarn pose en principe que le pain et le vin consacrées « ne sont rien d’autre que la vraie chair et le vrai sang » du Sauveur. Col. 1375. Puisqu’il n’y a plus sur l’autel que le corps et le sang du Christ, sans la réalité des éléments sensibles (que nous appelons les accidents du pain), rien de l’hostie consacrée ne peut être corrompu, rien ne peut être soumis aux lois physiologiques de la digestion : l’eucharistie ne peut nourrir le corps ; elle est tout entière et uniquement aliment céleste : Nec ut pravi qaique audent delirando confingere, in digestionis corruptionem resolvitur ; sed magis in menti bus utenlium vilam salutemque efficienter operatur. Col. 1380. Et ailleurs : Ipsas quoque substantias divinæ oblationis adeo corruptibiles et corrumpentes délirant esse quatenus et in digestione communium ciborum perire et amplius œquo sumentes in crapulam et ebrietatis furorem queunt verlere. Col. 1377. Admettre que le sacrement puisse se corrompre ou nourrir le corps, lui apparaît une ignominie. Col. 1379, 1382, 1390. Il en appelle à saint Augustin pour confondre les stercoranistes : Hic stercoranistiv. audiant quid tantus doclor dicat : « Non das in carne et sanguine tuo nisi quod es. n Vila œterna ipse effet vilam œlernam quod es das ; non stercora quod non es in carne et sanguine qui ex le est. Col. 1402.

Une telle argumentation ne pouvait guère convaincre Bérenger qui prenait la base de ses raisonnements dans les témoignages sensibles et constatait par les sens que le sacramentum était soumis aux lois de la digestion. Les deux adversaires admettaient bien que l’eucharistie est un aliment céleste, la nourriture de l'âme..Mais l’un et l’autre simplifiaient le mystère eucharistique. Bérenger méconnaissait la conversion substantielle du pain et du vin au corps et au sang du Christ : il lui manquai ! la théorie philosophique pour distinguer entre substance et accidents et maintenir ainsi l’objectivité des éléments sensibles consacrés, sans méconnaître le changement de la substance du pain et du vin dans le corps et le san^ du il