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SPIRITISME. LES FAITS MODERNES


anges ne semblent bien qu’une transposition sentimentale des esprits. Le Journal des premiers sommeils écrits de Mlle JeanneGilberie-Rosalie Rochelle, du 89 mars ou 4 mai 1788, tenu par WUlermoz avec sa minutie habituelle et publié par Ê. Dermenghem (Les sommeils. Étude d’Emile Dermenghem, Paris, la Connaissance, 1926), nous aide à comprendre, avec quelques autres publications de ce genre, ce qu’il faut entendre par ces communications et ce commerce.

Tandis qu’elle était en traitement au Mont-Dore, Mlle Rochette s'éprit du jeune de Pizay qui se mourait d’une maladie de poitrine. Or. un après-midi, étant allée lui faire visite, elle le trouva étendu mort dans sa chambre. D’où crises convulsives. Elle arrive à Lyon, sur la recommandation de M. de Monspey, pour y Être soumise au traitement magnétique de la Société de la Concorde. Le comte de Castellas, doyen du chapitre, l’ayant reconnue pour sa compatriote, se charge de son traitement. Willermoz s’ofïre à le seconder et à le remplacer en cas d’absence. Notons que ces divers personnages, à l’exemple de Willermoz, sont grands maîtres dans le rite écossais.

Le 30 mars, à sept heures du soi]. Mlle Rochette, mise en sommeil par des passes, et les prières finies, voit les saints patrons de M. le doyen, les siens propres et les bons anges de tous deux. F.lle voit de Pizay toujours étendu en face d’elle, « en pente ». le visage couvert d'étoiles, ayant à sa droite l’oncle Castellas et à sa gauche sa sœur Marguerite, tous deux à genoux. Un être bienheureux se tient debout vers la tête de de Pizay. Ce doit être un parent de Willermoz : il le regarde avec beaucoup d’intérêt. Un petit ange vient présenter à de Pizay un petit rouleau de papier gros comme un doigt. Tous les êtres bienheureux présents, entourés de lumière, lèvent les yeux au ciel. Voici que le petit rouleau se déplie. Elle y lit : « Console un être dont l'âme s'élève à Dieu et dis-lui que l'être que tu vois là et qui t'était inconnu, c’est son père (ClaudeCatherin Willermoz). > Le rouleau est attaché avec de petits fils d’or que de Pizay défait chaque fois qu’il veut lui faire lire quelque chose. » Ah ! s'écrie-t-elle, le père de M. Willermoz va baiser avec grande joie les pieds de de Pizay. » Elle lit sur le rouleau que de Pizay attend Willermoz avec plusieurs de sa famille. Le petit anse efface ce.mot et écrit quelques-uns. Elle voit la sainte Vierge, saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste. Après les prières d’actions de grâces, M. le doyen lui ouvre les yeux, en lui passant trois ou quatre fois les pouces le long des paupières. Il est 9 heures.

Le 2 avril, S heures du soir. Elle voit arriver par son côté gauche une ombre noire, faisant effort pour s’approcher du père de M. Willermoz. La voyante est fort émue ; elle se tait, puis s'écrit : i Ah ! Monsieur Willermoz, cette ombre noire est votre mère. Ah ! qu’elle souflre et depuis longtemps ; elle a été bien oubliée, cette pauvre femme I Elle me fait pitié. » 5 avril : La voyante tance fortement Willermoz de n'être pas venu le 3 avril comme il avait promis. Son absence a fait échouer la séance. Mlle voit deux des personnages se jeter dans ses bras. Exclamations, prières ardentes, torrent de larmes. Le bon Willermoz se sent incapable de raconter la scène. 8 avril : Il y a beaucoup de petits anges ; ils sont bien dix-huit. Ils portent une petite chaire. Un prêtre, oncle de Willermoz, y entre. Il sort de sa poche un petit rouleau, il semble qu’il va prêcher, mais il a une chasuble blanche et noire comme s’il allait dire la messe… Il se met à genoux… Il se relève. Elle sent la mère de Willermoz, les trois sœurs de celuici, le frère de M. le doyen sur son estomac. IIS la serrent fort. Elle paraît tout oppressée. (Disons que la voyante est enceinte.) Puis ce sont sept qui la pressent. Un personnage apparaît tout en flammes, Encore un

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oncle à Willermoz. lue flamme vient jusqu'à sa main : cri d'étonnement, de douleur. Puis, elle fait pendant vingt huit minutes (admirons la précision du reporter), sans aucune interruption, un sermon rempli d'énergie et d’onction, d’abord sur les souffrances de l’enfer et des autres lieux de douleurs, puis sur le ciel. « Le sermon a été fait avec tant de violence, de chaleur et de rapidité qu’il n’a pas été possible d’en retenir par écrit une seule phrase. »

Dans les séances qui suivent, l’oncle prêtre Willermoz apparaît plusieurs fois. Le rouleau qu’il porte est tout couvert de petites flammes. Il est demandé de célébrer, pour la mère et les trois sœurs défuntes de Willermoz, douze messes avec prescriptions détaillées quant au mode et aux jours, tout comme un bordereau de commande à la maison lyonnaise de soieries du sieur Jean-Baptiste Willermoz.

Si l’on veut se souvenir que tous les personnages dont il est ici question appartenaient aux grades élevés et que Willermoz avait rang d’oracle parmi les maçons, on devra conclure que la franc-maçonnerie, au xviiie siècle, se livrait, avec la religiosité de la bourgeoisie d’alors, aux pratiques du spiritisme moderne.

IL Les faits modernes. — Voici qu’en 1847, dans un petit village de l'État de New-York, à Hydesville, se passent des incidents qui auront un retentissement mondial. L T ne nuit de cette année 1847, un M. Weekman entend frapper à sa porte. II ouvre et ne voit personne. Il entend frapper une seconde, une troisième fois. Toujours vainement, il ouvre. Le manège se renouvelle plusieurs nuits. De guerre lasse, il quitte la maison. Il est remplacé par le D r John Fox, sa femme et ses deux filles. Les bruits qui avaient chassé M. Weekman se répètent. Pour éclairer le mystère, la fille aînée de M !. Fox s’avise de frapper dans ses mains, en invitant le bruit à lui répondre. Il répond en effet. La conversation s’engage : « Si tu es un esprit, frappe deux coups. » Deux coups sont frappés. « Es-tu mort de mort violente ? » Deux coups. « Dans cette maison ? » Deux coups. » On converse à l’aide d’un alphabet dont les lettres sont représentées par un nombre convenu de coups. En 1850, se produisent des mouvements de tables où les esprits résident et autour desquelles les assistants font la chaîne.

Toute l’Amérique veut se mettre en communication avec le monde invisible. Dès 1853, le spiritisme y comptait, dit-on, 500 000 adeptes. A cette étrange diffusion semble avoir eu part la secte des quakers. Outre les tendances humanitaires que l’on retrouvera dans les doctrines spirites, l'étrange « inspiration » qui se manifeste dans les assemblées des quakers et qui s’annonce par le « tremblement » n’est pas sans analogie avec la tenue des séances spirites. C’est la remarque de M. René Guenon, dans son livre si documenté L’erreur spirite, Paris, 1923, p. 20. Celui-ci note que ce fut un quaker, du nom d’Isaac Post, qui s’avisa de faire désigner par 1' « esprit » les lettres de l’alphabet d’après un certain nombre de coups, d’où le spiritual lelegraph. Ce fut également à un quaker, nommé George Willets, que la famille Fox dut de ne pas être massacrée par la population de Rochester, où elle était allée s'établir. Selon le même auteur, une autre secte, la société secrète désignée par les initiales « II. B. of L », ( llrrmelic Brolherhood of Luxorj, aurait été mêlée à la diffusion du mouvement spirite. C’est l’affirmation de Mme Emma Hardinge-Britten, qui a écrit l’histoire des débuts du Modem spintualism, et qui appartenait à cette société. Dans ce mouvement spirite américain, il y a quelque chose comme la systématisation et l’exploitation du phénomène connu, dit le phénomène des i maisons hantées.

lài France, le spiritisme trouva nu homme qui devait être non seulement son très fidèle disciple, mais

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