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rents, le joachimisme à peu près chei tous les spirituels.

Contre les spirituels se dressa le gros <le l’ordre franciscain, ou la Communauté. Dans celle-ci on peut distinguer deux partis, l’un large, l’autre modéré. A ce

dernier appartenaient les meilleurs éléments de l’ordre. Ceux qui le représentent le mieux sont des hommes comme Adam de Rfarisco, saint Bonaventure, (ionsalve dit de Yalboa. tandis que le parti large peut se réclamer du fameux frère Élie. Au parti modère est dû le grand bien que l’ordre a opéré dans l'Église et dans la soeiete au COUTS du xiii’ct même du xiv siècle : au second, à partir de la moitié du xiire siècle, l’abandon de la plupart des ermitages très nombreux au début de l’ordre surtout en Italie, et la construction des grandes églises dans les villes. Les spirituels, ne distinguant guère entre les deux partis, combattaient toute la Communauté, parce que, ennemis de tout compromis, ils se refusaient d’accepter même les adaptations nécessaires et légitimes. Pour comprendre cette attitude il faut remonter aux origines de l’ordre. II. Motifs et circonstances qui ont engendre

LE MOUVEMENT DES SPIRITUELS ET TRACES DE CELUI-CI DANS L’HISTOIRE FRANCISCAINE JUSQU’AU

II* concile de Lyon. — L’histoire d’un grand nombre d’ordres religieux démontre amplement qu'à une période initiale d’héroïsme enthousiaste succède ordinairement une phase de consolidation sur une ligne moyenne. Souvent aussi un institut, soit à cause du nombre croissant de ses membres, soit par suite de circonstances ou d’influences du dehors, est entraîné dans une voie que ses premiers commencements ne faisaient lias prévoir.

Les phénomènes devaient se vérifier dans l’ordre franciscain et se manifester d’autant plus vite que l’idéal de saint François, surtout en matière de pauvreté, dépassait grandement l’ordinaire et n'était guère praticable qu'à condition que le nombre des religieux fût limité. Dès que les masses entrèrent dans l’ordre, la situation changea profondément. La règle de 1223, approuvée par une bulle pontificale, insiste dans deux chapitres avant tout sur la pauvreté absolue, en vertu de laquelle les frères ne devaient « rien s’approprier, ni maison, ni lieu, ni aucune chose. Et, comme pèlerins et étrangers en ce monde, servant le Seigneur dans la pauvreté et l’humilité », ils pouvaient demander l’aumône. L’organisation du gouvernement dans l’ordre n’y est pas très développée, des étudesil n’est pas question ; il y a même un passage qui se prêterait à une interprétation hostile aux études. Rien n’y laisse entrevoir le puissant ordre mendiant de quelque trente ou quarante ans plus tard. Cn peu avant de mourir, le saint dicta son testament dans lequel sa pensée s’arrête surtout aux temps primitifs et héroïques de l’ordre, d’où un certain contraste avec les conditions déjà existantes de son temps. Aussi ce contraste et quelques points de la règle furent-ils bientôt l’objet de vives discussions entre les frères. Grégoire IX y coupa court en déclarant, par la bulle Quo elongati (1230), que le testament n’avait pas force législative et en donnant quelques interprétations sur la règle. Innocent IV et Nicolas III le suiVÎrent dans la même voie, tandis que frère Élie donnait une impulsion vigoureuse aux études et que saint bonaventure en fixait le règlement dans les statuts généraux de Narbonne (1260). Le Saint Siège se servit de plus en plus des nouvelles forces du jeune ordre plein de vigueur, qui jouissait déjà d’une grande popularité, et lui octroya de nombreux privilèges. Mais François, craignant et prévoyant les dangers qui pou valent en résulter pour son institut, avait défendu à ses frères, dans son testament, de demander des pris ileges « à la cour romaine, ni pour église ni pour aucun autre lieu, ni sous prétexte de prédication ni pour

cause de persécution contre leurs personnes », comme il avait également défendu de faire des gloses sur la règle. Le contraste entre la volonté du fondateur et les conditions réelles de l’ordre était donc évident et la réaction était inévitable. Les premiers compagnons du saint continuèrent à vivre de sa mémoire et à s’inspirer de son idéal. Pour eux, l’intention de François faisait loi et non pas les expositions de la règle, soit privées, soit officielles, qu’ils considéraient comme des gloses interdites par le patriarche séraphique lui-même.

Nous connaissons, de sources variées, les premiers chocs entre la partie la plus nombreuse de l’ordre et les zélateurs de la pureté de la règle. Ange de Clareno, Trib.. 2. nous a conservé le contenu d’une lettre de frère Élie à Grégoire IX, que Wadding a insérée dans ses Annales, à l’an 1239, n. 3 (t. iii, p. 22). Le ministre général se plaint dans les termes suivants : « Il y cn a parmi nous quelques-uns qui, pour avoir été disciples et compagnons de notre l'ère saint François, sont tenus en grande estime nu-dedans et au-dehors de l’ordre ; mais, se gouvernant à leur gré et secouant le joug de l’obéissance, ils courent çà et là comme des ouailles sans pasteur et des hommes sans guide, parlent sans retenue et suivent un genre de vie qui deviendra un détriment pour l’ordre, si Notre Sainteté n’y porte pas remède. C’est pourquoi j’ai jugé de mon devoir de dénoncer à Votre Sainteté ce que j’aurais préféré passer sous silence, si par des exhortations charitables et des remèdes opportuns j’avais pu y remédier. » Cette lettre ne porte pas de date et on ne sait si elle a été écrite avant ou après les châtiments que son auteur infligea aux compagnons du saint et qui ont été largement décrits par Ange de Clareno. Voir aussi la Chronique des 24 généraux, dans Anal, franc., t. iii, p. 34, 72, 89. Rien d'étonnant que les spirituels aient attribué plus tard à frère Élie nombre d’autres méfaits, dont en réalité il n'était pas coupable.

Crescence de Iési (1244-1247), cinquième successeur de saint François, figure, dans Ange de Clareno, comme l’auteur de la troisième persécution de l’ordre, c’est-à-dire des spirituels. De fait, d’après Ecele.ston, Anal, franc., t. i, p. 244, et la Chronique des 24 généraux, dans Anal, franc, t. iii, p. 263, il fut aux prises avec les zelanli comme ministre provincial de la Marche d’Ancône (donc avant son généralat), où certains frères « méprisant les institutions de l’ordre et se croyant meilleurs que les autres, prétendaient vivre à leur gré, attribuaient tout à l’esprit, et portaient des manteaux plus courts », d’où quelques auteurs les appellent mantellati. Ange de Clareno au contraire met cette persécution sous le généralat de Crescence. Les zelanti, au nombre de 02 ou 72, ayant pris conseil des compagnons de saint François, voulaient porter leurs griefs devant le souverain pontife, mais Crescence les prévint et obtint d’Innocent IV l’autorisation de les châtier. Les plaignants furent aussitôt saisis et relégués deux à deux dans les provinces les plus lointaines de l’ordre. Une bulle Provisionis nostræ du 7 février 12 l(i, dans Bull, franc, t. i, p. 410, qui autorise Crescence à procéder contre les frères apostats ou insolents, rend vraisemblable le récit d’Ange de Llareno, qui peut-être l’a seulement trop chargé en couleur. Les exilés furent rappelés par le général suivant, le bienheureux Jean de l’arme (1247-1257). Les rigoristes n’eurent pas à se plaindre sous le gouvernement de ce dernier, qui, tout zélé qu’il fût, ne pouvait changer le cours de l’ordre ; ce qui faisait dire au bienheureux Gilles : bene et opportune venisti, sed larde venisti. Trib., .'i. Jean de l’aune finit par être inculpé de joachimisme et dut abandonner sa charge en faveur de saint Bonaventure, sous qui Ange de Clareno place la quatrième persécution des spirituels. En vérité, le Docteur séraphique tenait

une position saine et prudente entre les deux lendan-