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SPIRITUELS

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est question de la pauvreté et de la science. Entre autres, l’auteur déconseille à ces dévots de s’adonner au commerce, sans doute parce que le commerce est source de richesse et prête occasion a la fraude, mais il veut qn 'ils se contentent du travail manuel en exerçant quelque métier licite et honnête. On y trouve du reste de beaux passages sur l’imitation du Christ, sur la méditation de sa sainte passion, etc.

Frère Ange avait de grands amis dans l’ordre des ermites de Saint-Augustin, tels que le bienheureux Simon de Cascia, Jean de Salerne et d’autres qui nous ont conservé ses lettres, niais rien ne nous dit qu’ils aient constitué dans leur ordre un parti spécial. Par contre, on trouve un parti spirituel ou rigoriste dans l’ordre de Saint-Dominique au commencement du xiv siècle et précisément dans la Province romaine à laquelle appartenaient, outre Rome et l’Ombrie, la Marche d’Ancône et la Toscane. Bien qu’on ne puisse établir aucune relation entre les spirituels franciscains et les zelanti chez les prêcheurs, il faut voir dans ce mouvement dominicain une répercussion des luttes sur la pauvreté dans l’ordre de Saint-François. Il se forma, vers 1300, dans la province dominicaine de l’Italie centrale un parti qu’on appelait les spirituels ou spigolistri, qui se proposait de ramener l’ordre aux rigueurs de l’observance primitive. Naturellement il rencontra de l’opposition dans l’ordre même. La question fut traitée dans plusieurs chapitres provinciaux et généraux. On parvint à une décision de conciliation au chapitre provincial de Todi (1319), dont le décret, modifié quelque peu, fut promulgué au chapitre général célébré à Florence en 1321. On y proclamait l’innocence des accusés et on imposait le silence sur l’objet même de la controverse ; les frères durent abandonner toute singularité ; le nom de « spirituel », nom de parti engendrant la discorde, fut interdit. On a cru jusqu’ici que le conflit s'était terminé là ; mais un décret inédit du chapitre provincial célébré à Rome en 1324 nous apprend qu’il n’en fut rien. Le chapitre s'élève contre les mœurs singulières et la doctrine de certains frères qui ont été appelés jusqu’alors spirituels et qui s'écartent non seulement des saints pères dominicains, mais encore de la saine vérité catholique et qui, par là, ont jeté le discrédit sur la province et sur l’ordre et ont été cause de scandales. Pour obvier à tout cela les prieurs locaux sont tenus par obéissance de rechercher, de dénoncer et de punir les coupables, cl si. dans l’espace de deux mois, ceux-ci ne se corrigent pas, ils perdront les privilèges de l’ordreetledroit de vote et leurs fauteurs seront punis encore plus sévèrement. Cf. Archives générales des frères prêcheurs, Rome, Saint-Sabine, cod. XIV, A, i, fol. 233 v°. Il est évident que quelque chose s'était passée entre 1321 et 132 I pour causer cette brusque volte-face à l'égard des spirituels dominicains. On ne se trompera guère en en voyant la cause dans la controverse sur la pauvreté du Christ et de ses apôtres, dans laquelle les sympathies des spirituels dominicains allaient probablement, tout comme chez les anciens spirituels franciscains, dans une direction opposée a la doctrine de l’ordre et à la décision donnée par la décrétale Cum inter nonnullos en 1323. Le texte même du décret de 1 324 semble justifier cette in terprétation. Le chapitre général de Perpignan (1327) revint sur la question et, sans toucher la doctrine, prescrivit la dispersion en différents couvents de ceux qui veulent mener une vie singulière et même, s’ils s’obs tinent, la peine (le l’emprisonnement. Voir P. Th. Ma setti, Monumenta et antiquitales… <). /'. in romana provincia, t. i. Home, 1864, p. 277-279 ; P. Bhrle, dans Archiv, t. iii, p. 011-01-1 ; li. Heichcrt, Monumenta O. F. ]>., t. iv, Rome, 1899, p. 137. 169.

I.e mouvement des spirituels franciscains, inspiré d’abord par un idéalisme élevé qui se rattachait à l’in tention de saint François dictant sa règle et son testa ment a misérablement échoué. Nous avons exposé les causes de cet insuccès éclatant et mérité sans doute, mais funeste à l’ordre : mauvaise tactique, entêtement borné, joachimisme outré et injurieux pour l'Église, tout cela compromit d’abord et ruina ensuite d’une façon irréparable les aspirations de ces idéalistes fourvoyés. « Jamais cause plus respectable, dit le P. René de Nantes, ne fut défendue avec moins de prudence et d’habileté. » L’ordre est sorti victorieux de la lutte, mais affaibli intérieurement et dans un certain sens compromis, ce qui ne pouvait être qu’un désavantage dans la tempête qui allait bientôt se déchaîner contre lui. Ce qu’il y avait de juste et de raisonnable dans le mouvement des spirituels a été repris, une cinquantaine d’années plus tard, par l’Observance régulière, qui a su éviter les écueils contre lesquels la cause des anciens spirituels s'était brisée, et au xv c siècle, les pauvres ermites de frère Ange de Clareno ». qui avaient survécu, on ne sait comment, à la catastrophe cl étaient soumis aux évoques diocésains, se sont en grande partie ralliés au nouveau mouvement. Selon un chroniqueur du temps, le bienheureux Bernardin d’Aquila, Clironica (rat. min., éd. L. Lemmens, Rome, 1902, p. (>, c’est Ange de Clareno lui-même, qui dans un testament d’ailleurs inconnu, aurait exhorté ses disciples à faire ce pas, lorsqu’il leur serait donné de voir la bonne observance revenue dans l’ordre de Saint-François.

Une grande partie de la bibliographie sur les spirituels a été donnée ici à l’art. 1-raticeli.es, t vi, col. 782-784, et à l’art. Olieu, t. xi, col. 991. Nous nous limiterons à l’essentiel, indiquant surtout les publications postérieures.

I. Textes.

H. Sbaralea-C. Eubel, Bullarium francisca/iiini, Korao, 1759-1898, t. i-v ; FI. Annibali de l.atcia. Supplementum ml Bull, franc. Home, 1780 ; J.-M. Vidal. Militaire de l' Inquisition française au XI V° siècle, V : v », 1913 ; Ange de Clareno, Ilistoria septern tribulationuin ordinis minorum, voir ici t. VI, col. 782, et ajouter I.. Malagoli, Cronaca délie tribolazioni di Angrlo Clareno, Turin, 1931, ancienne version italienne complète ; L. Oliger, Expositio régulée fratrum minorum auctore l’r. Angelo Clareno, Quaracchi, 1912 ; N. Mattioli, Antologia agostiniana, I. ii, Il bealo Simone Fidati (la Cascia, Home, 1898, p. 336-339, lettre de Simon sur la mort d’Ange de Clareno, p. 466-487, deux opuscules mystiques d’Ange de Clareno ; Ubertin de Casale, Arbor vitæ crucifixse Jesu, Venise, 1485 ; /tr/>or vitæ crucifix » Jesu d’Ubertino da Casale, trad. et introd. par Fausta Casolini, Lanciano, 1937 (traduction italienne du prologue, du c. ix du t. IV, et de quelques chapitres du 1. V) ; lït. Baluze, ViUe paparum Avenionensium, éd. G. Mollat, Paris, 1914 sq., t.i, p.20, 73, 117 sq. ; t. ii, p. 374 ; Baluze-Mansi, Miscellanea, i. a, Lucques, 1761, p. 270 sq. ; Denifle-Chatelain, Chartularium unioersitatis parisiensis, t.ti, p. 215-218 -.Clironica S4 generalium, dans Anal, francise, t. iii, Quaracchi, 1897, p. 420, 122, 158 sq., 469, 172 sq. ; H. Finke, Acta Aratjoncnsia, Berlin-Leipzig, 1908, t. ii, p. 61-77 ; G. Golubovich, Biblioteca bio-bibliografica délia Terra santa, Quaracchi, 1906 sq., l. i, p. 51-57, 129 ; t. H, p. 80 sq., 96 sq. ; t. iii, p. 38-52 ; L. Oliger, I r. licrlraiuli de lurre processus contra spirituales vauitanim (1316) ci card. Jacobi de Colutnna liiune defensoriee spiritualtum Provinciee (1316), dans Archiuwm franciscanum historicum,

t. xvi, 1923, p. 323-355 ; du même, lr. liainhjratiu de Iler gamo et ejus Iractatus de Christi ci apostolorum paupertate,

Ibid., 1. KXII, 1929, p. 292-335 : 187-511.

II. Travaux. - 1.. Waddiug, Annales minorum, 3' éd., Quaracchi, 1931, t. i-vi. Depuis Le grand annaliste, personne

n’a autant approfondi la question des spirituels que le carcl. l 'r. Bhrle, dans V Archiv fiir Literalur-und Klrchengeschichtc, Berlin-Fribourg-en-B., 1885-1888, ou de nombreux textes sont accompagnés de commentaires très Judicieux,

Hene (le Nulles, Histoire des spirituels, l 'aris-C.ouvin,

1909 ; 1 1. I [olzapfel, Manuale historiée ordinis fratrum minorum, Fribourg-en-B., 1909, p. 15-58 ; G. Garavani, Glispi rituali francescani nelle Marelle, Frhino, 1905 (l’auteur ignore les travaux fondamentaux d’I'.lu le) ; K. Balthasar,

Gesckichte des Armulsstreltes Un Frawlskanerorden, Munis-