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SPIRITISME. LES DOCTIUNES

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de toutes sortes : sonnettes, guitares, accordéons qui retentissent dans l’air ; lueurs ; mains qui caressent les visages ou tapotent les dos ; périsprit (cette matière qui unirait l'âme au corps, participant de la nature de l’une et de l’autre), que les médiums extériorisent visiblement de la bouche, ou que les esprits abandonnent et qui vient se mouler sous forme de mains ou de gants dans des baquets pleins de paraffine liquide ; périsprit qui se solidifie sous forme de figures le plus souvent grotesques ; périsprit auquel on a tenté de donner un état civil scientifique en le baptisant du nom d’ectoplasme. Toutes choses qui ont transformé nombre de séances spilites eu exhibitions charlatanesques et foraines.

Combien plus méritent-elles la flétrissure que portait Tertullien contre les magiciens de son temps : De/unctorum infamant animas.' Ce ne sont plus seulement des magiciens, caste réser ée, qui opèrent ; c’est quasi le premier venu, pour satisfaire sa curiosité. Et les procédés, en maints exemples, respirent la vulgarité, une bassesse grotesque, l’inconvenance. On fait plus que deshonorer les morts : on les avilit.

III. Les doctrines.

De nos jours, il semble que, dans les séances spirites publiques, au moins en France, les enseignements directement philosophiques ou religieux sont rares. On ne pourrait l’affirmer des séances privées. Mais à la base de tout spiritisme il y a la croyance à la possibilité de communications régulières, organisées, des vivants avec les morts.

Suivant le dogme de la communion des saints, nous demandons aux âmes bienheureuses d’intercéder pour nous auprès de Dieu. S’il nous est permis de nous recommander aux suffrages des âmes du purgatoire, nous demandons surtout à Dieu de vouloir bien prendre en considération, pour leur soulagement, les prières et les œuvres que nous lui offrons à cette intention. Nous croyons même qu’elles continuent à s’intéresser à nous dans la mesure où Dieu le juge convenable. Mais, une fois entrées dans l’au-delà, toutes lésâmes, quelle que soit leur destinée, se trouvent placées sous la domaine particulier de Dieu. Klles ne peuvent communiquer sensiblement avec nous, soit par des apparitions, soit par des paroles (fait qui. peut-être, serait plus fréquent au moment du trépas), qu'à titre tout à fait exceptionnel, par un privilège concédé de Dieu. Selon le sens de ce qui est dit en la parabole du mauvais riche, rapportée par saint Luc, « un grand abîme est établi entre les vivants et les morts, Luc, xvi, 26 : ceux d’ici ne peuvent à leur gré entrer en relation avec ceux de là-bas, ni ceux de l’au-delà s’entretenir avec ceux d’ici-bas. S. Augustin, De thi>. quæst. ad Simplicianum, I. II, q. iii, 3 ; De oclo Dulcilii quæst., vi, I. I.e spiritisme renverse ces notions. Il prétend établir un commerce organisé, sensible, entre les vivants et les morts. En même temps, il fausse ce que le Credo catholique enseigne au sujet des réalités et des sanctions d’outre-tombe et de ce chef dénature les dogmes essentiels de notre foi.

Le spiritisme a-t-il un corps de doctrines ? Si l’on parcourt les livres d’Allan Kardec, de Léon Denis et de leurs disciples, les livres et les revues spirites particulièrement de langue française, on peut ainsi constituer le Credo spirite.

Dieu existe, grand architecte. Mais il est interdit à l’homme d’en scruter la nature. La notion qui nous en est donnée est vague, confuse, flottante, la notion déiste. Dieu est-il personnel ? Dieu est-il distinct du monde ? La réponse est tantôt oui, tantôt non. Dieu veille-t-il sur le monde par sa providence ? Cette providence, si elle existe, reste lointaine, générale. Elle n’est pas aimante. Dieu n’intervient pas, ne peut intervenir dans les allaires humaines par le miracle : il est lié par les lois qu’il a établies. Il est vain et irréligieux

pour l’homme de le prier : Dieu connaît tous nos besoins ; c’est lui faire injure que de les lui exposer. Rien de la Trinité, rien des relations et de l’action des personnes divines. Le Christ n’est pas Dieu par nature. C’est l’envoyé de Dieu, un sage, peut-être le plus grand des sages, l’annonciateur de la charité humaine, le plus grand des spirites : on croit l’honorer beaucoup en lui concédant ce privilège. Mais, s’il s’est élevé au sommet de l’humanité, il reste un homme.

Rien des sacrements. Quant au mariage, les esprits, au temps d’Allan Kardec, appelaient de leurs vœux le divorce : aujourd’hui, ils en célèbrent les bienfaits. On ne fait mention de l'Église que pour l’accuser de vouloir dominer les consciences, assujettir les âmes, étouffer la liberté. Les publications spirites, plus ou moins officielles, reprennent, à leur compte, tantôt ouvertement, tantôt en les voilant, toutes les accusations que l’ignorance ou l’impiété modernes accumulent contre l'Église.

On réduit à peu près les enseignements du Christ et les prescriptions de la morale au précepte : « Aimezvous les uns les autres. » Encore le détache-t-on du premier : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces. » Quant à la loi du renoncement, de l’abnégation, de la mortilieation, tant de fois proclamée par le Sauveur, on la condamne comme contraire à notre nature. Se mortifier, c’est attenter à la nature humaine. La morale spirite n’a aucune idée du devoir d’assujettir la chair à l’esprit, d’où naît la grandeur de l’homme. Il y a même sur ce point un silence remarquable. D’ailleurs, tout le code des devoirs est étrangement écourté, et ce qu’on en laisse est énoncé sans force ni relief, avec mollesse et à la dérobée. On insiste beaucoup plus sur les droits, dont le principal est la liberté de pensée, la liberté de conscience, toutes les croyances et toutes les religions étant également bonnes. Évidemment, l’humilité chrétienne est totalement ignorée.

Mais le point sur lequel les communications spirites insistent le plus, si bien qu’il apparaît comme l’enseignement essentiel et comme la foi dernière du spiritisme, c’est la négation des peines éternelles de l’enfer. Là-dessus, les communications reviennent incessamment. Des communications faites à des catholiques consultants débutent d’une façon anodine, ou même pieuse et évangélique ; brusquement, à un moment donné, elles font entendre cette déclaration péremptoire : « Surtout, il n’y a pas d’enfer éternel 1° Voilà le dogme par excellence de la religion spirite. Il semble que, cela obtenu, tout est obtepu. Le reste n’est là que pour l’encadrement.

Misérable, au surplus, est l’idée qui nous est présentée du bonheur de l’autre vie. C’est la vie bourgeoise de cette terre continuée. Les esprits dépouillés de leur corps, mais accompagnés de leur périsprit, poursuivent là-bas leurs occupations, leurs distractions et leurs divertissements d’iei-bas. L’autre monde est une répétition légèrement améliorée de celui-ci. Les esprits des défunts veulent bien nous dire et nous répéter qu’ils ne sont pas malheureux. A lire les messages colportés par les spirites, on les sent plutôt résignés, cherchant à passer le temps le plus doucement possible. En tous cas, leur bonheur n’a rien de cette plénitude que la révélation chrétienne promet aux serviteurs fidèles.

Dans la doctrine spirite, y a-t-il un purgatoire ? Les spirites français remplacent, assez communément, le purgatoire par la réincarnation. Les esprits ou les âmes des défunts viendraient de nouveau, .sur cette terre, s’unir à un corps. Telle personne aurait eu ainsi toute une série d’existences antérieures, dont elle ne conserverait plus, d’ailleurs, qu’un très sommaire souvenir : par exemple un titre honori flque. Dans ces exis

tences successives, elle expierait les fautes commises