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STATTLER (BENOIT ;

souverain pontife, on ne peut s’arrêter à tics considérations de personnes ; il faut veiller ; ce que les bons catholiques ne soient pas induits en erreur par des livres qui, en un sens, sont plus dangereux que d’autres, du fait que leur auteur a la réputation d’un homme bien intentionné, savant et pieux.

StatUer rédige aussitôt une réponse au sujet des 12 propositions qu’on lui demande de rétracter. Il explique certaines de ses affirmations, reconnaît qu’il a employé ici ou la des formules inexactes, propose des corrections. Pour ce qui regarde sa doctrine du pouvoir épiscopal quridiction immédiate de droit divin), il fait remarquer que c’est la position presque commune des théologiens français et allemands. Pourtant, si le pape définit la doctrine contraire, Stattler se soumettra. Même déclaration au sujet de sa thèse contre la juridiction immédiate du pape en dehors de Rome. Quant à l’affirmation particulière que le pape ne peut donner l’absolution sacramentelle dans un diocèse étranger sans la permission de l'évêque local, l’auteur fait observer qu’il l’a déjà désavouée dans deux ouvrages parus après la Démonstratif). Il est tout disposé, enfin, à publier un volume d’explications et de rétractations. L'évêque d’Eichstâtt envoie ces éclaircissements à Rome en juillet 1795. La réponse de Pie VI arrive le 23 janvier 1796 : les explications de Stattler ne sont pas satisfaisantes ; s’il ne consent pas à rétracter purement et simplement son ouvrage, le décret de condamnation paraîtra dans trois mois.

Désormais, la cause de l’ancien pro-chancelier est perdue. Il essaie cependant d’une nouvelle lettre au [tape (25 mars 1796). Il s’y plaint qu’on le traite plus durement que n’importe quel autre, puisqu’on l’oblige à rétracter des opinions que le concile de Trente, après les avoir examinées, a voulu laisser libres et qui sont, de fait, tenues par d’innombrables théologiens. « Jusqu’ici, dit-il. la censure n’a pu montrer dans mon livre une seule proposition qui ait été condamnée par un concile ou un pape, par le consentement des Pères ou des théologiens. Le jugement d’un particulier — et n’importe quel censeur n’est rien de plus, quand il ne peut invoquer un jugement officiel de l'Église — ne suffit pas pour me condamner officiellement ». Cf. Reusch, op. cit., p. 1005. Plaintes inutiles : le 23 mai 1790, paraît un décret de l’Index, portant la date du 29 avril 1796 et s’appuyant sur le décret du 10 juillet 1780, qui inscrit la Demonstratio catholica au catalogue des livres prohibés.

Quelque temps après, Stattler commet la faute de publier lui-même en un recueil anonyme la plupart des pièces de ce long et pénible procès. Il n’y gagne rien, car le 10 juillet est publié un nouveau décret complétant le premier et condamnant le De locis theologicis, la Theologia christiana theoretica, la brochure intitulée Epistola parsenelica ad virum clarissimum doclorem C. F. Bahrdt, Eichstâtt et Gunzburg, 1780, et le recueil des Authenlische Aktenstiicke wegen dem zu Rom theils betriebenen theils abzuivenden gelrachteten Yerdammungsurtheil ùber das Slaltlerische Duch Demonstratio catholica, Francfort et Leipzig. 1796, un vol. in-8°.

Il semble bien que ces décrets n’aient pas été officiellement notifiés a Stattler. Il meurt d’ailleurs subitement, quelques semaines plus tard, d’une attaque d’apoplexie.

Conclusion. — La personnalité et l'œuvre de Stattler ont été de son vivant très diversement appréciées. Michel Sailer, qui fut son élève et son collègue à Ingolstadt, aimait sa terrible franchise et admirait son ouverture d’esprit. Devenu évêque de Ratisbonne, il fléchirait devoir tout ce qu’il était à son maître et regrettait qu’on ne le lût |i ; h davantage. Il est certain d’autre part que, trop conscient de sa valeur, trop

DICT. DE THÉOL. CATIIOL.

exclusivement préoccupé aussi des exigences de son temps, le professeur dTngolstadt traita souvent de haut les théologiens qui restaient attachés plus que lui aux méthodes et aux formules traditionnelles. Ceux-ci ne lui pardonnèrent ni sa suffisance ni ses hardiesses doctrinales. Et Zallinger exprime bien l’opinion de ces tenants de la tradition lorsqu’il écrit que Stattler multos jam gemilus omnibus bonis expressif. Cite dans Kirchenlexikon, t. xi, col. 743.

Ces appréciations sévères ont trouvé de l'écho chez certains historiens. M. Maisonneuve écrivait naguère ici-même (art. Apologétique, t. i, col. 1545) : « Faudra-t-il ranger parmi les catholiques Benoît Stattler… successivement bénédictin [Stattler s’appelait Bcncdikt et avait commencé ses études de grammaire chez les bénédictins de Niederaltaich, mais nous ne lui connaissons point d’autres attaches avec l’ordre de Saint-Benoit, dans lequel il trouva même ses adversaires les plus décidés], jésuite, curé [mais, dans l’intervalle, la Compagnie de Jésus avait été supprimée], dont la Demonstratio catholica, 1775, fut mise à l’Index et qui refusa de se rétracter ? »

Les historiens plus récents sont moins sévères et, semble-t-il, plus équitables. « On ne peut ranger parmi les représentants de l’Aufklàrung, déclare nettement Mgr Grabmann, l’ancien jésuite Benoît Stattler, qui [en dépit de certains excès]… se tenait sur le terrain du dogme catholique, r> Geschichte der katholischen Théologie, p. 211. Au jugement du Dr. Anwander, qui a étudié toute cette période de la théologie catholique allemande, Stattler, « également remarquable comme homme et comme penseur », est une des personnalités les plus éminentes non seulement de la Compagnie de Jésus et de la Bavière, mais de tout le xviiie siècle catholique. Il eut le mérite, dit encore M. Anwander, d’aborder franchement tous les problèmes de son temps, de renoncer aux stériles polémiques contre les protestants pour essayer de tourner contre la librepensée incroyante toutes les forces chrétiennes unies, de prolonger dans le sens catholique la philosophie de Leibnitz et de Wolf, de combattre vigoureusement et intelligemment le kantisme Die allgemeine Religionsgeschichte, p. 26 sq.

On peut se demander toutefois si les méthodes de Stattler étaient les meilleures. On doit reconnaître que les résultats, en tout cas, n’ont pas répondu à son attente ; que, même, son ardeur combattive ou son zèle pour l’union de tous les chrétiens l’ont amené parfois à des positions ambiguës, téméraires ou même inconciliables avec la parfaite orthodoxie. Il n’en garde pas moins le mérite d’avoir entrepris, dans le désarroi de la pensée catholique et sous les assauts du rationalisme antichrétien (qu’il suffise de rappeler ces noms qui reviennent si souvent dans ses livres : Hume, Locke, Reimarus, J.-J. Rousseau…), une œuvre difficile, mais communément désirée, de renouvellement et d’adaptation. Les historiens de l’apologétique catholique, quelles que soient leurs préférences personnelles (LeBachelet, Werner, Anwander, Eschweiler…), lui assignent tous une place de choix parmi ceux qui contribuèrent à élaborer, sous sa forme systématique, l’apologétique que nous appelons encore traditionnelle.

Allgemeine deulsche Biographie, t. xxxv, p. 498-506 ; Vn wander, Die allgemeine Ileligionsgeschichle in katlwliscliem Deutschland, Salzbourg, 1932, p. 26 sq. ; Buchberger, Lextkon /tir Theologie und Kirche, t. ix, p. 781 ; Duhr, Geschichte </ « r Jesuiten. t. iv b, p. 51 sq. ; Eschweiler, Die zwei H ege der neueren Théologie, Augsbourg, 1926, p. 82-84 ; Grabmann, Geschichte der katholischen Théologie, Frfbourg-en-B., 1933, p. 21 1 ; I lurter, Nomenc/aior, :  ;.< 1. 1., col. 373-376 ; Kirchenlexikon, t. xi, col. 711-71 1 ; Koch, Jesuiienlexikon, p. 1689 ; Reusch, Der Index der verbotrwn Bûcher, t. n b, Bonn, 188."), p. 1000-1005 ; Sommervogel, Bibl. de la Comp. de Jésus, t. vii, col. 1498-1509 ; K. Werner, Geschichte der

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