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SPIRITISME. LES ANTÉCÉDENTS


Périmède, se charge des victimes, Je prends le glaive

à pointe qui me battait la cuisse, et je creuse un cane d’une coudée ou presque ; puis, autour de la fosse, je fais à tous les morts les trois libations, d’abord de lait miellé, ensuite de vin doux, et d’eau pure en troisième lieu : je répands sur le trou une blanche farine et, priant, suppliant les morts, têtes sans force. Je promets qu’en Ithaque, aussitôt revenu, je prendrai la meilleure de mes vaches stériles pour la sacrifier sur un bûcher rempli des plus belles offrandes. En outre, je promets au seul Tirésias un noir bélier sans tache, la fleur de nos troupeaux. Quand j’ai fait la prière et l’invocation au peuple des défunts, je saisis les victimes : sur la fosse. où le sang coule en sombres vapeurs, je leur tranche la gorge et, du fond de l'Érèbe, je vois se rassembler les ombres des défunts qui dorment dans la mort : femmes et jeunes gens, vieillards chargés d'épreuves. tendres vierges portant au cœur leur premier deuil, guerriers tombés en foule sous le bronze des lances… Eli foule. iK accouraient à l’entour de la fosse avec des cris horribles : je verdissais de crainte… j’interdis à tous les morts, têtes sans force, les approches du sang, tant que Tirésias ne m’a pas répondu. » Odyssée, chant xi, vers 19-50, trad. Bérard, collection Budé.

Ces évocations, véritables ou imaginées, nous mettent en présence d’une pratique réglée par un rituel consacré. Dans son récit, Homère est l'écho des traditions et des croyances de l’ancienne Grèce. Dans la Bible et chez Homère, l'évocation des morts apparaît comme un acte religieux, là revêtu d’une sorte de solennité grave, ici avec un caractère de passion plus sauvage. Mais, de part et d’autre, l'évocation se fait avec tremblement, l’apparition inspire la terreur.

Des évocations sanglantes, au dire de Varron, auraient été pratiquées par Numa et Pythagore : ubi adhibito sanguine etiam inferos perhibet sciscilari. S. Augustin, De civil. Dei, t. VII, c. xxxv.

Aux Actes des apôtres, xvi, 16-18, il est dit qu'à Philippes, saint Paul fut contrarié dans son apostolat par une jeune esclave possédée d’un esprit python. Paul dit à l’esprit : « Je te commande au nom de JésusChrist de partir d’elle. » Et il partit à l’instant même. On peut remarquer ici que la Macédoine, où la ville de Philippes est située, était renommée pouf ses serpents. On en faisait commerce. C'étaient des serpents de grande taille, doux et pacifiques, qui circulaient au milieu des enfants. Lucien raconte que le magicien Alexandre d’Abonotique y acheta pour quelques oboles le serpent python dont il se servait pour ses oracles. Il s’en enveloppait de manière à paraître ne faire qu’un avec lui. Alexandre, 7, 15, 26 : cf. niche-Martin, Histoire de l'Église, t. i, Paris, 1934, p. 176, note 4. « Dans la fable ancienne, Python était le serpent qui rendait des oracles à Delphes. Apollon le mit à mort et se substitua à lui dans la fonction de devin ; d’où il fut appelé Apollon-Pyt hien. Le Python était, à Delphes, l’inspirateur de la femme qui, assise sur le trépied, couverte de la peau du serpent, rendait des oracles au nom de l’esprit de divination. De là, les devins prirent le nom de pythons, tï'jOgjvïç. Plus tard, ainsi que nous l’apprend Plutarque, les tcuOcûveç furent appelés èYYKcrpiu.lSOoi, ventriloques. » Jacquier, Les Actes des Apôtres, Paris, 1926, p. 491-494. Ainsi Tertullien, Advenus Marcionem, ii, 1, 22 ; Lusèbe, Adde augures ;, .simuleoscoram Pgthio statue, qui divinationes suas jarina hordeove perficiunt, quiquea plurimisetiamnunc observantur ventriloques. Præpar. eoang., ii, 62. On croyait que le Scctfiwv parlait et vaticinait par le ventre de ces — j’twvsç.

Paul traite la jeune esclave de Philippes en possédée. Il commande à l’esprit qui la possède. Mais on est amené à se demander si les pythonisses, au moins certaines pythonisses, qui sont représentées comme con versant avec les ombres, ne se répondraient pas à ellesmêmes, Nous avons noté que, dans le cas de la pylhonisse d’Endor, Saûl ne voit pas l’ombre de Samuel. Tout se passe entre la pythonisse et l’ombre. Et il parait bien que la ventriloquie a joué son rôle dans l’histoire du spiritisme. D’ailleurs, en certains cas, la possession a pu se combiner avec la ventriloquie.

Avec Tertullien, Apol., XXIII, il semble que nous entrons dans l'ère moderne. Voici, dit-il, que « des magiciens font paraître des fantômes et vont jusqu'à déshonorer les âmes des morts, dejunctorum infamant animas ; ils font tomber des enfants pour leur faire rendre des oracles ; par leurs jongleries charlatanesques, ils opèrent, comme par amusement, quantité de prestiges ; ils envoient aussi des songes, ayant à leur service la puissance des anges et des démons, grâce auxquels il y a jusqu’aux chèvres et aux tables qui prédisent l’avenir, per quos capræ et mensæ divinare consueverunt. » Comme le note Waltzing, Tertullien, fasc. 24, p. 109-110, c’est déshonorer les âmes des morts que, de les évoquer pour les faire servir à des pratiques intéressées et décriées.

Tertullien, dont la vie se place entre 160 et 240, a dû connaître à Cartilage Apulée né vers 150. On sait qu’Apulée a toujours été séduit par les mystères de la magie. Dans son Apologie, éd. Budé, p. 34, 51, 55, il parle d’enfants ou de jeunes esclaves mis en catalepsie par incantations et rendant des oracles. Ubi incantatus sit, corruisse (pucrum), poslea nescientem sui excitatum, mulla præsagio prasdixisse. On songe aux scènes qui se passèrent autour du baquet de Mesmer et qui eurent part (voir plus loin) à l'éclosion du spiritisme en France. Dans l’Ane d’or, Apulée conte l’histoire d’un mort rappelé à la vie pour dire le secret de sa mort, t. II, et de la vieille cabaretière Méroéqui a le pouvoir d'évoquer les mânes et de faire descendre les dieux sur la terre, 1. III. Voir Paul Monceaux, Apulée magicien, p. 282, 283, 290.

De quelle manière se faisait la divination par les chèvres ? Eusèbe parle du procédé sans l’expliquer : Ejusdem quoque fascinationis veluli negotiationis socise habeantur caprse ad divinandum informntæ ; neenon cori’i illi, quos ad responsa reddenda homines erudiere. Loc. cit. Waltzing, commentant Tertullien, se contente de dire : « des chèvres parlantes, dressées à prédire l’avenir ». Mais comment parlaient-elles ? Est-ce par des bêlements que les devins interprétaient ? Est-ce par des coups frappés du pied sur le sol qui seraient aussi interprétés selon un alphabet convenu. Dans ce cas, on aurait là les prototypes des guéridons frappeurs en usage dans les séances spirites. Nous avouons n’avoir rencontré aucun texte ancien qui éclaire la question. L’emploi des chèvres en divination aurait peut-être son origine dans la légende rapportée par Diodore, xvi. « Des chèvres errantes s'étant approchées de l’ouverture dans le sol où se rendent maintenant les oracles de Delphes, furent prises de bondissements étranges, en même temps qu’elles faisaient entendre des bêlements tout différents de leurs bêlements ordinaires. Leur berger, qui veut se rendre compte du phénomène, éprouve des effets analogues ; et, saisi lui aussi du souille divin, se met à prédire. »

Tertullien ajoute : Et mensæ divinare consueverunt. Comment fonctionnent ces tables ? Waltzing nous dit : « des tables tournantes comme celles des spirites ». Et il ren voie à. n uni en Mareellin, lier, gest.libri XXIX, i. 29 (en l’an 371). Celui-ci parle d’une table dont Patricius et Hilarius consultent Les mouvements sur les destinées de l’empire : Movendi autem quotiens super rébus arcanis consulebatur nul institutio talis. Sur une

petite table. 0Il place Lin plateau parlait emelll rond,

sur le boni duquel ont été gravées le-. 24 lettres. Celui qui interroge, litato conceplis carminibus minime præ